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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/21

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AARON — ABBADIE

Juif dans diverses circonstances de sa vie et de son ministère a représenté tantôt directement le souverain prêtre de la loi nouvelle, Jésus-Christ, tantôt les différents ministres du sacerdoce chrétien qui participent tous aux pouvoirs et aux grâces du Verbe incarné, tout-puissant médiateur entre Dieu et les hommes.

E. Mangenot.


2. AARON DE BISTRICZ Pierre-Paul. Originaire de la Transylvanie et de nationalité valaque, Aaron de Bistricz, plus connu sous le nom religieux de Pierre-Paul, appartenait à l’Église gréco-roumaine unie de l’Autriche-Hongrie. Après d’excellentes études faites à Rome au commencement du xviiie siècle, il entra dans l’ordre religieux des basiliens unis et se montra fort zélé pour l’union avec Rome. L’évêque uni de Fogaras, Klein (Jean-Innocent), en fit son vicaire général en 1742. Mais des dissensions ne tardèrent pas à s’élever qui firent accuser l’évêque de violation des canons et amenèrent la Propagande à l’appeler à Rome pour s’y justifier, tandis que Pierre-Paul était nommé par le Saint-Siège administrateur apostolique du diocèse en 1746. L’évêque Klein ayant été obligé de se démettre définitivement, Pierre-Paul fut appelé à lui succéder en 1752. Après avoir gouverné pendant douze ans l’Église de Fogaras qu’il dota d’un séminaire, le pieux évêque mourut en odeur de sainteté, le 9 mars 1764. On a de lui trois ouvrages : 1° Epistola consolatoria ex divinitus inspiratis Scripturis, in-12, Balasfalva, 1761 ; 2° Definitio et exordium S. œcumenicæ synodi Florenlinæ, in-12, ibid., 1762 ; 3° Institutiones doctrinæ christianæ, in-12, ibid., 1764.

Nilles, Symbolæ ad illustrandam hist. Eccl. orient., Inspruck, 1885, passim.

P. Michel.

ABAILARD. Voir Abélard, col. 36 sq.

ABBACOUM, protopope, un des principaux adversaires de la réforme de Nicon (voir ce mot) en Russie, fondateur du Rascol (voir ce mot), brûlé vif en 1681, après plusieurs années de prison et de relégation en Sibérie.

E. N. Tolstoy.


ABBADIE Jacques naquit vers 1654, dans la petite ville de Nay (Béarn). Jean de la Placette, ministre de la religion réformée, fut son premier maître. Il étudia successivement dans les écoles protestantes de Puylaurens, de Saumur et enfin de Sedan où, très jeune encore, il prit le degré de docteur de théologie. Quelques années plus tard, sur la demande du comte d’Espence qui représentait à Paris l’électeur de Brandebourg. Frédéric-Guillaume, il se rendit à Berlin et prit la direction spirituelle des calvinistes français réfugiés dans cette ville (1680). A la mort de Frédéric-Guillaume, il suivit en Angleterre et en Irlande le maréchal de Schomberg. Celui-ci ayant été tué à la bataille de la Boyne (1690), Abbadie vint à Londres, fut nommé prédicateur des réformés français, puis doyen de Killalow, en Irlande. Il mourut le 2 octobre 1727, à Sainte-Marie-le-Bone, petite paroisse alors distincte de Londres et maintenant réunie à cette ville.

De tous les ouvrages d’Abbadie, le plus important est le Traité de la vérité de la religion chrétienne, 2 vol. in-8°, Rotterdam, 1684. Une nouvelle édition, augmentée de plusieurs chapitres (Ire part., iiie section, c. ix, xix et xx ; IIe part., iiie sect., c. i-vi), parut à Rotterdam en 1688, en 2 vol. in-12 ; elle fut suivie de beaucoup d’autres pendant le xviiie siècle. En 1826. Lacôte, vicaire général de Dijon, réédita cet ouvrage avec des notes explicatives et critiques. Ce traité fut traduit en anglais par Lambert, évêque de Dromore (Londres, 1694), en allemand par Billelbeck (Francfort, 1712, et Leipzig, 1721). Abbadie indique lui-même, dans sa préface, le plan de son apologie. La démonstration comprend deux parties : dans la première, on descend de cette proposition : il y a un Dieu, jusqu’à celle-ci : Jésus, Fils de Marie, est le Messie promis. Il y établit successivement l’existence de Dieu, l’existence de la religion naturelle, la nécessité d’une révélation, la divine origine de la religion mosaïque et de la religion chrétienne. Dans la seconde partie, on monte de cette proposition : il y a des chrétiens dans le monde, jusqu’à celle-ci : il y a un Dieu, car le christianisme vient de Dieu ; le témoignage des martyrs et des apôtres, les faits certains rapportés dans le Nouveau Testament, l’excellence de cette religion en sont la preuve certaine.

Le Traité de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, in-12, Rotterdam, 1689, fait suite au précédent ; dans les éditions postérieures, il lui est joint et en devient la troisième partie (édition Lacôte, Dijon, 1826). C’est une sorte de démonstration par l’absurde dont voici les principaux points : si le Christ n’est pas Dieu, il est inférieur à Mahomet, il vaut mieux être musulman ou juif que chrétien, Jésus et les apôtres ont trompé le monde, il n’y a plus aucune harmonie entre les deux Testaments et notre religion n’est plus qu’un amas de superstitions ou une comédie.

Ces deux traités sont dirigés contre les athées et les incrédules. Abbadie y résume heureusement les travaux apologétiques du xve et du xvie siècle. Son argumentation simple et solide est pleine de clarté et de finesse ; il excelle dans l’exposé des preuves morales du christianisme. Tous ces mérites valurent à son livre un grand succès. Bayle, annonçant, Nouvelles de la République des Lettres, au mois d’octobre 1684, l’apparition du Traité sur la vérité de la religion chrétienne, en faisant le plus grand éloge : « Il y a fort longtemps, disait-il, qu’on n’a fait un livre où il y ait plus de force et plus d’étendue d’esprit, plus de grands raisonnements et plus d’éloquence. »

Bien qu’elle émanât d’un auteur protestant, cette apologie fut bien accueillie en France. Au reste, la démonstration étant dirigée contre les incroyants et la religion réformée n’étant pas directement en cause, Abbadie n’avait pas à combattre l’Église romaine. Aussi s’abstient-il en général de l’attaquer ; toutefois le cas échéant, il ne lui épargne pas ses critiques. Cependant, même en dehors de toute polémique, les doctrines d’Abbadie ne sont pas absolument irréprochables. Plus d’une fois, l’apologiste protestant se sépare des théologiens catholiques, soit qu’il n’admette ou n’expose qu’une partie de leur enseignement, soit qu’il rejette complètement leurs idées. Ainsi lorsqu’il établit, l. I, sect. ii, c. vii, la nécessité d’une révélation, il affirme simplement que la révélation est indispensable pour réparer la religion naturelle corrompue par le paganisme. Mais quelle est cette nécessité ? Est-elle physique ou morale ? Est-elle la même pour toutes les vérités manifestées dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ? Abbadie ne précise pas. Il n’a pas compris le véritable rôle de l’intelligence humaine à l’égard des vérités révélées. Selon lui, « la foi et la raison, la théologie et la philosophie différent essentiellement en ce que l’une aperçoit son objet sans prendre à tâche d’en pénétrer la manière et consiste même dans cette soumission qui l’empêche de porter sa vue plus loin ; au lieu que l’autre cherche à connaître et les choses et la manière, et les causes physiques des choses »… Le théologien ne devrait nullement chercher à saisir le comment des choses divines ; il devrait se contenter de savoir qu’elles existent. Les efforts tentés par les docteurs de l’Église et surtout par les scolastiques pour arriver à une intelligence plus profonde des mystères de la Trinité, de l’Incarnation, de la grâce, de la prédestination, ne sont qu’une tentative orgueilleuse et stérile. Abbadie dédaigne la métaphysique de l’École, il l’oppose à la métaphysique des apôtres et déclare qu’il l’abandonne volontiers, IIe part., ive sect., c. ix ; IIIe part., vie sect., c. viii. C’est apparemment pour ces motifs ou d’au-