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AME. DOCTRINES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES

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demandent, ou est-elle ineréée — pour lui, ceci n’est pas une question ; — et si elle a été faite, comment l’a-t-elle été : est-elle, comme quelques-uns le pensent, — Origène a-t-il connu Tertullien ? — contenue dans la semence corporelle et transmise comme le corps, ou vient-elle parfaite du dehors pour revëlir le corps formé déjà et prêt à la recevoir dans les entrailles de la femme ? Et, dans ce second cas, vient-elle tout fraîchement créée, faite au moment même où le corps vient d’être formé, de sorte qu’il faille regarder comme la cause de sa création la nécessité d’animer le corps ; ou Lien, faite depuis longtemps, faut-il croire qu’elle a eu quelque raison de venir prendre ce corps ; et si oui, quelle est cette raison ? C’est l’œuvre de la science (il est question, dans le contexte, de la science et du don de science). Il faut savoir aussi si elle se revêt du corps une fois seulement, et, quand elle l’a déposé, ne le cherche plus ; ou si, après l’avoir déposé, elle le reprend encore, et, quand elle l’a repris, le garde à jamais ou le rejette à nouveau… Pour se connaître, elle doit savoir encore s’U y a là un ordre, s’il y a d’autres esprits de même nature qu’elle, et d’autres de nature différente, j’entends s’il y a d’autres esprits raisonnables comme elle, et s’il en est d’autres sans raison ; si enfin elle est de même nature que les anges, puisqu’on ne voit pas comment pourraient différer raisonnable et raisonnable. .. » (Noter que les mots Xdyoç et >.oyixô ; — que nous traduisons par raison et raiso7mable — ne sont pas restreints comme le sont ralioet rationalis chez les scolastiques, au sens précis de connaissance déductive. ) « Il faut que le Verbe de Dieu dise tout cela à l’âme ; … sans cela elle s’en ira recueillant les opinions diverses, elle suivra des hommes qui ne disent rien de beau, rien qui soit du Saint-Esprit. » InCant., l. II, v, 8, P. G., t. xiii, col. 126 sq.

On voit quelles graves questions se posaient devant ce grand esprit et avec quelle netteté ; comment aussi il ne croyait pas qu’elles fussent résolues par la foi, et comment il voulait que l’âme elle-même en cherchât la solution par la réilexion et par la prière. Voyons ses réponses à lui. Le Ilep’i àpyjàv les groupe presque toutes.

Spiritualité de l’âme.

Origène est très net sur ce point. Ce qui va suivre le montrera amplement. On peut voir aussi, Contra Celsum, iv, 58, P. G., t. xi, col. 1125, la distinction entre l’âme de l’homme et celle des bêles, et ibid., iv, 74, 79 sq., la longue discussion où il montre que tout est pour l’homme et sa supériorité sur les animaux. On ne saurait objecter la définition qu’il donne de l’âme comme d’une substance sensible et mobile, cpavxa17TrLï] -Loù ôpjr^Tiy.ri, De princip., l. II, c. VIII, n. 1, P. G., t. xi, col. 219 ; ni l’endroit où il montre l’âme comme un milieu entre la chair et l’esprit, ibid., n. 4, col. 22’t ; car la réponse est dans le contexte.

Mais lui donne-t-il un corps ? Il semblerait d’abord que non. Car esprit (vo-jç = mens), pour lui comme pour nous, s’oppose à corps, et l’âme est esprit. L. I, c. i, n. 6, P. G., t. xi, col. 125 sq. « Et s’il en est, ajoute-t-il, qui croient que l’âme est corps, qu’ils me disent comment elle peut recevoir les raisons et les idées de tant de choses si différentes et si subtiles ? li ou lui vient la mémoire ? Comment peut-elle contempler les choses invisibles ? Comment un corps peut-il concevoir des choses incorporelles ?… C’est faire injure à ce qu’il y a de meilleur en soi ; c’est faire injure â Dieu même de le croire intelligible â une nature corporelle, c ne s’il était corps lui-même… Il y a une certaine affinité (propinquitas quædam, ailleurs nous avons le unit grec T-jvvivi ; ), entre l’esprit et llieu, dont l’esprit est une image intellectuelle, de sorte qu’il peut savoir sentire) quelque chose de [’être divin, si surtout il est plus pur et plus séparé de la matière corporelle. » lbid., . 7, col. 126 sq. ; cf. ibid.yn. 9, col.l29 ; ulEx/wrt. ad martyr., xlvii, P. G., t. xi, col. 529. Voilà qui montre évidemment la pensée d’Origène sur la spiritualité de l’âme. Est-ce à dire qu’il la croit incorporelle ? A ne voir que ce passage, il semblerait que oui ; mais il dit, ibid., c. vii, n. 4, P. G., t. xi, col. 170, ne pas comprendre comment les substances spirituelles pourraient (dans l’autre vie) subsister sans corps, « puisque Dieu seul peut se concevoir comme subsistant sine materiali subslantia et absifue ulla corporeæ adjectionis societate ». Même idée au l. II, c. i. P. G., t. xi, col. 187, exprimée avec plus de décision encore et de façon plus générale ; de même au l. IV, n. 35. On sait d’ailleurs qu’il donne un corps aux anges et qu’il regarde l’ange et lame humaine comme de même nature. Cf. Huet, Origeniana, part. II, c. il, q. v, §3-5, P. G., t.xvii, col.3’t7. Mais alors que deviennent ces passages où il parle d’âme incorporelle ? Lui-même explique dans sa Préface, n. 8, P. G., t. XI, col. 120, qu’on appelle souvent incorporel ce qui n’a pas un corps de chair, palpable et résistant comme le nôtre, mais un corps subtil et ténu, éthéré, comme celui qu’on donne aux démons.

Il y a, d’ailleurs, sur ce point des différences entre Origène et Tertullien. Chez le premier, rien de matérialiste. Peut-être même faut-il dire que, pour lui, l’âme n’est pas corps, elle a un corps, dont elle ne peut se séparer, mais distinct d’elle, à la fois véhicule et contenant limitatif de son être. Ce corps de l’âme, en cette vie, ne serait autre peut-être que notre corps de chair ; le corps subtil, éthéré ne serait nécessaire qu’à défaut de l’autre. Cf. Contra Cels., l. VII, n. 32, P. G., t. xi, col. 1465. Pour l’idée précise d’Origène sur ce dernier point, voir les notes de dom Delarue, P. G., t. xi, col. 126, et t. xvil, col. 849. A vrai dire rien de convaincant.

Origine de l’âme.

Sur cette question, Origène semble avoir plus hésité encore, et il ne s’est prononcé qu’avec une extrême réserve, en chercheur qui lance une hypothèse, non en maître qui enseigne. De princip., l. II, c. viii, n. 5, P. G., t. xi, col. 225, et passim. Voir ci-dessous.

Selon lui, tous les esprits créés (anges et âmes)sont de même nature. Dieu les a faits tous ensemble, tous égaux. D’où seraient venues, en effet, la variété et les différences primitives ? Elles n’ont leur cause que dans le libre arbitre de chacun, les uns s’étant rapprochés de Dieu en progressant ; les autres s’étant laissé déchoir par négligence. De princip., l. II, c. ix, n. 6, P. G., t. xi, col. 230 ; cf. n. 2, col. 227 ; et l. III, c. iii, n. 5, col. 318. Quant à déterminer d’une façon plus précise la nature de ces actes, Origène s’y refuse ; il croit seulement qu’on ne saurait expliquer que par là l’inégalité présente, Dieu étant juste et ne faisant pas acception de personne. L. I, c. viii, n. 4, col. 179 ; cꝟ. 1, II, c. ix, n. 5, col. 229. Pour ces esprits d’inégal mérite, Dieu a créé ce monde si varié, où il met lui-même l’ordre et l’harmonie par son sa^e gouvernement. « Ainsi, conclut Origène, ni Dieu n’est injuste, en donnant à chaque chose sa place selon ses mérites, ni les biens ou les maux de la vie ne sont distribués au hasard, ni nous ne sommes obligés do recourir à divers principes créateurs, ni à une diversité dans la nature des âmes. » L. II, c. IX, n. 6, col. 231.

Dieu a donc créé au commencement autant de créatures intellectuelles qu’il en fallait et que comportait sa providence ; et il prépara pour elles la quantité correspondante de matière. » Ibid., n. 1, col. 225.

C’est de cette réserve que, au temps voulu, il prend chaque âmepour l’unir au corps qu’elle a mérité. Cette union est une déchéance. Le mot esprit, remarque Origène, indique quelque chose de supérieur, le mol âme quelque chose d’inférieur ; âme et animal, dans l’Écriture, sont pris d’ordinaire en mauvaise pari. Cette infériorité, à quoi tient-elle ? Ici le rapprochement bizarre que les Crées menaient entre’l /y’/"’î (âme) et