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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/107

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179 ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES

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pal la rémission des péchés, doit être attribué à toutes ses parties réunies, et non exclusivement à l’une ou l’autre d’entre elles. Ainsi se trouvaient aussi conciliés les enseignements de l'Écriture et de la tradition, affirmés simplement et juxtaposés en quelque sorte par les auteurs antérieurs au XIIe siècle, savoir que d’une part les prêtres ont le pouvoir de remettre les péchés et que néanmoins d’autre part ils ne sauraient les remettre qu'à ceux qui en sont dignes, c’est-à-dire à ceux qui demandent l’absolution avec une véritable contrition.

Cependant le docteur angélique enseigne comme ses devanciers et comme tous les théologiens catholiques qui sont venus après lui, que la contrition inspirée par la charité parfaite (ce qui suppose la disposition de recourir au sacrement établi de Dieu) remet par ellemême le péché mortel et sa peine éternelle. Mais lorsqu’elle agit ainsi avant l’absolution, c’est, remarque-t-il, en tant qu’acte de la vertu de pénitence et non en tant que partie du sacrement. IV Sent., . IV, dist. XVII, q.i, a. 5, sol. 1, t. x, p. 498 ; Summse supplément., q. v, a. 1. La même contrition agira ensuite avec l’absolution, en tant que sacrement, pour produire l’augmentation de la grâce et les autres effets du sacrement chez ceux qui sont déjà justifiés. Ibid.

Saint Thomas admet avec les théologiens de la première moitié du xiiie siècle que l’attrition précède assez souvent la contrition. IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. i, a. 4, sol. 3, p. 482 ; Sunimse supplément., q. i, a. 3. Il pense aussi avec eux, que la justification, même par le sacrement de pénitence, ne saurait se produire sans la contrition unie à la charité. Sum.theol., HI a, q.LXXXVi, a. 6, rép. au sed contra ; IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. I, a. 3, sol. 3, ad 1°" » ; a. 4, sol. 2, p. 476, 479 ; Summse supplementum, q. ix, a. 1.

Mais, nous l’avons déjà dit, il estime que le pénitent qui ne met pas d’obstacle à la rémission du péché pourra recevoir valideraient le sacrement de pénitence, avec une douleur inférieure à la contrition, parce que par la vertu du sacrement cette douleur fera place à une véritable contrition, au moment de la rémission du péché par l’absolution. Supplementum, q. xviii, a. 1.

Mais il est une question qu’il ne décide pas clairement ou plutôt qu’il semble décider autrement qu’on ne l’a fait depuis. C’est celle de savoir si quelqu’un qui au moment de l’absolution aurait seulement l’attrition et non la contrition, recevrait le pardon de ses péchés, et si ensuite, lorsqu’il s’en rendrait compte, il pourrait se regarder comme ayant eu les dispositions requises pour l’absolution. Le docteur angélique paraît penser que non. Il le range en effet parmi les ficti (voir Fiction), c’est-à-dire parmi ceux qui croient de bonne foi avoir les dispositions requises sans les avoir en réalité. Suivant saint Thomas, ce ficlus garderait ces dispositions insuffisantes jusqu’après l’absolution, les péchés accusés « t absous dans ces conditions lui seraient remis en vertu de l’absolution antérieure, aussitôt qu’il aurait la contrition. Il n’aurait pas à accuser de nouveau ces péchés ; mais à sa prochaine confession, il devrait accuser sa fiction, c’est-à-dire la disposition insuffisante qu’il avait de bonne foi. 1 V Sent., l. IV, dist. XVII, q. ni, a. 4, sol. 1, p. 512 ; Summse supplementum, q. ix, a. I. Cf. Cajetan, tr. V, De confessione, q. v, S. Thomae Opéra, Anvers, 1012, t. xii, fol. 72, qui explique et défend ce point de doctrine de saint Thomas. Cette question de l’attrition avait besoin d'être étudiée encore davantage et l’a été dans les âges suivants.

Faisons une dernière remarque sur la façon dont le sacrement de pénitence, et principalement l’absolution, ont pour effet la justification et la rémission des péchés. Les partisans de l’opinion de Pierre Lombard s’appuyaient en particulier sur cette raison que Dieu seul peut pardonner et absoudre 1rs péchés. Saint Thomas fui' répond que le prêtre agit non en son propre nom,

mais comme l’instrument de Dieu, dont il a été établi le ministre, et que d’ailleurs toutes les parties du sacrement n’ont qu’une vertu instrumentale qui leur vient de la passion du Christ. Mais il affirme en outre que les causes même instrumentales ne produisent pas directement, qu’elles amènent seulement, inducunt An grâce justiliante et la rémission du péché, IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. i, a. 5, sol. 1 et ad l um, p. 498 ; Summse supplément., q. v, a. 1 ; car, dit-il, du moins dans son commentaire sur les Sentences (la Somme théologique semble accorder aux sacrements plus de causalité, III a, q. lxii), les sacrements sont des instruments de Dieu non justifiant, mais disposant, en tant qu’ils produisent une disposition qui rend nécessaire la grâce sanctifiante. Sacramentel sunt instrumenta Dei non justificantia sed dispositiva, in quantum producunt dispositionem, quæ est nécessitas quantum in se est ad gratiam sanctificantem. IV Sent., l. IV, dist. I, q. i, a. 4, sol. 1, p. 19. Ce problème de la causalité des sacrements a aussi été l’objet de longues discussions des théologiens jusqu'à notre époque. Voir Sacrement.

5° De saint Thomas d’Aquin au XVI' siccle. — La doctrine du docteur angélique ne tarda pas à prévaloir dans le monde théologique. Elle fut défendue en particulier par les auteurs de l'école thomiste : nous la retrouvons tout entière, au xve siècle, dans les traités de saint Antonin (1389-1459), Summa Summarum, l. XIV, c. xvii, 1521 (sans pagination), et de Denys le Chartreux (f ! 471), IV Sent., l. IV, dist. XVIII, q. iii, Venise, 1584, p. 261, et, au commencement du xvie siècle, dans les commentaires de Cajetan sur la Somme, aussi bien que dans ses traités détachés où il semble s'être préoccupé spécialement des difficultés que soulèvent certains exposés de saint Thomas sur le quatrième livre des Sentences. Cajetan, tr. V, De atlritione et con tri tione ; tr. VI, De confessione ; tr. XVII, De contritione ; tr. XVIII, De confessione ; dans I). Thoma ? Opéra, Anvers, 1612, t. xii, fol. 46, 49, 75, 76.

MaisDuns Scot († 1308) opposa bientôt, aux enseignements du prince de la théologie, une doctrine toute différente, qui exerça une profonde influence, parfois même en dehors de l'école scotiste. Ce n’est pas le lieu de parler de la conception particulière que Scot se fait soit de la tache du péché, qu’il identifie avec l’obligation de subir une peine, IV Setit., l. IV, dist. XIV, q. i.Lyon, 1639, t. ix, p. 9 (voir Péché), soit de la pénitence qu’il fait consister dans la volonté de se punir, par laquelle le pénitent, qui ne veut plus pécher, devient vis-à-vis de lui-même l’instrument de la justice vindicative de Dieu. Ibid., q. ii, p. 30. Voir Pénitence. Contentons-nous de remarquer que dépassant le mouvement imprimé par saint Thomas à la théologie du sacrement de pénitence, Scot fit consister le sacrement tout entier et exclusivement dans l’absolution du prêtre. A ses yeux, la contrition, la confession et la satisfaction ne sont pas la matière du sacrement ; elles sunt seulement des conditions requises. IV Sent., l. IV, dist. XIV, q. IV, n.2, p.81. Ainsi la contrition, à laquelle les auteurs du XIIe siècle attribuaient toute la rémission du péché et que saint Thomas avait maintenue dans le sacrement, fut rejetée en dehors. Entraîné par la même exagération de la puissance de l’absolution, et conformément à ses principes sur la nature de la tache du péché et de la pénitence, Seul réduisit la contrition, ou plutôt l’attrition requise pour l’absolution, à un minimum bien inférieur à celui qu’on admettait avant lui. Il distingue, aussi bien que sis devanciers, entre la contrition, qui est complétée par la charité, et l’attrition qui ne l’est pas. Mais l'état de péché consistant d’après lui dans l’obligation de subir la peine du péché, il n’exige, pour l’attrition, qu’une détestalion du pèche considéré soit comme offensant Dieu, soit comme détournant de 1 Dieu, soit comme privant de récompenses, soit comme méritant un châtiment, soit