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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/579

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AVORTEMENT


est viable avant tel autre conçu le même jour. Dans l’immense majorité des cas, le fœtus n’est apte à vivre séparé de sa mère qu’après avoir séjourné sept mois révolus dans le sein de celle-ci ; aussi la viabilité réelle n’est qu’à sept mois. » Eschbach, loc. cit., p. 202.

Espèces.

L’avortement peut être volontaire, soit

directement, soit indirectement, ou involontaire.

L’avortement est involontaire, quand l’expulsion du fœtus est produite par accident, sans être aucunement voulue ni par la mère, ni par d’autres personnes. On l’appelle aussi avortement naturel ou accidentel. Les causes qui peuvent l’amener sont nombreuses. « non pas seulement des chutes, des commotions violentes, un exercice excessif, des coups sur le ventre, mais simplement des bains trop chauds ou trop froids, un pédiluve maladroit, un faux pas, un cahot de voiture, une odeur forte et désagréable, une émotion vive, une grande secousse morale, une contrariété. » Surbled, La morale dans ses rapports avec la médecine et l’hygiène, Paris, 1892, t. ri, p. 185.

L’avortement est directement volontaire quand il est prémédité et voulu, soit comme fin principale pour se débarrasser de l’enfant, soit comme moyen pour sauvegarder la santé de la mère. On l’appelle encore avortement provoqué. « Tantôt l’avortement est fait par la femme même ou son mari, ou des personnes étrangères à l’art ; tantôt il l’est, par la sage-femme ou le médecin… Le procédé opératoire est variable : on use de substances ou de drogues réputées abortives, ou on s’adresse directement à l’utérus et on provoque artificiellement ses contractions pour expulser l’œuf. » Surbled, loc. cit., p. 188. Quelques auteurs ramènent à l’avortement provoqué, les procédés chirurgicaux, embryotomie, craniotomie, etc., qui consistent à briser l’enfant dans le sein de sa mère en cas d’accouchement dangereux. Ainsi lîonal, Tract, devirtute castitatis, Toulouse, 1888, p. 201. Il y a évidemment une grande analogie entre l’avortement et ce genre d’opération, et les mêmes considérations morales que nous ferons sur l’avortement pourront s’appliquer à ces pratiques chirurgicales. Toutefois l’emhryotomie est distincte de l’avortement proprement dit. C’est pourquoi elle est l’objet d’un autre article. Voir Embryotomie.

Si l’avortement n’est pas voulu directement, ni comme fin, ni comme moyen, mais prévu et permis comme conséquence probable d’un acte libre et légitime en lui-même, il ne peut être dit provoqué au sens rigoureux de ce mol ; les théologiens le qualifient « indirectement volontaire » . Exemples : Une mère pour guérir de la fièvre prend un remède dont l’effet direct n’est pas l’expulsion du fœtus, mais qu’elle sait pouvoir produire ce résultat. Une autre accomplit un travail pénible, ou entreprend un voyage difficile — nous pouvons supposer ce travail urgent, ce voyage nécessaire — avec des craintes pour la conservation du fruit qu’elle porte dans son sein. Si l’avortement se produit dans ces circonstances, nous disons qu’il est indirectement volontaire.

II. Moralité.

. position ds i. question. — Nous

n’avons pas à nous occuper, au point de vue de la moralité, de l’avortement involontaire, qui n’est ni provoqué ni prévu et par conséquent ni directement ni indirectement imputable à une volonté libre. Ce n’est pas un acte humain. Si regrettable donc que soit ce fait considéré matériellement, il n’entraîne pas de responsabilité morale. — Mais que faut-il penser de I avortement volontaire ? Lst-il coupable ou non ? L’est-il toujours ? Peut-on, ’i » i des circonstances exceptionnelles, le provoquer directement ? Peut-on du moins le permettre ou vouloir indirectement ? Nous devons répondre à ces interrogations. Il sera utile toutefois de résumer auparavant l’histoire de la question.

II. histoire.

Dans l’antiquité païenne.


L’ancienne société païenne a pratiqué l’avortement sans

mesure comme sans honte. Pour ce qui concerne les peuples grecs, nous n’avonsqu’à nous reporter aux écrits d’Hippocrale. « Si ce grand médecin conseille aux femmes de ne pas prendre les médicaments aborlits dont il enseigne publiquement l’usage, ce n’est pas pour leur éviter une faute morale, mais pour prévenir les immenses dangers corporels qui résultent de leur absorption. » Surbled, loc. cit., p. 191. A Rome, l’avortement est à son apogée, au temps de l’empire, dans toutes les classes de la société. « Ce n’est plus une opération honteuse, clandestine ; c’est une pratique usuelle, répandue et admise partout, jusque dans le palais des empereurs, tellement publique que le théâtre en parle librement comme d’une chose simple et permise. » Ibid. Voir Plante, Truculentus, I, il, 99 ; Ovide, De amoribus, 1. II, c. xiii ; Juvénal, Sat., Il, vi ; Aulu-Gelle. Nocles attiesc, 1. XII, c. i.

Cependant des lois existaient contre les pratiques abortives, quelques-unes très sévères, telle la suivante : « Quiconque aura fait prendre une potion abortive, même sans intention criminelle, comme le lait est d’un mauvais exemple, sera envoyé aux mines, s’il est pauvre ; et s’il est riche, sera relégué dans une île, une partie de ses biens étant confisquée. Si la mère ou l’enfant succombe par l’effet de cette potion, les coupables seront punis du dernier supplice. » Julius Paulus, Reccrpt. sentent., 1. V, tit. xxiii, n. 14, dans Pellat, Manuale juris synopticum, Paris, 1870, p. 838. Mais le désordre des mœurs était plus lort que les lois. Les pratiques déshonorantes de la Rome impériale ne disparurent que sous la divine influence de l’Évangile.

Dans la société moderne.

Au point de vue qui

nous occupe, la société moderne ne ressemble que trop, hélas ! à la société païenne. Sous des prétextes multiples, les uns plus spécieux, les autres iutiles, des mères cherchent à se débarrasser du lruit qu’elles portent dans leur sein, et ne sont pas en peine de trouver des complices diplômés ou non, qui les aident dans leur dessein. Le D r Tardieu écrit, loc. cit., p. 21, 22 : s Le crime d’avortement constitue une véritable industrie. C’est là une vérité tellement reconnue, que l’on désigne publiquement des maisons où les iemmes sont assurées de trouver la funeste complicité qu’elles réclament, et dont la notoriété est répandue jusqu’à l’étranger. Trop souvent les auteurs de ces manœuvres coupables appartiennent à la profession médicale, et empruntent à l’art lui-même leurs moyens de défense. Dans l’immense majorité des cas, à côté d’une accusée, le plus souvent passive, se trouve une complice qui déshonore la profession de sage-femme. Plus rarement, mais trop souvent encore, l’accusation pèse sur les médecins, quelques-uns pourvus du diplôme de docteur. » — Et pourtant, il y a, dans toutes les législations modernes, des peines rigoureuses contre le crime d’avortement. En Angleterre il est puni de mort. Surbled, loc cit., p. 205. En France, l’article 317 du code pénal est ainsi conçu : ’< Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments ou par tout autre moyen, aura provoqué l’avortement d’une femme enceinte, soit qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré’l’avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l’avortement s’en est suivi. Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où l’avortement aurait eu lieu. > Cette pénalité est justement sévère. Mais en (ait, la plupart des coupables échappent a la justice, et ceus qu’elle saisit sont souvent acquittés par les jurys, ou ne subissent les sanctions pénales qu’avec des tempéraments. Et le mal va plutôt grandissant.