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ADORATION

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Saint-Esprit, les Pères mordront par le fait même qu’ils croient à leur divinité. Nombreux sont les passages où les Pères répèlent ce point de la doctrine chrétienne. Jésus-Christ est digne d’adoration, dit saint Justin, parce qu’il est Dieu. Dial. cum Tryphone, 126, P. G., t. VI, col. 622, 768 : Cf. Epiphane, Hærcs., xxx, P. G., t. xli, col. 456 ; Origène, Cont. Cels., viii, 12, P. G., t. xi, col. 1533 ; Grégoire de Nazianze, Oral., xlv, in S.Pascha, xxxiv, P. G., t. xxxv, col. 634 ; cf. Orat., xxxi, col. 574, etc. Il en est de même de l’Esprit-Sain t. Justin, Apol., I, 6, P. G., t. VI, col. 336 ; Epiphane, Hæres., 1 m, 1, P. G., l. xlii, col. 488 ; Grégoire de Nazianze, Oral, iheol., v (xxxi), P. G., t. xxxv, col. 563. Cf. De pare, i, 21, P. G., t. xxxv, col. 750. Les textes que l’on pourrait citer à l’appui de cette doctrine sont nombreux.

Au contraire, l’hommage de l’adoration ne doit pas être rendu aux créatures, même à la sainte Vierge. Saint Epiphane condamne la secte des collyridiens qui adorait Marie. « Elle est vierge, dit-il, et doit être honorée, mais non pas adorée ; elle adore le fils qui est né de sa chair. » Epiphane, liserés., iii, 11, P. G., t. xlii, col. 1061 ; cl. col 1066.

L’acte principal de l’adoration est le sacrifice de la messe. Eusèbe en raconlant les funérailles de Constantin dit qu’on y célébra l’acte de latrie pour signifier qu’on célébra le sacrifice de la messe. Eusèbe, De vita Conslanlini, l. IV, c. lxxi, P. G., t. xx, col. 1223.

Jusqu’au Ve siècle, les chrétiens sont donc d’accord sur ces deux points : que la TTpocrxvvïiut ; est un acte de culte qui est réservé au souverain maître de toutes choses, c’est-à-dire à Dieu, et que les trois personnes étant une seule et même divinité ont également droit à l’adoration. Grég. de Naz., De pace, I, 21, P. G., t. xxxv, col. 750. Ils ne distinguent pas entre la larptia. et la 7rpoTvrjvy)(Ti ; et ils emploient indifféremment les deux mots.

III. L’adoration du ve au ixe siècle.

Les difficultés naquirent, lorsque l’on commença à discuter si la proskunesis était une marque de respect qu’on pouvait rendre aux images du Christ, aux reliques et aux images des saints. Alors on réserva le mot latreia pour désigner le culte accordé à Dieu seul et on employa le mot proskunesis dans un sens plus général. Mais cette distinction ne devint précise que peu à peu et c’est ce qui explique les controverses qui troublèrent l’Orient et l’Occident sur ce point de doctrine.

En Orient.

C’est en Orient que naquit la querelle connue sous le nom de querelle des iconoclastes, parce que ceux qui condamnaient la itpoffy.uvi)ffiç des images allèrent jusqu’à briser et détruire les images elles-mêmes.

Remarquons tout d’abord que les partisans du oulte rendu aux images ont toujours distingué soigneusement entre les honneurs dus à Dieu seul et les honneurs qu’on devait rendre aux images du Christ, de la sainte Vierge et des saints et en général à tous les objets vénérables. Théodore Studite, Antirrheticns, II, xxxviii, P. G., t. xcix, col. 380, rappelle que dans l’Ancien Testament on rendait l’honneur de la ïtpoffxûvïifft ; aux chérubins, à l’arche d’alliance, à la table de propitiation et que cependant la loi défendait d’adorer (itpoo-xuvEtv) les images taillées. « Les chrétiens, dit-il ailleurs, ont une seule foi, une seule latrie et une seule Ttpoffxyvïjfftç, celle qu’on rend au Père, au Fils et au Saint-Esprit. » Théodore Studite, Antirrlieticus, I, I, P. G., t. xcix, col. 330. Enfin dans une lettre, il remarque qu’une inscription placée sous l’image du Christ ou d’un autre personnage doit être appliquée à la personne représente. Théodore studite, l’.pist. ci.xvi, l. II, P, G., t. xcix, col. 1216. Voilà pourquoi <t il faut adorer L’Évangile, la croix, l’eucharistie. Tout ce qui est saint doit être adoré, mais il y a des degrés dans la sainteté et dans l’adoration. » Théodore Studite, Antirrlieticus, II, xxmv-xxxv, P. G., t. xcix, col. 376.

Ces passages et bien d’autres établissent la doctrine et en même temps nous montrent comment les chrétiens ont été amenés à rendre aux images du Christ, de la sainte Vierge et des saints, le genre d’hommage appelé TrpoffX’jvr.Ttç.

Au temps du paganisme les statues des princes étaient placées parmi celles des dieux dans les temples et dans les cirques. La foule brûlait de l’encens devant elles comme devant les statues des divinités de l’Olympe. Au temps même des empereurs chrétiens, de pareils hommages leur étaient rendus. S. Jérôme, In Daniel., iii, 18, P. L., t. xxxv, col. 509 ; S. Ambroise, Hexam., VI, ix, UIJ’.L., t. xiv, col. 266 ; Philostorge, Hi$t., ii, ii, P. G.] t. lxv, col. 480 ; Chronicon Pascale, ann. 330, P. G., t. xcii, col. 710 ; Jean Chrysost., De laitd. Pauli apostoli, homil. viii, P. G., t. l, col. 508 ; Socrate, Hist.eccl., vi, 18 ; Sozomène, ibid., viii, 20, P. G., t. lxvii, col. 717, 1508. Il n’est donc pas (’tonnant que les chrétiens aient songé à rendre de semblables hommages aux images de Jésus-Christ. Saint Jean Damascène et Nicéphore, patriarche de Constantinople, insistent l’un et l’autre sur cette raison que les images du Sauveur sont dignes d’adoration plus encore que les images des prinres. Jean Damascène, De iniagin., orat., ni, 41, P. G., t. xcix, col. 1357 ; Nicéphore, Antirrlieticus III adv. Constant. Copron., 60, P. G., t. C, col. 485. L’usage d’adorer les images devint très populaire en Orient et fut surtout favorisé par les moines. O. Bayet, Recherches pour servir à l’histoire de la peinture et de la sculpture chrétiennes en Orient avant la querelle des iconoclastes, in-8°, Paris, 1879, p. 135. Les abus amenèrent une réaction violente et qui dépassa de beaucoup la mesure. Léon l’Isaurien proscrivit tout culte des images, ordonna de les détruire et persécuta ceux qui refusèrent d’obéir à ses ordres. Voir Iconoclastes. La lutte se termina en Orient par la déclaration du concile de Nicée de 787 qui distinguait entre la jupoffxûvïjffiç permise à l’égard des images parce qu’elle se rapporte à celui qu’elles représentent et la Xatpeia qui ne doit être rendue qu’à Dieu. « Nous adorons (7rpoux’jvo-j|xev) les images saintes et la croix, disent les Pères, dans leur lettre à Irène et à son fils Constantin Porphyrogénète, comme nous adorons les invincibles et très doux empereurs. » Hardouin, Concil., t. IV, col. 476. Le pape Hadrien parle de même dans la lettre qu’il adressa à l’impératrice et à son fils, lettre qui fut lue à la seconde session du concile. « Nous adorons… les princes quoiqu’ils soient pécheurs, pourquoi n’adorerions-nous pas les saints serviteurs de Dieu ? » Hardouin, Concil., t. iv, col. 90.

Cependant la ligne de conduite que nous allons voir adopter en Occident par Charlemagne, parut triompher quelque temps en Orient ; même après le concile de Nicée, Michel le Bègue écrivit à Louis le Débonnaire pour l’instruire qu’il avait fait détruire les images placées à peu de hauteur, afin que les fidèles ne pussent les adorer ni faire brûler des lampes devant elles, mais qu’il avait laissé intactes celles qui étaient placées plus haut afin qu’elles pussent servir d’écrit, c’est-à-dire d’enseignement, Mansi, Concil., t. xiv, col. 417. Cf. Hefele, Hist. des conciles, trad. Leclercq, in-8°, Paris, 1909, t. iii, §329.

En Occident.

Dans la partie occidentale de l’empire on n’avait jamais eu la même dévotion à l’égard des images impériales. On était de même beaucoup plus réservé dans le culte des images. Serenus, évêque de Marseille, n’avait pas hésité à briser des images saintes pour empêcher que le peuple ne les adorai et saint Grégoire tout en le blâmant de les avoir brisées le félicita d’empêcher qu’on les adorât. S. Grégoire, Epist., ix, 52, P. L-, t. i.xxvii, col. 991. Dans la terminologie usitée en Occident le mot adoralio désignait un liom-Oiage rendu à Dieu seul.

Il est facile de comprendre, après cela, quel scandale