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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/250

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ADULTÈRE (LE PÉCHÉ D’)

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remarque bien tous les éléments de cette définition, si l’on veut se rendre compte de ce qu’elle exprime. Les lois ont quelquefois appelé adultère l’injuste délloration d’une ierge, aliquando adulterium ponitur pro stupro et vicissim, mais c’était à un moment où les notions n’étaient pas encore formées et pour donner l’horreur d’un crime fort grave en soi, puisque la virginité est la plus belle parure de la jeune fille. En réalité les rapports conjugaux, entre personnes libres de tout engagement, constituent le simple péché de fornication. Par contre, le mariage subsistant, tout commerce charnel, en dehors de ses lois, porte le stigmate de l’adultère, alors même que, par une infâme complicité, les époux entendraient se délier, l’un vis-à-vis de l’autre, du devoir de fidélité. Au {{rom|xvi)e siècle, quelques laxistes enseignaient que la permission, donnée par un mari à sa femme, de se prostituer enlevait, aux fautes de celle-ci, leur caractère d’adultère, mais l’Église protesta énergiquement et Innocent XI condamna, le 2 mars 1679, leur doctrine sous la forme de la proposition suivante : Copula cum conjugale /, consentie ate niarito non est adulterium, adeoque sufficit in confessione dicere se esse fomicatum. Prop. 50, Denzinger, Enchiridion, n. 1067. Comment, en effet, ne pas voir du premier coup que ces licences indignes traînent dans la boue la sainteté du mariage, brisent la foi jurée inviolablement, sont injurieuses pour le sacrement et portent en germe le principe du divorce’? Cependant De Lugo, De justifia et jure, disp. VIII, n. 10, Lyon, 1670, t. i, p. 191, pense que, dans ce cas, le péché n’est pas exactement de même nature que l’adultère ordinaire ; il n’y a pas injustice au préjudice du conjoint, puisqu’il a misérablement cédé ses droits autant qu’il le pouvait : Scienti et volenti non fit injuria, à celui qui sait et qui consent on ne fait pas injure, dit un axiome théologique.

L’adultère suppose donc essentiellement le mariage. Il requiert en outre le rapprochement des sexes ; il n’est constitué dans son individualité propre qu’autant que ce dernier a été consommé. Néanmoins, suivant la juste remarquede Sanchez, Dematrimonio. l.IX.c.XLVi.n. 17, les mauvais désirs, les privautés malsaines, les attouchements déshonnêtes et même, d’après De Lugo, De psenitent., disp. XVII, n. 387, et les docteurs de Salamanque, Theol. mor., c. vii, n. 100, l’abus de son propre corps, les fautes solitaires participent à la nature de ce crime, quand ils sont commis par des gens mariés. Il y a là une circonstance aggravante qu’il faut accuser en confession.

On voit par suite avec quelle réserve doivent se comporter les époux. Cependant la faute suppose la connaissance du mal que l’on commet. L’homme qui, succombant aux défaillances de la chair, serait, par erreur personnelle ou par tromperie, convaincu que sa complice est libre de tout engagement, ne commettrait qu’un péché de fornication, tout en faisant un adultère matériel. Ceci est formellement consigné dans le droit ecclésiastique. Aux termes du chapitre : Si virgo nupseris, du décret de Gratien, n’est pas considérée comme adultère la femme qui épouse par erreur un homme marié secrètement, à moins que, venant à découvrir sa véritable situation, elle ne continue à cohabiter avec lui. Le 1 crime commence à l’heure où, la lumière se faisant dans son esprit, elle n’en tient pas compte. Pareillement les chapitres In lectum et Si virgo nesciens, du môme décret, causa XXXIV, q. I, c. 5 ; q. ii, c. 6, disposent « qu’on ne peut accuser d’infidélité l’épouse infortunée qui aurait souffert violence ou aurait été surprise.

II. Espèces.

Au point de vue théologique on divise communément l’adultère en adultère simple et en adultère double, suivant qu’un seul des deux coupables est marié ou qu’ils le sont tous les deux. Les moralistes énoncent une vérité que chacun sait quand ils disent que le second est plus grave que le premier. Ce sont deux familles au lieu d’une qu’il atteint : il viole deux fois la loi du sacrement. Ce que nous comprenons très bien également, c’est qu’il est plus odieux quand il est commis par un homme libre avec une femme mariée, que lorsqu’il survient entre une fille et un mari ; car, dans le premier cas, il risque de faire entrer dans une famille un enfant illégitime, un héritier étranger.

III. Culpabilité et peines.

Quelle qu’elle soit, l’infidélité conjugale est, en regard du sixième et du septième précepte divin, un des crimes les plus énormes qui puissent souiller la conscience humaine. Foulant aux pieds les droits les plus sacrés, inscrits dans l’âme par la nature elle-même, l’adultère s’en va, par la voie du parjure et de la trahison, ravir ou prostituer un cœur et un corps qui sont la propriété d’autrui, porter la désolation et la ruine dans la société domestique, empoisonner les sources de la vie au mépris des lois sur la propagation de l’espèce et corrompre les joies et les gloires de la paternité. Après cela quoi d’étonnant que les peuples — même ceux qui regardaient la fornication comme un acte indifférent au point de vue de la conscience — l’aient toujours poursuivi de leurs anathemes et châtié sans pitié ?

Loi romaine.

Avant qu’il en fût question dans leur code, les Romains, obéissant à l’instinct naturel, le punissaient avec une implacable sévérité. Plus tard Auguste le traita comme un crime social et le rendit, à ce titre, justiciable des tribunaux. Par la loi qui porte son nom il édicta la peine de l’exil contre les citoyens ordinaires, et de la déportation dans un pénitencier contre les militaires, qui en étaient souillés. Ces châtiments furent remplacés par la peine capitale, on ne sait pas exactement à quelle époque ; les jurisconsultes hésitent entre les Antonins et Constantin, mais le fait est certain. Cf. Joseph Laurentius, Tract, de adult. et de meretric. ; Ant. Math…, De criminibus, 1. XLVIII, tit. iii, c. ii, n. 1.

Loi mosaïque.

Sous la loi mosaïque, inspirée, comme on sait, par Dieu lui-même pour un peuple grossier et brutal, les deux complices étaient punis du dernier supplice. Le premier endroit où il soit fait mention du cas, c’est le Lévitique, xx, 10 ; il ne dit pas le genre de mort qu’on devra inlliger : Morte moriantur mœchus et adultéra. Le Deutéronome n’est pas plus explicite, XXII, 22 : « Si un homme dort avec la femme d’autrui, que l’un et l’autre coupables soient punis de mort afin d’enlever le mal d’Israël. » On ne trouve pas non plus de plus amples informations dans l’histoire de Suzanne, Dan., xiii ; mais nous savons par les commentaires talmudiques et par le témoignage de saint Jean, viii, 5, que le supplice était la lapidation.

Loi évangélique.

La loi de crainte a fait place à la loi d’amour. De même que Dieu ne se contente plus de quelques paroles d’honneur qui tombent du bout des lèvres, ou de quelques rites purement extérieurs, mais veut être adoré en esprit et en vérité, de même il veut être servi dans la liberté et l’abandon du cœur et non comme un maître qui menace de la verge l’esclave insoumis. Jésus-Christ l’a fait entendre en plusieurs circonstances par ses paroles et par ses actes. On sait comment il défendit et pardonna, en lui recommandant de ne plus pécher, la femme infortunée que les Pharisiens prétendaient avoir surprise en adultère. Joa., viii, 3- Ce n’est pas qu’il approuvât son crime, il avait condamné non seulement l’adultère consommé, mais encore le désir de le commettre, les regards de convoitise jetés sur une femme, Matth., v, 8, seulement il voyait le repentir qui purifiait son cœur et la honte extérieure qui expiait sa faute, et puis il était bien aise de montrer par ce fait que les perspectives de la loi nouvelle ne se borneraient pas désormais aux horizons de ce monde. Mais pour être reculé jusqu’à la tombe, le châtiment de l’infidélité conjugale n’est ni moins certain ni moins grave que dans