des révélations privées aient ainsi aidé à dégager le dogme de l’Immaculée-Conception ; et nul doute que les révélations faites à la bienheureuse Marguerite-Marie n’aient servi à mieux connaître le Sacré-Cœur de Jésus et la personne même du Verbe incarné sous quelquesuns de ses aspects les plus attrayants ; mais ni les unes ni les autres n’ont donné à l'Église des vérités qui ne fussent déjà contenues, au moins implicitement, dans le dépôt. Il y a donc, à cet égard, une grande différence entre l’enseignement de l’Eglise et celui des apôtres, entre l'économie présente et l'économie des temps apostoliques. Les apôtres (saint Paul, par exemple) pouvaient recevoir de Dieu des vérités nouvelles à enseigner ; l'Église n’en reçoit plus. Car, pour parler comme le concile du Vatican, « l’Esprit-Saint n’a pas été promis à l'Église, pape ou évêques, pour leur révéler des vérités nouvelles à manifester, mais pour les assister, dans la garde fidèle et l’exposition exacte de la révélation transmise par les apôtres. » Constitution Pastorsetemus, c. IV, Denzinger, n. 1679. C’est là une vérité que même certains catholiques oublient parfois, dans la question du canon des Écritures par exemple, et dans celle de la composition de certains livres sacrés, au point de ne plus mettre de différence entre le développement de la révélation aux temps apostoliques et le développement subséquent ; ils oublient qu’alors il pouvait y avoir de nouvelles données divines, tandis que depuis tout le développement est dû au travail sur les données anciennes. Il suffît d’indiquer ici ces questions.
2. Connaissance que les apôtres avaient des vérités de la foi. — Quelle était cette connaissance ? Très confuse et imparfaite comme le veut Gûnther, cf. Franzelin, De tradilione, th. xxv, n. 3, p. 309, ou très claire et très parfaite, comme on l’enseigne généralement ? Avec nos tendances évolutionnistes actuelles, nous sommes presque tous portés comme d’instinct vers la première opinion. C’est pourtant la seconde qui est vraie ; elle laisse d’ailleurs libre jeu et vaste champ à l'évolution légitime. Cf. Franzelin, De tradilione, th. xxiii, scholion, p. 292. Il faut admettre chez les apôtres une connaissance très parfaite, claire et profonde, des vérités de la foi. Instruits par le Saint-Esprit, destinés à semer par le monde la vérité divine dont devaient vivre les fidèles de tous les temps et de tous les lieux, on ne peut supposer ni i(iie Dieu ait fait en eux une œuvre imparfaite, ni qu’il ait moins donné à ceux dont la fonction exigeait davantage. On peut voir à cet égard d’intéressantes considération^ il ; ins saint Thomas, Sum. tlieol., II » II æ, q. i, a. 7, ad 4 om ; q. clxxiv, a. 6 ; cf. l a, q. xciv, a. 3. Aussi l'Église a-t-elle toujours cru qu’il n’y avait rien d’imparfait dans la science des apôtres ; et les pages vigoureuses de Tertullien expriment exactement sa pensée : « Les hérétiques disent ou que les apôtres n’ont pas tout su, ou n’ont pas voulu tout dire à tous. Dans un cas comme dans l’autre, ils en remontrent au Christ, qui aurait envoyé ses apôtres ou peu instruits ou peu sincères. Et quel homme de bon sens pourrait croire qu’ils aient ignore quelque chose (ayant trait à leur mission), eux que le Christ établit maîtres… Il leur avait dit sans doute : « J’ai encore bien des choses à vous dire… » Mais en ajoutant : « Quand viendra cet esprit de vérité, il vous « introduira à toute vérité, » il montre qu’ils n’ont rien ignoré', eux à qui il promet toute vérité par l’Esprit de Prœscript., xxii, P. L., t. ii, col. 3E
Il suffit d’ailleurs de regarder. Voyez la prédication des apôtres, voyez leurs écrits. Quelle plénitude de conmec se faisant jour, comme elle peut, à travers les mots, el se créant une expression à elle, unique de profondeur comme la pensée qu’il s’agit d’exprimer 1 Sans doute, on sent chez saint Paul devant la Vérité divine qui se ma ni leste à lui un tressaillement et comme l'.'tonnement ébloui d’une âme que la vérité domine et dépasse, tandis que, dans les discours de Jésus, lame se
possède, comme elle possède les doctrines les plus hautes ; mais ce tressaillement même montre l’abondance et l’intensité de la lumière qui l’inonde. Et comment d’ailleurs les apôtres auraient-ils dit ou écrit ces mots divins que les plus grands génies n’auront jamais fini de sonder, si eux-mêmes n’avaient eu de ce qu’ils enseignaient que des demi-vues confuses comme celles d’un enfant qui apprend son catéchisme ? Les apôtres n'étaient pas des instruments inertes et inconscients ; c'étaient des témoins qui avaient vii, des maîtres qui savaient, des docteurs instruits par Dieu. Nul doute que la lumière infuse ne leur ait fait voir bien plus et bien mieux que ne voyaient Augustin et Thomas après toutes leurs recherches, avec tout leur génie. Ce qui est vrai, c’est que cette connaissance n'était pas la connaissance théologique. C'était la possession vivante et, pour ainsi dire, le sens expérimental de la vérité concrète et réelle, dans son infinie richesse ; ce n'était pas la connaissance déductive, analytique, abstraite et purement spéculative des théologiens. C’est le même objet de part et d’autre, mais vu différemment, possédé différemment, comme c’est la même musique qu’on note et qu’on chante, comme c’est la même Heur qui vit dans un jardin et qui est décrite dans un livre de botanique. « Les saints apôtres, dit Newman, Essai sur le développement, II » part., c. v, sect. iv, n. 3, p. 191, savaient sans paroles toutes les vérités concernant les hautes spéculations de la théologie, que les controversistes après eux ont pieusement et charitablement réduites en formules et développées par argument. » Inutile d’ajouter qu’en comprenant la même vérité que nous et la comprenant infiniment mieux, ils la comprenaient avec leurs esprits à eux baignés dans une autre atmosphère d’idées et de préoccupations, et par conséquent la voyaient sous d’autres angles et dans d’autres relations que nous ne faisons. Rien n’oblige donc à croire qu’ils eussent pu la formuler comme saint Thomas, ni prévoir les multiples développements qu’elle devait prendre dans ses contacts avec les hérésies, avec la philosophie, avec les sciences. Cf. Franzelin, De tradilione, th. xxiii, scholion, p. 293.
VII. Les apôtres et les évêques ; charisme et fonction. — On peut concevoir de deux façons les rapports de l’apostolat avec l'épiscopat. D’une façon plus concrète, en regardant l’apostolat comme la plénitude du pouvoir ecclésiastique, dont les apôtres, suivant l’intention du Christ, détachent pour ainsi dire, une partie pour faire l'épiscopat, duquel se détachera ensuite la simple prêtrise ; ainsi semble faire Polzl, dans l’article Apostel du Kirclienlexikon, 1e éd'û., Fribourg-en-lirisgan, 1882, l. t, col. 1109. D’une façon plus analytique en distinguant dans les apôtres un double pouvoir, celui d’apôtre et celui d'évéque. Peut-être y a-t-il au fond de cette différence une conception quelque peu différente du pouvoir d’ordre et’de la distinction des ordres ; mais ici elle est sans conséquence et nous pouvons la négliger. Tous admettent que l'épiscopat est la plénitude du sacerdoce et que, comme ordre, les évêques ont le pouvoir même des apôtres, indéfiniment transmissible. De ce pouvoir d’ordre se distingue le pouvoir de juridiction, de façon cependant que les deux vont naturellement ensemble, sont ordonnés l’un à l’autre, et ne restent séparés que par accident.
Or chaque évoque n’a pas la juridiction universelle et absolue des apôtres : il n’a qu’un pouvoir local et limité. En corps, ils ont tout pouvoir, mais in solidum, comme l’explique si bien saint Cyprien ; le pape seul l’a tout
entier à lui seul, comme l’a tout entier le corps épisco pal uni au pape ; séparés, les évêques en ont chacun une
part, sur tel troupeau, dans telles Conditions d’exercice.
Entre les apôtn | oirétaitun bien indivis ; entra
réques, c’est un bien divisé. Quand et comment
s’est faite celle division, quelle part y ont les volontés