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ABS. DES PÉC, THEORIES DES RATIONALISTES MODERNES


fussent rangés parmi les pénitents. C’est ce qu’enseigne expressément Sozomèrie. Et ce régime remonte très liant dans l’Église. Là même où il n’était pas en vigueur, qui nous empêche de croire que la prière prononcée par l’évêque sur le pécheur, au moment de son admission à la pénitence, n’était pas une véritable absolution semblable à celle que donnait le prêtre pénitencier ? N’est-il pas naturel de penser que le pénitencier, en absolvant les pécheurs qui se confessaient à lui, ne faisait que suivre l’exemple îles évêques qui jusque-là avaient rempli seuls tout l’office de directeurs de la pénitence ? Dans cette hypothèse, si fondée sur les textes, qu’importe que la réconciliation finale n’ait été qu’une simple réconciliation au for extérieur ! Nous n’admettrons même que dans une certaine mesure cette théorie exclusive de M. Lea. Avec Palmieri nous estimons que la réconciliation finale, quand elle n’était pas une véritable absolution de la coulpe, était une absolution de la peine, comme disent les scolastiques, en même temps qu’une réconciliation avec l’Église au for extérieur. Voir II Absolution au temps des Pères, col. 160. Cette explication admise, on ne peut plus nous objecter la réconciliation opérée par les diacres. Lorsque les diacres, à Carthage ou ailleurs, opéraient la réconciliation des pénitents, en l’absence de l’évêque et des prêtres, il est sûr qu’ils ne donnaient pas l’absolution ; leur acte n’avait d’effet qu’au for extérieur. Peu importe même qu’ils aient employé le rite de l’imposition des mains. Ce rite n’avait pas par lui-même de vertu sacramentelle. Il n’a jamais fait partie essentielle de ce qu’on a appelé plus tard la forme de l’absolution. M. Lea remarque, en outre, que les prêtres coupables de péchés graves n’étaient pas admis à la pénitence publique et n’étaient pas réconciliés par l’imposition des mains ; d’où il conclut qu’il n’y avait pas pour eux d’absolution ; ce qui prouverait que les péchés étaient remis dans la primitive Eglise sans aucune intervention du pouvoir sacerdotal. Il y a dans cette théorie quelque confusion. Il est vrai qu’un concile africain de 419, c. 27, Hardouin, Concil., t. i, col. 878, ordonne que les prêtres et les diacres en cas de faute grave soient déposés et défend qu’on leur impose les mains comme aux laïques pour la pénitence. Le pape saintLéon, Epist., clxvii, n. 2, P. L., t. liv, col. 1203, déclare que ce traitement repose, sans aucun doute, sur la tradition apostolique. Cette affirmation est difficilement acceptable. Dans les trois premiers siècles les clercs étaient soumis à la pénitence comme les laïques, au moins en certaines régions. Nous apprenons de saint Cyprien que les évêques faisaient pénitence, Epist., LU, n. 8 ; xi.vii, n. 7, et que de son temps le devoir de la pénitence incombait surtout aux clercs tombés. Epist., lxiv, lxv. Le concile d’Elvire (300) condamna les clercs aussi bien que les laïques à la pénitence ou à l’excommunication perpétuelle, can. 18, 76 ; le concile de Néocésarée (311) agit de même, can. 1. Il ne peut donc y avoir aucun doute que, dans le principe, les clercs étaient soumis au même régime pénitentiel que les laïques. Pour cette période l’objection de M. Lea est donc sans force. Quand le régime, dont témoignent saint Léon et le concile de 419, fut en vigueur, est-il vrai qu’il n’y avait pas d’absolution pour les prêtres, sous prétexte qu’ils n’étaient pas réconciliés par l’imposition des mains ? Cette conséquence n’est pas rigoureuse. Nous avons déjà vu que les laïques recevaient l’absolution avant d’être rangés parmi les pénitents publics. Les prêtres étaient dispensés de la pénitence publique proprement dite ; mais de quel droit affirme-t-on qu’ils ne recevaient pas l’absolution de l’évêque après l’aveu de leurs fautes, comme la recevaient les laïques ?

3. Est-il vrai que les Pères préconisent nombre de moyens propres à effacer les péchés, sans recourir aucunement à l’absolution sacerdotale, comme l’affirme M. Lea dans un chapitre intitulé The Pardon of Sin ? — C’est ici

qu’éclate, dans toute sa gravité’, l’erreur du savant critique. Il ne s’est pas avisé qu’il y avait lieu de faire une distinction entre les péchés que les théologiens appellent la matière nécessaire et ceux qu’ils appellent la matière facultative de l’absolution. Toute son argumentation roule sur une équivoque. Sans doute Origène, saint Augustin, saint Ambroise, saint Césaire, et tant d’autres, enseignent que les péchés peuvent être remis par l’aumône, par le pardon des offenses, par la charité, par les larmes, par la confession à Dieu, par la foi, par les bonnes œuvres, par la prière, en un mot par tout acte surnaturel qui a une vertu expiatoire. Mais de quelle nature sont les péchés ainsi rémissibles ? Sont-ce les péchés que j’appellerai pénitentiels, les péchés que les Pères et les docteurs cités considéraient comme mortels ou capitaux (capitalia), c’est-à-dire comme matière nécessaire de la pénitence publique ? On peut défier M. Lea de le prouver. Or c’étaient ces derniers seuls qui étaient la matière de l’absolution. M. Lea semble le reconnaître pour saint Ambroise : « Ambroise, dit-il, n’admet d’autre pénitence que la pénitence publique pour les péchés graves ; les péchés véniels, dans lesquels nous tombons inévitablement chaque jour, sont remis par le repentir : et il n’y a pas, entre ces deux classes de péchés, de classe intermédiaire. » Lea, 1. 1, p. 179. Saint Augustin, saint Pacien, saint Césaire et les autres enseignent la même doctrine. Augustin, par exemple, écrit : « Ne commettez pas les péchés pour lesquels il est nécessaire que l’on vous sépare du corps du Christ. Ceux que vous voyez ainsi faire pénitence ont commis des crimes tels que l’adultère ou d’autres fautes extrêmement graves, facta immania ; c’est pourquoi ils font pénitence. Car si leurs péchés étaient légers, l’oraison quotidienne (l’oraison dominicale) suffirait pour les effacer. » De symbalo ad caleclium., c. vii, P. L., t. xl, col. 636. Il faut reconnaître, à la vérité, que, dans la distinction des péchés mortels et des péchés véniels, des peccala capitalia et des peccata minuta, la classification des Pères n’est pas toujours absolument superposable, comme on dit aujourd’hui, à celle des casuistes modernes. Tel acte, qualifié maintenant de faute grave, ne l’était peut-être pas aux yeux de saint Augustin ou de saint Pacien. Augustin entend par péchés pénitentiels, et donc soumis au pouvoir des clefs, « ceux qui renferme le décalogue de la loi et dont l’apôtre a dit : Quiconque les commet, ne possédera pas le royaume des cieux, » quas decalogus legis continetet de quibus apostolus ait : Quoniam qui talia agunt regnum Dei nonpossidebunt. Serni., ccci.i (douteux), De psenit., c. vii, P. L., t. xxxix, col. 1542. Ce texte, n’est pas très précis. Saint Pacien semble enseigner que les seuls péchés qui soit matière nécessaire de la pénitence publique et de l’absolution sacerdotale sont les trois péchés, d’idolâtrie, de fornication et d’homicide. Parœnesis, ad.psenilent., c. vii, P. L., t. xiii, col. 1084. Mais il ne faut voir dans ces classifications qu’une question d’appréciation personnelle, indépendante du principe même qui régissait la discipline pénitentielle. Tout péché réputé grave était justiciable du pouvoir des clefs, et les péchés que les coupables pouvaient expier sans recourir à la pénitence publique et à l’absolution sacerdotale étaient des peccata m m nia. Il est permis île s’étonner que M. Lea n’ait pas aperçu celle distinction capitale qui ruine par la base non seulement son sixième chapitre, mais encore une grande partie des thèses soutenues dans son premier volume.

4. L’argument que M. Lea fonde sur le caractère purement déprécalif des formulesde l’absolution sacerdotale durant les dix ou douze premiers siècles, pour mciiee l’Église catholique dans son tort, est-il plus convaincant ?’—Il ne l’est pas davantage. Il nous paraît incontestable que les premiers siècles ne connurent pas, en effet, la forme indicative de l’absolution. Mais nous avons vu que, durant cette période, les Pères entendaient bien