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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/524

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AME. DOCTRINES DES TROIS PREMIERS SIECLES

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b>y_o ; (froid), et contre lequel s’est escrimé Tertullien, fournit au théologien d’Alexandrie un argument subtil. « Tout ce qui est saint a des noms de lumière et de feu (fervent, brûlant), ce qui ne l’est pas est froid, et l’on parle de charité qui se refroidit : n’est-ce pas que h>yj l dénote ce refroidissement d’un état meilleur et plus divin, cette perte de sa chaleur première et divine, de sorte que le nom répond à l’état ? » L. II, c. viii, n. 3, col. 222 ; cl. n. 2. Cette déchéance n’est pas la même en tous : « L’esprit pur (vo-j ; ) devient plus ou moins âme ; il est des esprits qui gardent plus de la vigueur première, d’autres rien ou très peu. Aussi en voit-on qui, dès le premier âge, sont plus vifs et plus pénétrants, d’autres plus lents ; il en est qui naissent tout à fait obtus et indociles. » Ibid., n. 4, col. 224. Déchéance provisoire d’ailleurs, l’esprit déchu et devenu âme peut se relever et redevenir esprit. Ibid., n. 3, col. 223. Cf. Exhorl. ad mart., xii, P. G., t. xi, col. 180, B. On sait qu’Origène admet partout ces ascensions et ces dégradations successives. L. I, c. viii, n. 4, col. 180 ; cf. c. vi, n. 2 et 3, col. 167-168 ; l. IV, n. 23 (selon saint Jérôme), P. G., t. xi, col. 394. On a même dit qu’il étend ce va-et-vient jusqu’à l’âme des bètes : saint Jérôme le donne comme certain, et Justinien dans sa lettre à Menas cite un texte qui paraît avoir ce sens. L. I, c. viii, n. 4, col. 180 ; voir ibid., note 44. La traduction de Rufin, loc. cit., parle de cette opinion, mais pour la nier : c’est là peut-être un de ces adoucissements que lui reprocha si vivement saint Jérôme. Il faut croire au moins qu’elle fut proposée avec beaucoup de ménagement et comme pure hypothèse ; car, ailleurs, Origène enseigne le contraire. « Celse, dit-il, ne met aucune différence entre l’âme de l’homme et celle des fourmis ou des abeilles. C’est faire descendre l’âme des hauteurs du ciel non seulement dans des corps humains, mais encore dans ceux des autres animaux. C’est ce que ne sauraient admettre des chrétiens : ils savent que l’àme humaine a été faite à l’image de Dieu, et ils savent qu’une nature ainsi formée à l’image de Dieu ne saurait perdre entièrement ses traits (/apaxT^pa ; ) pour en prendre d’autres à l’image de je ne sais qui, tels qu’on les voit dans les bètes. » Contra Cels., l. IV, n. 83, P. G., t. xi, col. 1157. Cf. In Matth., ii, 17. Voir d’autres passages, Origeniana, l. II, c. ii, q. iv, n. 19, P. G., t. xvii, col. 915.

Cette attitude modeste et indécise est d’ailleurs celle du grand Alexandrin en toute cette matière. Il concluait notamment ainsi ses explications sur les déchéances et les ascensions de l’àme « Ce que nous avons dit du changement de l’esprit en âme et des questions qui s’y rapportent, que le lecteur le discute avec lui-même et y rélléchisse ; mais qu’on n’y voie pas une doctrine arrêtée ni un enseignement dogmatique, ce sont seulement des essais et des recherches. » De prineip., l. II, c. viii, n. 4, P. G., t. xi, col. 224. Comment dès lors, tout en rejetant l’erreur, n’être pas indulgent et sympathique au maître de génie qui s’égara en essayant de tracer la voie, et qui chercha si passionnément le vrai ?

L’unité d’âme dans chaque homme.

Origène admet-il plusieurs âmes, comme semble faire son maître Clément, n’en admet-il qu’une ? Voici d’abord ce qu’il donne comme acquis : « Nous autres hommes, dit-il, nous sommes composés d’âme, de corps et d’esprit vital, spiritu vilali. » De prineip., l. III, c. IV, n. 1, col. 319, 320. Qu’est-ce que cet « esprit vital », en grec sans doute 71v£j(j.a Çu>o710tov ? Pas autre chose que le principe de la vie surnaturelle en nous ; c’est une expression que nous avons déjà rencontrée chez Irénée ; Origène, dont la pensée n’est pas douteuse, pourrait servir, si besoin était, pour expliquer Irénée. Il n’est pas question ici de principe vital distinct de l’âme, et il est dit expressément à quelques lignes de là que « c’est par nous, c’est-à-dire par notre âme, que vit le corps matériel ». Est-ce à dire qu’Origène soit aussi net que Tertullien sur l’unité d’âme ? Au contraire, la question pour lui reste douteuse, et il refuse de prendre parti. Au moins a-t-il exposé les opinions en maître philosophe, et a-t-il dit en maître théologien les raisons bibliques que chacune d’elles faisait valoir. « Est-il vrai, comme quelques-uns le disent, qu’il y ait deux âmes en chaque homme et qu’il faille expliquer par là les luttes intimes que nous sentons et qu’on ne peut toujours attribuer aux démons ? C’est demander si en nous nommes, qui sommes composés de corps, d’âme et d’esprit vital, il y a en plus quelque chose qui ait son mouvement propre et ses tendances au mal ; et c’est la question que quelques-uns se posent ainsi : y a-t-il en nous comme deux âmes l’une divine et céleste, l’autre inférieure ; ou bien est-ce par le fait même de notre union au corps (à ce corps matériel ennemi de l’esprit) que nous sommes attirés et sollicités au mal qui plaît au corps ; ou, troisième opinion, admise par quelques païens, est-ce que notre âme, une dans son être, est composée de parties, l’une raisonnable et l’autre sans raison, celle-ci à son tour divisée en concupiscible et irascible ? » Loc. cit., col. 320. La troisième opinion, remarque Origène, celle d’une âme tripartite, ne saurait guère se soutenir par l’Écriture. Celle des deux âmes est exposée en termes qui rappellent ceux de Clément — ce qui peut nous éclairer aussi sur la pensée &e celui-ci — mais avec une clarté parfaite. « Il y a donc en nous, selon quelques-uns, une âme bonne et céleste, une autre inférieure et terrestre ; la meilleure est envoyée du ciel dans le corps, cœlitus insérât ur ; l’autre — l’inférieure, comme ils disent — est transmise avec le corps par génération, ex corporali semine cum corpore seminari, d’où ils concluent qu’elle ne peut vivre ni exister sans le corps, ce qui fait, disent-ils, qu’on l’appelle souvent la chair. » Loc. cit., n. 2. Suit l’exégèse en ce sens de plusieurs textes bibliques, notamment des textes connus de saint Paul, non sans qu’Origène laisse percer ses préférences pour une autre explication, celle-là même que nous l’avons entendu donner précédemment (l’âme entre la chair et l’esprit redevenant esprit, selon son choix, ou plus charnelle). Loc. cit., col. 323. De là, il passe à l’opinion de ceux qui n’admettent qu’une âme en nous, et il explique la lutte intérieure et les « deux hommes » que nous sentons en nous avec une finesse, une profondeur et une clarté que saint Thomas n’a pas dépassées. Loc. cit., n. 4, 5. Cf. sa belle analyse du libre choix, l. II, c. i, n. 2 et 3, col. 249, et De oratione, n. 6, P. G., t. xi, col. 433. Il conclut avec sa modestie ordinaire : « Pour nous, nous avons donné autant que nous avons pu, au nom des parties, les raisons qu’on peut alléguer, pour ou contre ; que le lecteur choisisse. » Loc. cit., n. 5, col. 325. Quant à lui, on sent, malgré toute sa réserve, qu’il a son idée à part lui, l’ensemble de sa doctrine est en faveur de l’unité d’âme, et si, en parlant du Christ, il établit une vraie distinction entre son âme et son esprit, cette distinction n’est pas entre deux âmes humaines dans le même homme, mais entre deux éléments divers de l’Homme-Dieu. Cf. In Matth., xvi, 8, P. G., t. xiii, col. 1400, et De prineip., l. II, c. viii, n. 4, P. G., t. xi, col. 224.

Édition critique de’Exhortatio ad martyrium, du Contra Cetsum, du De oratione dans la collection entreprise sous le patronage de l’Académie de Berlin, Origenes Wcrke, t. i, ii, par P. Kôtschau, Leipzig, 1809. Cf. Texte und U ntersuch., t. vi, fasc. 1°, Leipzig, 1889.

Pour l’ensemble des doctrines d’Origène sur l’àme, Huet, Origeniana, l. II, c. ii, q. VI, P. G-, t. xvii, col. 893 sq. et aussi q. v, passim, col. 644 sq. ; Schwane, op. cit., t. ii, § 58 ; Freppel, Origène, Paris, 1868, t. i, leç. xvii, xviu ; Redepenning, Origenes, t. ir, p. 334 sq., Bonn, 1841-1846 ; Vincenzi, In sancti Gregorii Nysseni ri Origenis scripta et doctrinam, t. ii, Rome, 1804, c. xv-xx, p. 196-281 (essai de justification à tout prix) ; cf. t. v, Rome, 1869, Appendix, H, c. I. — Mohler exagère, quand il dit qu’on ne saurait rien tirer du Hep ; àp/côv pour savoir la doc-