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AUGUSTIN (SAINT)

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Réforme. Celle-ci en effet isole chaque fidèle (en principe du moins) ; son salut est affaire personnelle entre son âme et le Christ ; nul prêtre, nul médiateur humain ne doit intervenir. Pour le docteur d’Hippone, au contraire, Dieu n’a laissé, dans aucune sphère, l’homme isolé : dans la vie physique et intellectuelle, il lui a donné la famille et la société ; pour la vie surnaturelle, il lui a préparé une famille et une société, l’Église, dont le rôle, entouré de divines garanties, sera de lui donner la vie et de le conduire au salut. Jésus-Christ a été médiateur : l’Église sera médiatrice, perpétuera son œuvre, ou plutôt Jésus-Christ la continuera en elle et par elle. Voilà la thèse qu’Augustin développe sous mille formes : o) L’Église est la voie du salut : « Fuyez quiconque n’est point catholique, pour que le pardon, la résurrection, la vie éternelle vous soient accordés per xtnam veram et sanctam Ecclesiam catholicam. Serm., cr.xv, n. 9, P. L., t. xxxviii, col. 1076. — b) L’Église suprême autorité pour conduire l’humanité : Totum cuhnen auctoritalis lumenque rationis in illo uno salutari nomine atqie in cna ejus Ecclesia recreando et reformando humano generi constitutum est. Epiai., cxvin, c. v, n. 33, P. L., t. xxxiii, col. 448. — c) L’Église vraie mère des âmes, Ecclesia mater spiritualis. Epist., xxxiv, n. 3, ibid., col. 132. — d) L’Église associée à l’Ilomme-Dieu dans cette maternité comme Eve à Adam. Serm., xxii, n. 10, P. L., t. xxxviii, col. 154. —

e) L’Église associée à la Divinité : Pater Deus est, mater Ecclesia. Serm., ccxvi, n- 8, ibid., col. 1081. —

f) L’Église épouse du Christ, dont les saintes fiançailles ont été célébrées au moment de l’incarnation dans le sein de Marie. In 1 Joa., tr. II, n. 2, P. L., t. xxxv, col. 1990 ; Serm., xii (coll. Denis), n. 2, P. L., t. xlvi, col. 853. — g) L’Eglise corps mystique du Christ, qui Si ra, avec son corps réel, représentée sous les symboles eucharistiques. Voir Eucharistie. — h) L’Eglise, vraie cilé de Dieu, royaume des cieux, figurée, annoncée à chaque page des Livres saints, par le paradis terrestre, l’arche de Noé, la cité sainte de Jérusalem, par Pierre et enfin par Marie elle-même. Voir Specht, Die Lehre von der Kirche nach dem h. Augustin, p. 9-26.

2. Nécessité de l’Église.

Hors de l’Église point de salut. Non seulement Augustin approuve le tameux mol de saint Cypricn, sains extra Ecclesiam non est, mais il nous apprend que c’était la foi unanime même des sectes séparées : Quis negat ? dit-il. De bapt., 1. IV, c. xvii, n. 24, P. L., t. XLHI, col. 170. Une autre formule de Cyprien :.Von habebit Deum patrent qui Ecclesiam nolueril habere mal rem, était souvent pré-Bente à sa pensée. Gont. lilt. Petil., 1. III, c. ix, n. 10, /’. L., t. xi.iii, col. 353. Aussi avec quelle énergie, dans tous sis écrits contre les donatistes, il leur ordonne de rentrer dans l’Église. Voir la lettre cxi.i, écrite par Auru-iin au nom des évoques de Numidie, n. 5, P. L., t. XXXIII, col. 579. Et dans le sermon au peuple de i. 6, /’. L., t. xi.iii, col. 695, il s’écrie : « Hors de l Église catholique, le donatiste peut tout avoir : il

peu) avoir les dignités, … les sacre nts, … les chants de

l’alléluia, … la foi et la prédication de la foi, mais le salut, nulle part il ne pourra le trouver, hors de l’Église catholique. L’Esprit-Saint qui vivifie l’Église ne vivifie plus 1rs membres qui en sontséparés. Epist., ci. xxxv, c. i. n. 50, P. /.., t. xxxill, col. 815. Enfin, notre amour pour l’Église est la mesure du Saint-Esprit en nous, lu Joa., tr. XXXII, n., s, /’. /, ., t. xxxv. col. 1646.

. L’action immédiate de Dieu’/ans les <fme « n’est

pourtant pas empêchée par ce rôle ordinairement indisible de I Église. C’est le reproche dis protestants : Aiigu^iiu l’avail prévenu. a) Dans l’Église, Dieu agit dans les âmes comme maître intérieur et inspirateur de tout bii n p i.> grâce. Voir col. 23-28, 2385sq. — b) Hors d est point lié les

nains il peut "|" rer dans les ftmes qui ne connaissent

pas encore l’Église, des merveilles de grâce, sans intermédiaire humain, non interposito /tontine, témoin le centurion Corneille qui reçut le Saint-Esprit avant d’être baptisé. Cont. epist. Parm., 1. II, c. xv, n. 34, P. L., t. xliii, col. 76. Cf. Serm., xcix, n. 11-12, P. L., t. xxxviii, col. 601-602 ; Serm., ccxxvi, n. 4-7, ibid., col. 1226 sq. Dieu agit ainsi, pour bien montrer que toujours c’est Lui, et non le ministre qui sanctifie : Cur igitur modo sic, modo autem sic, nisi ne aliquid hinc humanse superbise sed lolttm divinas grattas potestatit /tie tribttatur ? Serm., CCLXIX, n. 22, ibid., col. 1236. Conclusion : Dieu sanctifie parfois sans l’Église et les sacrements, jamais le contempteur des sacrements : Proinde colligitur invisibilem sanctifleationem quibusdam affaisse atque profuisse sine visibilibus sacramentis. .. nec tanten ideo sacramentum visibile contemnendum est ; nam contemptor ejus invisibilité »

    1. SANCTIFICARI NULLO MODO POTEST##


SANCTIFICARI NULLO MODO POTEST. QuXSt. itl Hept., 1. III,

q. lxxxiv, P. L., t. i.xxxiv, col. 713. — c) Enfin, même quand intervient le prêtre et le sacrement, c’est toujours Dieu seul qui donne la grâce et sanctifie. C’est là une des idées favorites contre les donatistes qui attribuaient la grâce à la sainteté du ministre. C/tristus sanat, Cltrislus mundat, Christus juslificat, s’écrie-t-il… Et tanten addil [donatista]… : ego justi/ico, ego juslunt facio. Serm., ccxcii, n. 6, P. L., t. xxxviii, col. 1324. Et ce qu’il dit de l’action sacramentelle il le répète du ministère doctrinal : « L’enseignement extérieur n’est qu’un secours : il vous avertit : mais celui qui instruit les cœurs a sa chaire dans les cieux… Lui seul est votre maître, le Christ, etc. » In I Joa., tr. III, n. 13, P. L., t. xxxv, col. 2004.

Vraie conception de l’Église, conciliant sa visibilité et sa sainteté.

1. Le problème.

L’erreur donaltiste faisant dépendre le pouvoir sacramentel de la sainteté du ministre, devait aboutir logiquement à faire de l’Église la réunion des seuls justes, à l’exclusion de tout pécheur. Ce fut bien ainsi que les évêques du parti proposèrent leur système à la conférence de Carthage en 412. Brevic. coll., 3 a dies, c. viii, n. 10, P. L., t. xi.iii, col. 629. Nous avons dit que les pélagiens les avaii ni encore dépassés. Voir col. 2383. Mais surgit aussitôt une effrayante difficulté : La sainteté personnelle étant invérifiable, qui est dans l’Eglise et où est l’Église ? La visibilité disparaissant, il n’y a plus de société, plus d’autorité certaine. — D’après la conception catholique, l’Eglise est la société de tous les baptisés soumis à la hiérarchie ecclésiastique. La visibilité est sauve, mais la sainteté’ne va-t-elle pas s’éclipser’.' On peut être soumis au pasteur, être même pasteur, et en même temps criminel. — Entre ces deux conceptions, qu’a choisi Augustin. A en croire A. Harnack, Dogmengeschicltte, t. iii, p. 152-154, sa doctrine serait encore ici un tissu de contradictions. Tour à tour l’Eglise serait, chez le grand docteur, ou bien l’Église du ciel, cclt’slis SOCÎetaS, dont la terre ne posséderait qu’une pâle image, ou la grande cité de Dieu qui des l’origine du monde embrasse tous les esprits soumis à Dieu, même les anges, ou la communion des seules âmes actuellement saintes, seraient-elles hors de la société chrétienne, ou la société des seuls prédestinés, ou enfin la réunion des baptisés au sens catholique. Depuis longtemps les théologiens catholiques ont harmonisé entre elles ces diverses dé finit ions qui, répondant à des points de vue divers, ne ni exclusives, ni contradictoires. Voir Bellarmin, l)r Eccl., I. III. c. ix ; Stapleton, Princ. fid., con-Irov. 1 I. I. c. vin ; Alticoz/.i, Suntma attg., t. III, p. 2348 ; Palmieri, De liant, pont., p, 59.

2. Solution.

o) La vérité est que saint Augustin a posé’en thèse et défendu mille fois contre les donatistes la conception catholique : l’Église est la société visible des baptisi ni à la hiérarchie : les pécheurs son !

véritablement dans l’Église. Les catéchumènes ne sont