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ANGE D’APRÈS LES PÈRES

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Ruspe, Ad Tras., Il, 16, P. L., t. lxv, col. 264, prouvent la divinité de Jésus-Christ, parce qu’il connaissait le secret des cœurs. Saint Hilaire dit que la connaissance de la pensée humaine n’appartient qu’à Celui dont il est écrit qu’ « Il sonde les reins et les cœurs ». In Psal., cxxxix, 3, P. L., t. ix, col. 817. C’est l’avis de Cassien, Coll., vii, 13, P. L., t. xlix, col.683, et de Cyrille d’Alexandrie, In Joan., ii, i, 49, P. G., t. lxxiii, col. 224. Il en est de même pour la connaissance de l’avenir ; ce qui fait dire à Tertullien : Idoneum testimonium divinitatis veritas divinationis. Apol., 20, P. L., t. i, col. 391. Les anges ignorent l’avenir, écrit l’auteur des Dialogues attribués à saint Césaire, Dial., i, q. xliv, 44, P. G., t. xxxviii, col. 913 ; de même, Isidore de Péluse (ve siècle), Epist., i, P. G., t. lxxviii, col. 308.

Quant à la connaissance des vérités surnaturelles, des mystères, c’est aussi l’avis général des Pères que les anges ne la possèdent que par révélation. Mais quelques-uns ont prétendu qu’ils ne la doivent qu’à l’enseignement de l’Église, conformément au texte de ÏÉpitre aux EphésienSjiu, 10, Origène, In Luc, homil. xxiii, P. G., t. xiii, col. 1862 ; Grégoire de Nysse, In Cant. cant., homil. vin, P. G., t. xliv, col. 947 ; Jérôme, In Ephes., iii, 10, P. L., t. xxvi, col. 483. Saint Chrysostome est formel sur ce point : il y revient plusieurs (ois, In Joan., homil. i, 2, P. G, t.Lix, col. 26 ; homil. xv, 1-2, col. 48 ; 7n Ephes., homil. vii, 1, P. G., t. lxii, col. 50 ; In Tim., i, homil. xi, 1, P. G., t. lxii, col. 554. D’après lui, les anges n’ont connu l’incarnation qu’après sa réalisation, après nous et par nous. « Il y a, dit-il, une foule de desseins de la providence que les Vertus ignorent et qu’elles ont appris avec nous. » « Car, dit l’apôtre, la grâce m’a été donnée pour que les principautés et les puissances connaissent maintenant pour l’Église la sagesse si féconde en ressources de Dieu. » « M’entendez-vous ? C’est maintenant et non autrefois que ces intelligences ont connu ce mystère. C’est avec nous et par nous que les puissances d’en haut ont connu les secrets de notre roi. » Cont. anom., homil. iv, 2, P. G., t. xlviii, col. 729. Même interprétation dans ïhéodoret, In Ephes., iii, 10, P. G., t. lxxxii, col. 529.

Deux autres passages de l’Écriture, le dialogue Attollite portas… Quis est iste rex glorisef Ps. xxiii, et la question Quis est iste qui venit de Edom ! Is., lxiii, 1, ont été appliqués par les Pères à l’Ascension. A la vue de Jésus-Christ montant au ciel, les anges s’étonnent et demandent quel était ce personnage ; ils ne le connaissaient donc pas encore. Justin, Dial., 36, P. G., t. i, col. 533 ; Grégoire de Nysse, Orat. in Ascens., P. G., t. xlvi, col. 694 ; Ambroise, De fid., iv, P. L., t. xvi, col. 619 ; Jérôme, In Isai., 17, P. L., t. xxiv, col. 610 ; Cyrille de Jérusalem, Cat., xiv, 24, P. G., t. xxxiii, col. 858 ; Théodoret, In Psalm., xxiii, P. G., t. lxxx, col. 1033. Selon Chrysostome, les anges se sont réjouis de la réconciliation des hommes avec Dieu. Ils descendent, impatients de voir cet étrange spectacle, un homme entrant au ciel. Hom. in Ascens., 4, P. G., t. L, col. 449. Saint Cyrille de Jérusalem dit que les anges voient Dieu, non tel qu’il est en lui-même, mais autant que cela dépend de leur intelligence, et chacun proportionnellement à sa capacité, capacité qui augmente à mesure que l’ordre, auquel ils appartiennent, est élevé dans la hiérarchie. Ils ne connaissent pas la génération éternelle du Verbe. « Qu’on interroge, dit-il, les anges du premier ciel ; ils répondront : interrogez ceux qui sont au-dessus de nous ; et l’on pourrait ainsi interroger, si c’était possible, les trônes, les dominations, les principautés et les puissances, personne ne répondra. » Cat., vi, 6, P. G., t. xxxiii, col. 546 ; Cal., vii, 11, col. 618. Petau observe justement que ce langage des Pères doit s’entendre, non des mystères en eux-mêmes, mais des circonstances de temps et de lieu qui ont entouré leur manifestation dans l’histoire de l’Église.

Encore ici, Augustin est le seul à avoir tranché ces questions relativesà l’objet de la connaissance angélique ; et il l’a fait conformément à la théorie platonicienne. D’abord il convient, dans un endroit, que Dieu seul voit la pensée intime de l’homme, Serm., ccxliii, 5, P. L., t. xxxviii, col. 1145 ; mais, ailleurs, il affirme que les anges connaissent, malgré nous, nos pensées secrètes. De Gen. ad lit., xii, 22, 48, P. L., t. xxxiv, col. 473. Ensuite il estime que le démon, grâce à l’expérience de certains signes cachés à nos regards, peut lire plus loin que nous dans l’avenir, sauf à se tromper souvent, tandis que les anges ne se trompent jamais. Car ceux-ci lisent dans les lois éternelles et immuables de Dieu les révolutions des temps et connaissent par la participation de l’Esprit divin cette infaillible volonté, où la certitude est aussi absolue que la puissance. De civ. Dei, ix, 22, P. L., t. xli, col. 274. Enfin, par le seul fait qu’il accorde à l’ange, dès sa création, la vue de la lumière créatrice et la connaissance, dans cette lumière, de tout ce qui est, il semble admettre dans l’ange la connaissance des vérités de l’ordre surnaturel. « Ce n’est pas une parole sonore qui enseigne Dieu aux saints anges, mais la présence même de l’immuable vérité, le Verbe. Le Verbe lui-même, et le Père, et leur Saint-Esprit, et l’unité inséparable de la Trinité, et la singularité des personnes dans l’unité de substance, un seul Dieu et non trois dieux : toutes ces vérités leur sont mieux connues que nous-même à nous-même. » De civ. Dei, xi, 29, P. L., t. xli, col. 343. Nec illud eos laluit mysterium regni cselorum, quod opportuno tempore revelalum est pro salute noslra, quod ex hac peregrinalione liberati eorum cœtui conjtmgamur. De Gen. ad lit., v, 19, P. L., t. xxxiv, col. 334. Donc, d’après Augustin, et contrairement à Chrysostome, les anges n’ont pas appris avec nous et par nous certains mystères, tels que celui de l’incarnation, mais ils les connaissaient d’avance, tout comme celui de la trinité et de la rédemption.

Le Pseudo-Denys pense, sur ces questions, à peu près comme Augustin, et, vraisemblablement, sous la même influence platonicienne. Pour lui, l’intelligence des esprits célestes est en raison directe de leur élévation dans la hiérarchie, de leur rapprochement avec Dieu, source de lumière, de leur participation à la vie de Dieu. Elle connaît les choses sensibles, mais d’une manière purement spirituelle. Et comme c’est par les anges que Dieu a communiqué aux hommes sa loi, ses ordres, la révélation de l’avenir et des mystères, De cœl. hier., iv, 2, P. G., t. iii, col. 180, en particulier de celui de l’incarnation, ibid., iv, 4, col. 181, les anges ont donc connu toutes ces vérités avant l’homme.

Saint Grégoire le Grand, moins habitué aux questions d’ordre métaphysique, n’aborde pas toutes les faces de ce problème de la connaissance angélique. Néanmoins, il tient pour certain que les anges, quoique envoyés en mission, ne perdent pas le privilège de la vision béatifique, In Evang., homil. xxxiv, 13, P. L., t. lxxvi, col. 1225, et quand il écrit : Quid est quod ibi nesciant, ubi scientem omnia sciunt, Dial., iv, 33, P. L., t. Lxxvir, col. 375, on est en droit de conclure qu’il leur accorde une connaissance anticipée des mystères de l’incarnation et de la rédemption.

III. volonté et liberté des anges.

Créatures intelligentes, les anges ont eu nécessairement en partage le libre arbitre ; mais leur liberté a été soumise à une épreuve : les uns y ont succombé, les autres en ont triomphé. Mais l’épreuve subie, les anges fidèles ont gardé leur liberté, apanage de leur nature. Et alors, la question qui se pose est celle-ci : sortis victorieux de l’épreuve, les anges sont-ils désormais fixés dans le bien, confirmés en grâce, récompensés par la gloire, c’est-à-dire incapables de déchoir ? Ou bien peuvent-ils encore mésuser de leur liberté ?

Les Pères admettent que les anges ont été créés saints