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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/489

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AUGUSTIN (SAINT)

7. Tel a été aussi le sentiment des grands théologiens de toutes les écoles. Ils ont toujours reconnu des limites à l’autorité d’Augustin, et, bien qu’à regret, se sont parfois écartés de son sentiment. Le célèbre auteur du De locis theologicis, Melchior Cano, n’a pas exempté Augustin de ces faiblesses humaines que l’on trouve chez les plus illustres docteurs. L. VII, c. iii, 3e concl., Padoue, 1734, p. 217. Et même à propos de la prédestination, D. Bañez, attribuant à saint Augustin la réprobation antécédente des damnés à cause du péché originel, la réfute assez sévèrement et ne craint pas d’écrire : si itaque D. Augustinus voluisset attendere malitiam hujus consequentiæ, nunquam posuisset quod universaliter originale peccatum solum est causa reprobationis omnium reproborum. Bañez, In Iam, q. xxii, a. 5. Noris fait de vains efforts, Vindiciæ, c. v, § 10, P. L., t. xlv, col. 773-782, pour atténuer l’importance de ce passage. Il faut lire les conclusions modérées de Suarez, De gratia, Proleg. VI, c. vi, n. 16.

8. D’ailleurs l’Église et les théologiens, en fixant à l’autorité d’Augustin ces sages limites, suivaient les conseils d’Augustin lui-même. Denzinger, Enchiridion, n. 86, et A. Koch, ouv. cité, p. 135-138, l’ont très bien montré, rien n’est plus antiaugustinien que de prétendre imposer comme règle de foi toute parole d’Augustin. Lui-même proteste avec énergie : in omnibus litteris meis non solum pium lectorem, sed etiam liberum correctorem desiderem… Noli meis litteris quasi Scripturis canonicis inservire. De Trin., l. III, proœm., n. 2, P. L., t. xlii, col. 869. Et il revient sans cesse sur ce sujet, spécialement dans les préambules des livres De Trinitate, l. II, n. 1, col. 845 ; Epist., cxciv, n. 10, P. L., t. xxxiii, col. 873 : in eis (scriptis meis) nulla relui canonica constituatur auctoritas. Epist., cxlvii, n. 2. ibid., col. 597, n. 39, n. 53-54. C’est la règle qu’il pratiquait lui-même à l’égard des autres Pères : En dehors de l’Écriture, écrit-il à saint Jérôme, alios ita lego, ut, quantalibet sanctitate doctrinaque præpolleant, non itu verum putem quia ipsi ita senserunt, sed quia mihi vel per illos auctores canonicos vel probabili ratione, quod a vero non abhorreal, persuadere potuerunt : nec te, frater mi, sentire aliud existimo. Epist., lxxxii, n. 3, P. L., t. xxxiii, col. 277. Cf. n. 32, col. 289 ; Epist., cxlviii, à l’évêque Fortunatien, n. 15, P. L., ibid., col. 628 : tatis ego sum in scriptis aliorum, tales volo esse intellectores meorum.

iii. critique de l’interprétation trop large et respect du à l’autorité d’augstin. — 1° Exposé. — A l’opposé des théologiens précédents, et peut-être par réaction, d’autres écrivains ont cru que les approbations pontificales n’étaient que des formules vagues sans conséquences pratiques. Aussi Launoy, Richard Simon, et récemment M. Margival n’ont-ils pas hésité à dire bien haut que saint Augustin ne s’est pas seulement trompé sur des points secondaires, mais sur le fond même du problème. L’évêque d’Hippone, disent-ils, est un novateur ; rompant avec la tradition des Pères qui l’ont précédé, il introduit le prédestinatianisme dans l’Église. Voir col. 2376.

Critique'. — On a montré plus haut que ces assertions, au point de vue historique, sont contraires aux textes de saint Augustin, col. 2387-2392. Ici nous devons ajouter qu’elles sont en contradiction avec l’enseignement de l’Église. 1. Prétendre que saint Augustin a non seulement innové, mais introduit ses fausses innovations dans l’Église en changeant sa foi (et c’était bien la pensée de Richard Simon en certains passages sur le péché originel, etc.), c’est accuser l’Église d’avoir erré et changé de croyance : nous n’avons point à examiner ici ce qui est la négation même de tout le christianisme : c’est la ce qui irritait Bossuet et explique les paroles parfois un peu exagérées par lesquelles il venge l’Église et saint Augustin. Défense de la tradition et des saints Pères, passim, spécialement l. I, c. vii-viii, Versailles, 1820, t. v, p. 22-30.

2. Mais d’autres critiques accusent Augustin d’erreurs prédestinatiennes ou jansénistes, en constatant que l’Eglise, loin de les adopter, les a proscrites. Même avec ces réserves, le système ne paraît point acceptable. Les documents pontificaux, s’ils ont un sens, signifient pour le moins que l’évêque d’Ilippone est orthodoxe, qu’il n’a pas sacrifié la liberté à la souveraineté de Dieu. On peut admettre des formules excessives (plus dicens et MiNis volens intelligi, col. 2157), des obscurités, des incertitudes, des tâtonnements, des opinions personnelles trop sévères sur certains points (le sort des enfants), mais trouver dans ses œuvres les théories de Calvin, c’est dire que l’Eglise, pendant quinze siècles, a pris pour guide un adversaire de sa foi.

Conclusion. — Elle est renfermée, nous semble-t-il, dans la distinction formulée dans la lettre de saint Célestin I er et la restriction qui l’accompagne. — a) D’une part, dans les questions capitales qui constituent la foi de l’Église en matière de liberté et de grâce, le docteur d’Ilippone est bien réellement le témoin autorisé de la tradition contre l’erreur pélagienne et semipélagienne, ainsi que saint Athanase contre Arius, et saint Cyrille contre Nestorius. Cf. Melchior Cano, De locis theol., 1. VII, c. i-iv ; Fessler-.Iungmann, Instit. patrol., 1890, t. i, p. 41-17. Ainsi existence du péché originel, nécessite » absolue de la grâce au moins pour tout acte salutaire, gratuité du don de Dieu qui précède tout mérite de l’homme puisqu’il doit le causer, prédilection de Dieu pour les élus à qui il donne des grâces prévues efficaces, et avec tout cela liberté de l’homme et responsabilité dans ses fautes, voilà des points sur lesquels l’Église non seulement accepte, mais admire et recommande sa doctrine : témoins les canons du IIe concile d’Orange.

b) D’autre part, les explications plus subtiles des problèmes secondaires, concernant plutôt le mode que le fait, sont laissées par l’Eglise, pour le moment du inoins, à la prudente étude des théologiens. Thomassin, Consensus scliolse de grat., 1. 1, c. x, dans Dogmala theol., l’aris, 1870, t. vi, p. 28, réclame la liberté de discussion sur la prédestination ante vel post mérita. Iiossuet lui-même, déienseur si zélé de l’autorité d’Augustin, affirme avec raison que ce grand docteur n’a /tas même traité la question subtile débattue dans les écoles. Voir col. 2’103. Ainsi, l’augustinisme vrai, dégagé d’idées accessoires, restera intact dans ses principes fondamentaux, et recevra avec les progrès des docteurs et des conciles, de nouveaux développements et de nouvelles lumières.

Les sources sont rangées dans l’ordre chronologique des controverses sur l’autorité de saint Augustin.

I. Controverse dans les Gaui.ks, après la mout de saint i GUSTIN, v-vr sircle. — La question de l’autorité de saint Augustin se confond avec la controverse du semipélagianisme. Voir Semipélagianisme et Augustinisme (théologique). Les documents sont réunis dans : édit. bénédictine de s. Augustin, Appendix ml t. a, /’. /.., t. xi.v, surtout col. 1755-1292 ; A. Malnory, S. Césaire, évêque d’Arles, in-8° Paris, 1894, surtout l’. 143-155 ; A. Koch, Faustus Bischofvon fin :, in-8°, Stuttgart, 1895. Sur les fameux capitula de la lettre du pape Célestin, il faut consulter : le monitum de l’éditeur bénédictin dora i ioustant, /’. /.., t. i., cul. 5’22-. r >’J8, et les auteurs auxquels il renvoie : Noris, Vindicise augustinianse, c. viii, et Ballerini, Observationes ad Norisii historiam pelagianatn, l. il. c. vi, n. 1. Opéra, t. i,

BOl. VU sq. ; Suanz, I ir grat., proleg. VI, c. I. n. 11, Paris, 1H, ".7, t. vii, p. 275 ; Sirmond dans ses noies au t. I des Concilia Gallite ; Mansi, Ampliss. collectio concil., t. iv, col. 455-462 ; .i.-H. Faure, Dissertatio de auctore capitulorum S. Cselestino rom. pont, olim tributorum, dans le Thésaurus theol. de Zaccarla, Rome, t. v, p. 352, conclut à tort pour l’origine n nienne, mais réunit les pièces du procès ; Fessier, Instit. patrol., édit. Jungmann. 1896, t. ii, 2, p. 99,

n. Controverse dj wxiliis entre thomistes et molinistes. — Les théologiens qui y turent mêlés ou jouèrent un rôle dans les célèl n de 1598 < 1607, ont tous

parlé de {’autorité de saint Augustm. Voir les ouvrages des