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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/196

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ACTES (APOCRYPHES) DES APOTRES

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Verbe, de Lumière, d’Esprit, de Jésus, de Christ, de Fils, de Père, de Vie, de Vérité, de Grâce sont identiques, comme autant de qualificatifs du Divin. Nous reconnaissons là les caractéristiques de la christologie des grands gnostiques, Basilide, Valentin, Saturnin, exprimés non point en formules, mais en images. En un temps où la christologie était loin encore des précisions d’analyse consacrées par les définitions d’Éphèse et de Chalcédoine, il était inévitable d’exprimer en des images enfantines la distinction confusément conçue des deux natures.

II. Actes de saint André. —

De la IlspioSoç’AvSpso-j, composition contemporaine de la IlepioSoç’Iwâvvou, il ne nous est parvenu que des remaniements tardifs, expurgés. On trouvera l’édition critique de ces divers textes dans M. Bonnet, Acta apostolorum apocrypha, t. ii, 1, p. 117-127.

D’abord un Map-rjpcov en forme de lettre soi-disant adressé par les prêtres et les diacres des églises d’Achaïe à toutes les Églises du monde, composition qui n’est pas antérieure au IVe siècle et qui n’a de remarquable que la belle invocation de saint André à la croix sur laquelle il va mourir : Salve crux… o bona crux quæ decorem et pulcriludinem de membris Domini suscepistl, etc.

Ensuite un MapTvpiov, où est rappelée d’abord la mission dévolue à chacun des apôtres, puis celle d’André qui est de prêcher en Bithynie, en Lacédémonie et en Achaïe, et la conversion qu’il fit à Patras du proconsul Lesbios. Mais Lesbios est remplacé par ^Egéates, qui fait arrêter l’apôtre, le fait crucifier, puis de désespoir se suicide. Ce récit dépend de la fkpt’oooç originale. Quelques passages ont une sensible couleur archaïque, telle l’invocation à la croix (14) : « Salut, ô croix… qui dès longtemps m’attendais : je viens à toi qui me désirais. Je connais le mystère pour lequel tu es dressée : tu es dressée dans le monde pour fortifier les instabilités : tu t’élèves vers les cieux pour manifester le Verbe : tu t’étends à droite et à gauche pour mettre en fuite la puissance ennemie et pour réunir le monde en l’unité : tu es plantée en terre pour unir aux supracélestes les choses de dessous terre. O croix, instrument du salut du Très Haut, etc. » Nous avons vu déjà la croix jouer un rôle dans les actes de saint Jean : elle était appelée Croix de Lumière et elle était une entité que l’on identifiait au Verbe, à l’Esprit, au Père, au Fils, à tous les vocables divins. « La croix, lisons-nous dans un fragment du valentinien Théodote, est le signe de la séparation qui est dans le plérôme : elle sépare les fidèles des infidèles, comme elle sépare le monde du plérôme : par ce signe qu’il a porté sur ses épaules, Jésus introduit les semences dans le plérôme. » Excerpt. Theodot., 42. Dans la théologie gnosticisante où se multiplient à l’infini les intermédiaires surnaturels, la croix est peut-être le plus synthétique comme elle est le plus concret. Le docétisme, en réduisant le Christ à un fantôme, était amené à exalter la Croix pour ne pas réduire à rien la vertu rédemptrice de la passion. L’entité croix ne se distingue plus du crucifié : « Belle est la croix, dit encore le MaprJpiov de saint André (16), car elle est vivifiante : beau est le crucifié, car il est le rédempteur des âmes. » On pourra comparer le texte de notre Maptûpiov et le texte si connu Salve crux… o bona crux quæ décorent, etc., que la liturgie a popularisé, pour juger de la transformation que le thème archaïque -i subie en se dépouillant de tout gnosticisme.

Sur saint André, on possède une pièce intitulée : Actes d’André et de Malhias dans la cité des Anthropophages, encore une pièce qui dépend de la LkpioSo ; originale, mais faite de fictions énormes sans portée doctrinale. Il faut en dire autant d’une dernière pièce intitulée Actes de Pierre et d’André : en revenant de la cité des Anthropophages, André joint saint Pierre, « l’évêque de toute l’Église, » et ensemble ils se rendent dans « la cité des Barbares » : ici encore des fictions expurgées de tout élément doctrinal et retenues pour leur seul merveilleux.

III. Actes de saint Thomas. —

Nous avons, sinon la IkptoSos ; ©cofjià originale, au moins une rédaction qui doit en être très voisine. M. Bonnet en a donné l’édition critique : Acta T/iomæ, Leipzig, 1883, qu’il a rééditée en 1903. On conjecture que la Elepcotac Ô<.>(j.à doit être une composition de la première moitié du iiie siècle.

Ces actes tels que nous les possédons se partagent en douze épisodes (7rpâÇet ; ) suivis de la passion de l’apôtre (p.apTjpiov). En tête du premier épisode est rappelée, comme dans les actes d’André, la mission donnée par le Seigneur à chacun des apôtres, puis celle de Thomas qui est d’évangéliser l’Inde. Il arrive dans la cité d’Andrapolis, au milieu d’une fête publique donnée par le roi indien à l’occasion du mariage de sa fille. Thomas, qui assiste au banquet, se met à chanter un cantique à la sagesse, d’un symbolisme violent et d’une inspiration gnosticisante. Le soir venu, Jésus lui-même sous les traits de Thomas apparaît aux jeunes époux dans la chambre nuptiale. Sachez, leur dit-il, que si vous vous abstenez de tout commerce impur, vous deviendrez des temples saints. Gardez-vous d’avoir des enfants, car les enfants sont l’occasion de tous les soucis et de toutes les fautes. Que si vous conservez vos âmes dans la pureté pour Dieu, vous aurez des enfants vivants dans un mariage sans souillure et véritable, vous serez les paranymphes du fiancé qui est tout immortalité et lumière. Les deux époux convaincus déclarent le lendemain au roi et à la reine que l’œuvre d’opprobre et de confusion est loin d’eux. Indignation du roi qui veut faire saisir Thomas, mais l’apôtre est déjà parti. On voit la tendance encratite de ce petit roman : il exprime sans restriction la condamnation des justes noces, et que dans le mariage la paternité et la maternité sont une déchéance.

Dans le second épisode, le roi Goundaforos donne à Thomas, présenté comme architecte, l’ordre de bâtir un palais et lui remet l’argent nécessaire. L’apôtre distribue l’argent en aumônes, et quand le roi lui demande s’il peut visiter le palais, il lui répond qu’il ne pourra le visiter qu’en quittant la vie. Colère du roi, qui fait jeter Thomas en prison. Cependant Gad, frère du roi, meurt, et, dans l’autre monde, est admis à voir le palais que les aumônes de l’apôtre ont préparé au roi. Il ressuscite pour en instruire son frère et tous deux sont faits chrétiens par Thomas. La scène de leur initiation est d’une liturgie fort singulière. Les deux frères demandent « le sceau du bain » (tr, v a-çpa-pSa toO Xo-jTpoO), car, disent-ils à l’apôtre, tu nous a appris que le Dieu que tu prêches « par ce sceau qui est sien reconnaît ses brebis ». L’apôtre leur répond : « Je me réjouis de vous voir prendre ce sceau et participer avec moi à cette eucharistie et bénédiction du Seigneur et devenir parfaits en elle. » Il fait alors apporter de l’huile « pour que par cette huile ils reçoivent le sceau », et, l’huile apportée, l’apôtre debout leur donne le sceau (Èa-çpâYcæv aùto-J ; ) en répandant l’huile sur leur tête et prononçant une longue invocation d’un style liturgique gnosticisant : « Vienne le saint nom du Christ… Vienne le charisme suprême : vienne la mère miséricordieuse : vienne l’économie du mâle : vienne celle qui révèle les mystères cachés : vienne la mère des sept maisons, le prêtre des cinq membres… » Cela fait, l’apôtre rompt le pain et communie les initiés à l’eucharistie du Christ (26-27). Dans cette initiation, il n’est question que par accident du « bain », tandis que dans tout le reste l’initiation parait se réduire à une onction d’huile.

Dans un autre épisode, l’épisode du dragon incube, la femme qui cinq années durant s’était livrée au dragon, une fois délivrée, demande à l’apôtre « le sceau ». Et ici encore nous avons une scène d’initiation. L’apôtre,