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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/236

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437 ADOPTION SURNATURELLE DE L’HOMME PAR DIEU — ADORA TION 438

Droit à l’héritage céleste.

C’est la seconde conséquence de notre adoption par la grâce. Saint Paul l’affirme : Si filii et hæredes ; hæredes quideni Dei, cohæredes autem Cliristi ; « si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. » Rom., viii, 17. L’apôtre ajoute aussitôt : Si tamen compalimur, ut et conglori/icemur ; « si toutefois nous soutirons [avec le Christ], pour que nous soyons glorifiés avec lui ; » indiquant par là que, l’échéance de l’héritage est subordonnée à certaines conditions, qui sont les bonnes œuvres en général. D’où il suit que notre droit à l’héritage céleste est très réel sans doute, mais relatif. Les théologiens se sont demandé en outre quelle était la nature précise du lien qui unit l’adoption et l’héritage divin. Les uns veulent que nous soyons héritiers de stricte justice, de telle sorte que Dieu agirait injustement envers nous, s’il nous refusait le ciel. D’autres n’attribuent aux justes qu’un droit de haute convenance vis-à-vis de leur héritage. Enfin une troisième opinion, la plus communément reçue, établit entre l’adoption et l’héritage divin un lien d’exigence connaturelle, analogue au lien qui unit les propriétés à ta substance, de telle sorte que notre filiation de grâce souffrirait violence, si on la privait du droit initial qu’elle confère. Voir Ripalda, De ente supernaturali, disp. ult., sect. x, Lyon, 1645, p. 721 sq. ; Mazzella, Degratia Christi, disp. V, a. 8, Rome, 1880, p. 714-716 ; Ilurter, Theologiee dogmatiese compendium, Inspruck, 1891, t. iii, n. 215, p. 166.

Outre les auteurs déjà cités, voir Theologia Wirceburgensis, in-8°, Paris, 1880, t. VIII, De gratia, disp. VI, c. i, a. 3, n. 3 ; Katschtlialer, Theologia dogmatica catholica specialis, in-8°, Ratisbonne, 1880, l. III, De regni divini restaurati gubernatione per gratiam, part. I, c. iii, a. 4, p. 221 sq. ; Cros, Etudes sur l’ordre naturel et sur l’ordre surnaturel, in-8°, Paris, 1801, IIP part., 12" lettre, n. 4, p. 310 sq. ; Jovene, De vita hominum deiformi (lithographie), Paris, 1881, th. xi, p. 137 sq. ; th. xxiv, xxv, p. 031 sq. ; Corluy, Spieilegium dogmalico-biblicurn, 2 in-8°, Gand, 1884, t. ii, Comment. IV, De gratia habituait, p. 307 sq. ; de Broglie, Conférences sur la vie surnaturelle, 3 in-18, Paris, 1889, t. I, Cinquième conférence, p. 105 sq. ; Bellamy, La vie surnaturelle considérée dans son principe, in-8°, Paris, 1804, c. IV, p. 97 sq. ; c. viii, p. 209 sq. ; 2e édit., c. iv, p. 74 sq. ; c. x, p. 192 sq. ; Ramière, Le Cœur de Jésus et la divinisation du chrétien, in-12, Toulouse, 1891, P’part., c. viii, p. 03 sq. ; Terrien, La grâce et la gloire, ou la filiation adoptive des enfants de Dieu étudiée dans sa réalité, ses principes, son perfectionnement et son couronnement final, 2 in-12, Paris, 1897, t. I, passim ; Froget, De l’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, in-8°, Paris, 1898, c. viii, p. 218 sq.

J. Bellamy.



1. ADORATION.


I. Adoration chez les païens et dans la Bible.
II. Adoration chez les chrétiens jusqu’au Ve siècle.
III. Adoration du Ve au IXe siècle.
IV. La proskunesis et la metanoia.

Nous exposerons au mot Culte les divers cultes admis par les théologiens catholiques, les personnes ou les objets auxquels ces cultes peuvent être rendus, et la manière dont ils s’appliquent à ces personnes ou à ces objets. Nous nous bornerons ici à parler de l’adoration telle qu’elle a été pratiquée soit en Orient, soit en Occident avant le IXe siècle. Les renseignements qui vont suivre sont nécessaires pour comprendre l’histoire de la doctrine catholique au sujet de l’adoration.

Le mot adoration désigne dans la langue théologique deux choses différentes : 1° le culte qui n’est dû qu’à Dieu, c’est le culte de latrie, Xarpsta, adoratio ; ce culte se manifeste par le sacrifice ou par tout autre acte qui indique que celui en l’honneur de qui il est fait est regardé comme un Dieu ; 2° certaines formules de vénération, la prostration, le baiser, etc., qui se désignent en grec par le mot itpo<r/ejvïi<riç, que les Latins traduisent également par adoratio. Ces deux derniers mots expriment plus exactement la cérémonie de l’adoration : le mot grec upoorxûvyiate désigne la prostration, le mot lutin adoratio, l’action d’approcher la main de la bouche pour envoyer un baiser. Le sens du mot XaTpeîa est plutôt celui d’un culte proprement dit rendu à Dieu, sans indiquer les gestes correspondant à ce culte. De la traduction latine unique de deux mots grecs différents sont nées les querelles théologiques relatives à l’usage de l’adoration.

I. L’adoration chez les païens et dans la Bible.

Chez les peuples païens.

L’adoration, proskunesis, chez les peuples orientaux, était une marque de respect qui consistait à se mettre à deux genoux et à se prosterner jusqu’à terre devant la personne qu’on voulait vénérer. On baisait les pieds de cette personne ou l’on touchait la terre du front devant elle. L’usage d’adorer non seulement les dieux mais les rois et les grands personnages existait chez les Égyptiens. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. il, p. 145-146. Les Assyriens avaient la même coutume ainsi que les Perses. Dict. de la Bible, t. i, col. 234. Les peuples occidentaux au contraire refusaient de rendre cet hommage à des hommes. Arrien, Anab., IV, 11. De là les révoltes des Grecs quand Alexandre voulut se faire adorer par eux comme il l’était par les Asiatiques qu’il avait vaincus. Justin, xii, 7. Cf. E. Beurlier, De divinis honoribus <juos acceperunt Alexander et successores ejus, in-8°, Paris, 1891, p. 13-15. Les Romains avaient la même conception et lorsque les empereurs voulurent se faire adorer ce fut pour être traités comme des dieux. E. Beurlier, Le culte impérial, in-8°, Paris, 1891, p. 54.

Dans la Bible.

Les Hébreux, comme les autres peuples de l’Orient, adoraient non seulement la divinité mais les grands personnages. C’est ainsi que Joseph est adoré par ses frères, Gen., xliii, -26 ; David par Miphiboseth, par Joab et par Absalom. II Reg., ix, 6, 8 ; xiv, 22, 33. Cependant c’était plus particulièrement l’acte de vénération rendu à Dieu. Gen., xxiv, 26, 48 ; Exod., xx, 5, etc. C’est pourquoi le premier des commandements donnés sur le mont Sinaï au peuple hébreu contient ce précepte : « Tu n’adoreras pas les images taillées. » Exod., xx, 5. Notre-Seigneur dit de même au démon, qui lui demande de l’adorer : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu. » Matth., IV, 10. C’est aussi pourquoi Mardochée refusa d’adorer Aman. Esth., m, 2. Notre-Seigneur reçoit souvent l’hommage de l’adoration : à son berceau de la part des Mages, Matth., il, 11 ; pendant sa vie publique de la part de l’aveugle né, Joa., IX, 38 ; après sa résurrection, de la part des saintes femmes. Matth., xxviii, 9. Pierre refuse l’adoration du centurion Corneille, parce qu’il n’est qu’un homme. Act., x, 26.

II. L’adoration chez les chrétiens jusqu’au Ve siècle.

Les Actes des martyrs nous donnent la preuve que les premiers chrétiens considéraient l’adoration, rcptxrx-jvï)(Tt ; , comme un hommage réservé à Dieu seul. Ils refusent d’adorer les démons, « les dieux du prince. » Passion de sainte Félicité, Ruinart, Acta sincera, p. 21 sq. ; Actes de saint Justin, dans Otto, Corpus apologet. christ, sseculisecundi, in-8°, Iéna, 1879, t. iii, p. 266-278, etc. Cf. P. Allard, Histoire des persécutions, in-8°, Paris, t. i, p. 351 ; t. ii, p. 417. Ils refusaient en particulier d’adorer les empereurs. S. Theophyle, Ad Aulolycum, i, 11, P. G., t. vi, col. 1040. Cf. E. Beurlier, Le culte impérial, p. 271. Ils se proclament au contraire adorateurs d’un seul Dieu, adorateurs du Christ, adorateurs des sacrements divins. Cf. P. Allard, ibid., t. i, p. 351, 375, 447 ; t. il, p. 408, 429, etc.

Les apologistes enseignent la même doctrine quand répondant aux accusations des païens qui leur reprochent d’adorer un’homme, Jésus de Nazareth, ils affirment qu’ils n’adorent que Dieu. Justin, Apol., i, 17, P. G., t. vi, col. 354.

Aussi, en disant que l’adoration est due au Fils et au