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ABS. DES PÉC., TH. DES RAT. — QUEST. DE THÊOL. MOR.


que le pardon des péchés était accordé aux pénitents en vertu de la formule usitée de leur temps, c’est-à-dire d’une formule déprécative, supplicatione sacerdotali, comme parle saint Léon I er. Le P. Palmieri fait justement observer qu’une sentence d’un tour déprécatif possède parfois une force équivalente à celle d’un tour indicatif. On peut prier Dieu de deux manières : on peut lui adresserune simple supplication, en vue d’une faveur à obtenir ; mais on peut aussi lui demander cette faveur en vertu de l’autorité que l’on a, ou du ministère que l’on exerce. C’est le cas de l’absolution sacerdotale. Qu’il commande ou qu’il prie, le prêtre, quand il prononce la sentence, ou, si vous aimez mieux, la demande du pardon, parle tanquam potestatem Itabens ; il parle en vertu d’un pouvoir que Dieu même lui a délégué ; .’a prière n’est pas seulement déprécative, elle est potestativa. Si sa sentence prend la forme d’une supplication, c’est pour attester que la grâce provient de Dieu primario et prsecipue, itporjyoufjivroç, comme parle Jean le Jeûneur (ou son pseudonyme), Morin, De sacra » : . pænitent., appendice, p. 77, mais elle n’en a pas moins par elle-même, vu la promesse divine, son efficacit’sacramentelle. Et il n’y a pas lieu de se méprendre si r le sens qu’y attachaient les ministres de la pénitence (du moins à partir d’une certaine époque), puisqu’ils alléguaient, pour justifier l’exercice de leur autorité sacerdotale, la promesse évangélique du pouvoir des clefs. Plus tard la mention expresse de cette délégation fut même introduite dans la formule de l’absolution. Finalement la formule devint indicative. Voir III Absolution dans l’Église latine du vue au.xue siï’de, col. 167. Cette explication, je le sais, n’aurait pas satisfait saint Thomas qui enseigne que, pour être valide, la formule sacramentel e de l’absolution doit être indicative. Le concile de Trente a donné une sorte de consécration à l’opinion de saint Thomas, en déclarant que les mots Ego te absolvo sont la seule partie essentielle de la forme du sacrement de pénitence. M. Lea triomphe de cette décision, et il s’écrie d’un air à la fois indigné et ironique : « Ainsi sans ces mots Ego te absolvo, l’absolution est nulle ; le concile, à son insu, procFame devant le monde entier qu’avant le milieu du XIIIe siècle une Église infaillible n’avait jamais administré à ses enfants une absolution valide, bien que cette absolution fût indispensable à leur salut. » Lea, op. cit., t. i, p. 488. Ici encore le savant critique se méprend gravement. Que l’emploi de la formule Ego te absolvo soit devenue obligatoire dans l’Eglise latine, cela est incontestable : elle est de nécessité de précepte, comme disent les théologiens. Mais que sans ci s mots mêmes toute absolution soit nulle, cela est inexact : l’emploi de la formule n’est pas de nécessité de moyen, comme parlent les scolastiques. Le concile de Trente a réglé une question, autant disciplinaire que dogmatique ; le caractère dogmatique du décret n’interdit pas de penserque toute autre formule, équivalente à celle qu’il a prescrite, peut avoir la même efficacité sacramentelle. On n’a pas le droit de dire qu’il ait déclaré nulles les formules déprécatives usitées dans les siècles antérieurs. Cela est si vrai que Clément VIII n’a pas cru devoir condamner l’usage de la formule employée par les grecs. On s’étonne que ce fait n’ait pas ouvert les yeux à M. Lea, qui le rapporte dans le dessein visible de mettre l’Église romaine en contradiction avec elle-même. On sait que le Saint-Siège avait, au XVIe siècle, sous son obédience, quelques centaines de paroisses de catholiques grecs, au sud de l’Italie ; le rite grec y était observé, avec la formule purement déprécative de l’absolution. Or, en 1595, Clément VIII permit aux prêtres grecs de cette région d’absoudre les latins, à la condition qu’ils emploieraient la formule prescrite par le concib’de Florence à laquelle ils pourraient joindre, s’il

leur plaisait de le faire, leur propre formule liturgique. « Le pape, remarque M. Lea, ne paraît pas s’être aperçu

qu’il se mettait dans une situation légèrement absurde, en laissant croire qu’un grec pouvait être sauvé par une absolution déprécative, tandis que, pour un latin, l’absolution indicative était nécessaire. » Clément VIII, décret du 31 août 1595, Bullar., t. III, p. 52 ; Lea, op. cit., t.i, p. 489. La mauvaise posture que M. Lea prête au souverain pontife est purement imaginaire. Pour comprendre la conduite de Clément VIII, il suffit de savoir que, la formule déprécative étant suffisante pour la validité de l’absolution, l’Eglise ou son chef peut, quand il le juge à propos, en tolérer l’usage. On expliquera d’ailleurs plus amplement dans un article qui suit, XVI Absolution sous forme déprécatoire, les raisons du décret de Clément VIII, col. 252, comme aussi le sens du décret du concile de Trente, col. 244 sq. Mais nous pouvons dès maintenant conclure que les griefs que M. Lea soulève contre la doctrine catholique de l’absolution ne résistent pas à l’épreuve d’une critique impartiale.

Henry Chartes Léa, A history of auricular confession and indulgences in the latin Church, 3 in-8° Londres, Swan Sonnenschein, 1896 ; surtout c. n : Discipline ; c. ni : Public Penance ; c. îv : Réconciliation ; c. VI : The Pardon of Sin ; c vu : The Power of the Keys ; c. xiv : Absolution ; Funk, article Bussdisciplin, dans Kirchenlexikon de Wetzer etWelte, t. ii, col. lôl ; 8, à propos de la pénitence des clercs ; Palmieri, Tractatus de psenitentia, Prato, 1896, Parergon de forma deprecativa, p. 143-157 ; Vacandard, Le pouvoir des clefs et la confession sacramentelle, à propos du livre de M. Lea, dans la Bévue du clergé français, livraisons des 1° avril, 1° mai, 1° juillet, 1° septembre, 1° novembre 1898, 1° février, 15 mars 1899 ; Boudinhon, Sur l’histoire de la pénitence à propos d’un ouvrage récent, dans la Revue d’Iiistoise et île littérature religieuses, t. il, p. 306 sq., 496 sq. ; Manuel Dohl, Étude sur M. Lea, dans la Revue critique d’histoire et de littérature, année 1898, n. 45. _ _.

E. Vacandard.

XV. ABSOLUTION. Questions de théologie morale.


I. De la dispensation de l’absolution.
II. Conditions de la validité de l’absolution.
III. Plusieurs prêtres peuvent-ils absoudre ensemble un même pécheur ?

I. De la dispensation de l’absolution. —

Tous les péchés peuvent être remis par l’absolution, mais ils ne peuvent être remis indistinctement à tous les pécheurs, car c’est la volonté de Jésus-Christ, qu’ils soient remis ou retenus selon les dispositions du pénitent. Il est évident, en effet, que Jésus-Christ n’a pas conféré à ses apôtres un pouvoir discrétionnaire, leur permettant d’absoudre ou non, à leur gré, sans rechercher quelles sont les fautes commises et quelles sont à l’égard de ces fautes les dispositions actuelles du pécheur. Une telle institution ne serait ni juste, ni sage, ni féconde pour le bien. Les apôtres et après eux les prêtres sont établis juges des consciences, aux lieu et place de Jésus-Christ ; ils doivent porter la sentence qu’aurait portée le Sauveur lui-même, la sentence voulue par la justice et la prudence ; ils doivent donc tenir compte des dispositions du pénitent. Appliquons ce principe aux trois hypothèses qui peuvent se rencontrer en pratique au saint tribunal.

Pe hypothèse : Le pénitent est bien disposé, c’est-à-dire que son aveu est sincère et son repentir vrai et surnaturel. Ce pénitent a droil de recevoir l’absolution et en règle générale le prêtre ne peut la lui refuser. De quel droit, en effet, le prêtre refuserait-il son pardon a celui qui présente toutes les conditions voulues par Notre-Seigneur ? Il y a un quasi-contrat entre le pénitent et le confesseur : le pénitent apporte son aveu toujours humiliant et son repentir toujours douloureux ; le confesseur doit en retour l’absolution. Il y a cependant une exception possible à celle règle : le confesseur pourra différer l’absolution, s’il estime que c’est un moyen d’affermir les bonnes résolutions du pénitent, car le prêtre iie : i pas seulement juge, il est encore médecin de l’âme. Toutefois qu’il ne prenne cette mesure qu’avec prudence et autant que possible aCC l’assentiment du p’nilent.