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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/106

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177 ARSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES 178

yeux de saint Bonaventure, que Dieu s’est réservé le pouvoir de remettre la coulpe et la peine éternelle du péché, et qu’il n’a communiqué aux prêtres que le pouvoir d’en remettre la peine temporelle. Dist. XVIII, p. i, a. 1, q. I, t. vi, p. 7 ; cf. ibid., dub. iv, p. 6 ; dist. XVII, dub. il, t. v, p. 658, où les théories de Pierre Lombard sont justifiées. Mais l’absolution valide remet toujours d’une façon complète et définitive une partie de cette peine. Saint Bonaventure n’admet pas, avec Albert le Grand, qu’elle change seulement la peine purgaturia en peine expiativa. Autrement dit, alors même qu’on ne ferait pas la pénitence satisfactoire, imposée par le prêtre, on serait délivré par son absolution d’une partie de la peine temporelle de ses péchés. Dist. XVIII, p. i, a. 2, q. il, t. vi, p. 13.

Saint Thomas d’Aquin.

La doctrine de saint Thomas d’Aquin (1225-1274), sur le point qui nous occupe, se trouve principalement : 1° dans son commentaire sur le quatrième livre des Sentences de Pierre Lombard, dist. XVII, XVIII, X ! X, reproduit au supplément de sa Somme théologique, q. i-xx ; 2° dans son opuscule De forma absolutiouis, xvine ou xxe suivant les éditions ; 3° dans sa Somme théologique, III a, q. LXXXIV-XC. Il commença ses immortels travaux par le commentaire sur le livre des Sentences. Il fut interrompu par la mort au moment même où il venait de mettre la main à la partie de sa Somme qui traite du sacrement de pénitence.

Mais du commencement à la fin de son enseignement ses vues sur l’absolution n’ont pas varié malgré leur supériorité sur celles de son maître Albert le Grand. Elles semblent seulement s'être fortifiées dans son esprit, car elles se présentent dans la Somme théologique d’une façon plus affirmative. Ce qui domine ces vues, c’est la considération des paroles du Christ : Quodcumque solveris super terram erit solutum et in cselis. L’impression produite sur cette intelligence profonde par les textes évangéliques est particulièrement frappante dans son opuscule De forma absolutionis, dont le caractère polémique l’oblige à invoquer des preuves positives. Mais elle apparaît aussi dans sa Somme et dans son commentaire sur le livre des Sentences, bien qu’il s’y appuie surtout sur des considérations spéculatives.

Les théologiens antérieurs, en particulier Pierre Lombard, tenaient surtout compte des textes qui attribuent la justification au repentir ; ils restreignaient en conséquence les effets de l’absolution, dont ils affirmaient néanmoins l’efficacité, pour se conformer à la doctrine traditionnelle de l'Église. A leurs yeux la confession semblait avoir été établie plutôt pour obliger les pénitents [à manifester leur contrition, que pour soumettre leurs péchés à l’absolution du prêtre. De là cette conséquence que le pouvoir des clefs confié aux prêtres ne s'étend pas jusqu'à la rémission de la faute mortelle et de sa peine éternelle, et que par rapport à cette faute l’absolution du prêtre serait simplement une déclaration du pardon déjà donné par Dieu.

Tout opposée est la position que prend le docteur angélique. Avec le grand respect qu’il a toujours professé pour les anciens, il reconnaît que leur sentiment n’est pas sans vérité ; mais il ajoute qu’il est incomplet. L’absolution manifeste qu’on est absous en ce sens qu’elle signifie la rémission du péché ; car les sacrements sont des signes ; mais les sacrements, et l’absolution en particulier, ne sont pas seulement des signes ; ils produisent encore ce qu’ils signifient. Sum. theol-, III a, q. lxxxiv, a. 3, ad5""i ; IV Sent., l. IV, dist. XVIII, q. I, a. 3, sol.l, adl UD >, Opéra, Paris, 1872, t. x, p. 529. Le sacrement de pénitence produit donc la rémission des péchés. Or, dans ce sacrement, la partie principale, c’est l’absolution donnée par le prêtre. Comme le baptême remet une première fois les péchés, ainsi le prêtre remet les péchés commis après le baptême. IV Sent., l. IV,

dist. XVIII, q. I, a. 3 ; Summse supplementum, q. xviii, a. 1. Les péchés ne peuvent être remis en effet que par la vertu de la passion du Christ ; or l’application de cette vertu se fait par la réception (in re, ou en cas d’impossibilité m volo) des sacrements de baptême et de pénitence, et le prêtre est le seul dispensateur du sacrement de pénitence. IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. il, a. 1, sol. 1 ; Summse supplementum, q. vi, a. 1. L’absolution remet donc la faute mortelle et la peine éternelle, pourvu quele pénitent n’y mette pas d’obstacle ; par conséquent alors même qu’avant de la recevoir, il aurait seulement un repentir inférieur à la contrition inspirée par la charité. Aux pécheurs qui ont cette contrition parfaite, lorsque le prêtre les absout, l’absolution augmente la grâce sanctifiante et remet une partie de la peine temporelle du péché. IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. v, a. 5, sol. 1, 2 ; dist. XVIII, q. i, a. 3 ; Summse supplementum, q. xviii, a. 1.

Toutes les autres parties du sacrement sont nécessaires en raison de leur rapport avec l’absolution. La confession est de nécessité de salut pour les chrétiens qui ont commis des péchés après le baptême, parce qu’il faut qu’ils soumettent ces péchés aux prêtres chargés de dispenser le sacrement de pénitence. IV Sent., l. IV, dist.XVll, q.m, aL.i, soA ; S ummae supplementum, q.i, a. 1. D’ailleurs les trois actes du pénitent, la contrition, la confession et la satisfaction sont dans le sacrement comme la matière qui soumet les péchés au prêtre et qui a besoin d'être complétée par son absolution, absolution qui est la forme du sacrement. IV Sent., l. IV, dist. XVI, q. I, a. 1, sol. 2. Il faut d’ailleurs ces trois actes ; car il faut que le pénitent soit disposé à réparer sa faute, ce qui se fait par la contrition, qu’il se soumette au jugegement du prêtre qui tient la place de Dieu, ce qui se fait par la confession, et qu’il répare suivant le jugement du prêtre, ce qui se fait par la satisfaction. Ibid. CL Swwi. i/(t’oL, III a, q.LXXX, a. 2. Cet enseignement, déjà développé dans le commentaire sur le Maître des Sentences, est exprimé d’une façon peut-être plus précise et plus formelle dans la Somme théologique. Partant de ces principes que la perfection d’une chose vient de sa forme et que le sacrement de pénitence est parfait par l’acte du prêtre, le docteur angélique conclut que dans le sacrement les actes du pénitent, qu’ils soient paroles ou faits, sont simplement matière, et que la forme est tout entière dans ce que fait le prêtre, c’est-à-dire dans les paroles de l’absolution. Hoc sacramentum perficitur per ea quæ sunt ex parte sacerdotis. Unde oportet quod ea quæ sunt ex parte psenitenlis, sive sint verba, sive facta, sint quædam materia hujus sacramenti ; ea veroquæ sunt ex parte sacerdotis, se habeant per modum formas. Sum. theol., III a, q. lxxxiv, a. 3.

Cependant en donnant à l’absolution le rôle principal dans le sacrement, saint Thomas y garde une place nécessaire à la contrition, aussi bien qu'à la confession et à la satisfaction. Il les regarde en effet comme la matière du sacrement. Or, le sacrement n’existe qu’autant qu’il y a matière et forme. De même donc que pour la rémission du péché par le baptême, il ne suffit pas des paroles de la forme, mais qu’il faut de l’eau à laquelle ces paroles confèrent la vertu du sacrement, ainsi la rémission des péchés est l’effet du sacrement de pénitence, principalement sans doute par la vertu des clefs confiée au prêtre qui prononce l’absolution, mais aussi quoique secondairement par la force des trois actes du pénitent, en tant qu’ils sont ordonnés à l’absolution. Sum. theol., HI a, q. Lxxxvi, a. 6. C’est ainsi que la question mal résolue pendant un siècle et demi, parce qu’on supposait que les éléments du sacrement agissent successivement et produisent chacun des effets divers, se trouva dès lors parfaitement posée ; car le sacrement étant un tout composé de parties qui ne peuvent agir l’une sans l’autre, chacun de ses effets, et en particulier le princi-