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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/197

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ACTES (APOCRYPHES) DES APOTRES

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lisons-nous, fit approcher la femme et posant la main sur elle la scella (ëcçpctYKTEv) au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; il scella aussi plusieurs autres postulants avec elle. Puis il dit au diacre d’apporter une table et un banc : sur la table on mit un linge, sur le linge le pain de la bénédiction (âprov tîjç eùXoytaç), et, debout, l’apôtre prononce une épiclèse pareille à celle que nous lui avons vu prononcer : « Viens miséricorde parfaite, viens communion du mâle, viens toi qui connais les mystères de l’ordre…, viens mère cachée, … viens te communiquer à nous dans cette eucharistie que nous faisons en ton nom… » Ce disant, il signa le pain du signe de la croix, le rompit et le distribua, à la femme d’abord : « Que ceci soit pour la rémission de tes péchés et la rédemption de tes fautes éternelles » (46-47).

Dans le sixième épisode un jeune homme, au moment où il porte l’eucharistie à ses lèvres, voit ses deux mains se dessécher. L’eucharistie t’a condamné, lui dit l’apôtre, quel est ton péché ? Le jeune homme répond qu’ayant reçu « le sceau », il a conjuré sa concubine d’embrasser la pureté parfaite, que prêchait l’apôtre. La femme refusant, le jeune homme l’a tuée. A la demande du meurtrier, l’apôtre ressuscite la morte, qui, revenant à la vie, décrit les supplices qui sont infligés aux pécheurs dans l’enfer. La description de cet enfer est seule à noter (52-55).

Dans l’épisode de Charisios et de sa femme Mygdonia, la femme a été convertie par l’apôtre à la pratique de la parfaite pureté dans le mariage : cette conversion met le ménage en un désaccord dont les péripéties sont longuement racontées. Mygdonia reçoit le baptême. « Donnemoi, dit-elle à l’apôtre, le sceau du Christ et que de tes mains je reçoive le bain de l’incorruptibilité. » Puis s’adressant à sa nourrice, elle la prie d’apporter un pain et de l’eau. Comme la nourrice se récrie et propose d’apporter plusieurs pains et, au lieu d’eau, des mesures de vin, Mygdonia refuse : elle veut seulement de l’eau (jtpâ(Tiv’jôaroç), un pain et de l’huile. La nourrice obéit et alors, Mygdonia debout, le front découvert, l’apôtre verse sur son front l’huile, en disant : « Huile sainte à nous donnée pour la sanctification, mystère caché en qui la croix nous fut montrée, tu es la simplicité des membres voilés, tu es celui qui montre les trésors cachés, tu es le progrès de l’utile : que ta puissance vienne et que ta liberté même s’établisse sur ta servante Mygdonia. » Il est vrai que, l’huile étant versée, il se trouve là une source pour baptiser Mygdonia : mais il n’est pas hors de doute que cette mention du baptême d’eau n’est pas une correction tardive, car aussitôt l’apôtre, rompant le pain et prenant la coupe d’eau, fait communier Mygdonia aux mystères du Christ, en disant : « Tu as reçu le sceau, prends possession de la vie éternelle. » Le sceau, c’est-à-dire l’onction, semble bien encore être l’élément principal de l’initiation. Sur la fin de l’épisode, l’officier Siphor se convertit avec sa femme et sa fille : ils se vouent à la pureté parfaite et demandent le « sceau ». Et l’apôtre les catéchise ainsi : « Le baptême est la rémission des péchés : il régénère et renouvelle l’homme, qui par lui est trois fois élevé et participe au Saint-Esprit. » Il ajoute : « Gloire à la puissance ineffable : gloire à qui entre dans le bain du baptême : gloire à toi, qui ramènes 1rs hommes de l’erreur et les fais participer à toi. » Ce disant, il versait de l’huile sur leur tête, puis il fit apporter un bassin (iv.o.yr l) et les baptisa au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Puis on apporte du pain sur une table et l’apôtre le bénit : « Fais de ce pain le pain vivant pour que ceux qui en mangeront restent incorruptibles, etc. » Nous avons ici un baptême proprement dit ; mais ici encore l’onction joue un rôle préalable et important. Notons aussi que le baptême et l’eucharistie sont étroitement rattachés à la conception encratite delà vie chrétienne.

Au onzième épisode le roi Misdæos à son tour voit sa femme convertie par Thomas. Ensemble Charisios et Misdæos pénétrent dans le local où enseigne Thomas, le frappent violemment et le font jeter en prison. Mais dans sa prison, c’est le douzième épisode, tous les convertis de Thomas le rejoignent, plus le propre fils du roi Misdæos, Vasanés, lequel vivait avec sa femme depuis son mariage dans une parfaite pureté ; il n’a pas de peine à devenir chrétien. Les portes de la prison s’ouvrent d’ellesmêmes, l’on se rend dans la demeure de Vasanés où vont être baptisés Vasanés et les sœurs de Mygdonia. « Thomas prit de l’huile dans une coupe d’argent, et dit : fruit plus noble que les autres fruits, ô fruit incomparable, ô fruit miséricordieux, les hommes grâce à toi savent vaincre leurs adversaires : tu couronnes les vainqueurs, tu es le symbole de l’allégresse : tu évangélises aux hommes leur salut : tu donnes de la lumière à ceux qui sont dans les ténèbres, tu adoucis les amertumes : vienne, ô Jésus, ta force victorieuse, qu’elle fortifie cette huile… » L’apôtre verse l’huile sur la tête de Vasanés d’abord, puis sur la tête des femmes, en disant : « En ton nom, Jésus-Christ, que ceci soit pour ces âmes rémission des péchés, défaite de l’ennemi, salut. » Puis on baptise avec de l’eau, mais sans aucune solennité pareille, et immédiatement ensuite eucharistie. Le récit du martyre de saint Ihomas clôt ce long roman.

De cette rapide analyse il doit se dégager cette impression d’ensemble que les Acta Thomas prêchent un encratisme rigoureux. La liturgie s’y ramène à l’initiation et à l’eucharistie. Cette initiation, où le baptême joue un rôle si effacé que parfois il n’est même pas mentionné, est opérée par le « sceau », l’onction d’huile sur la tête, l’huile étant considérée comme une matière éminemment symbolique. La présence d’une onction d’huile dans la liturgie baptismale est attestée dès le IIe siècle ; mais ici, manifestement, cette onction a une exceptionnelle importance qu’aucun texte ne lui donne. Celse parle de chrétiens chez qui « celui qui reçoit le sceau est appelé Nouveau et Fils et répond quand il la reçoit : Je suis oint de l’onction blanche de l’arbre de vie ». Contra Ccls., vi, 27. Ces chrétiens sont des gnostiques ophites, et c’est de milieux semblables que procède le symbolisme liturgique des Acta Thomas.

IV. Actes de Pierre et de Pm*l. —

Larkpîoôo ; ITIipou originale, composition de la seconde moitié du w siècle, croit-on, est perdue. Les pièces qui en dérivent ont été publiées en une édition critique par M. Lipsius dans les Acta apostolorum apocryplta, Leipzig, 1891, 1. 1, p. 1-234.

Le Martyrium du pseudo-Linus est fortement coloré d’encratisine. Saint Pierre y prêche la pureté parfaite dans le mariage. A sa voix, « un grand amour de la pudicité enllamme les femmes de tout âge et de toute condition, jusque-là que la plupart des matrones de Rome refusent de partager la couche de leurs époux pour sauvegarder la pureté de leur cœur et de leur corps. » Du nombre sont les quatre concubines du préfet Agrippa, qui font vœu de chasteté. Colère d’Agrippa. Puis c’est Xantippé, femme d’Albinus favori de César. Albinus et Agrippa dénoncent au sénat ce Pierre « qui nous sépare de nos femmes au nom d’une loi nouvelle, inouïe ». L’apôtre est arrêté, puis crucifié. En arrivant au lieu de son supplice, il prononce une belle invocation à la croix sur laquelle il va mourir : « O nom de la croix, mystère caché, grâce ineffable. O croix qui as uni l’homme à Dieu ! etc. » Cette invocation rappelle celle de saint André, et nous avons dit en quoi ces thèmes se rattachaient au docétisme.

Les Aittts découverts dans un manuscrit de Verceil par M. Studemund et publiés par M. Lipsius, sont pour une part la réproduction en une recension différente du martyrium que représentait déjà le pseudo-Linus, mais pour une part (1-29) un récit dépendant, comme le pseudo-Linus, de la 1 1 eptoSoç Ilérpou originale. Ce récit s’ouvre par la description du départ de Paul pour l’Es-