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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/640

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ANGE D’APRÈS LES PÈRES — DANS L’ÉGLISE LATINE

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idolâtrie dissimulée, oublie Notre-Seigncur Jésus-Christ, Fils de Dieu, et passe à l’idolâtrie. "On bptaxsi-im tôv K’jptov ^[Lùiv’IrjTO’jv XpiTtôv, tôv utôv toû 8eoû, xaù eîSjoXoXaTpia 7tpo<ir|>, 8ev. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 1017-1018.

D’après M. Turmel, « Théodoret ne cache pas l’antipathie qu’il éprouve pour ces pratiques, et saint Augustin qui, pourtant, considère les anges comme confirmés en grâce, repousse avec horreur la pensée de leur élever des temples. » Qu’en est-il et de cette antipathie et de cette horreur ? Théodoret fait allusion au canon de Laodicée ; il avoue que, de son temps, on trouvait encore dans plusieurs endroits de la Phrygie et de la Pisidie des églises dédiées à saint Michel. In Col., ii, 18, P. G., t. lxxxii, col. 613. Mais plus bas, dans le même commentaire, In Col., iii, 17, col. 620, sur ce conseil de l’apôtre : « Tout ce que vous faites en paroles ou en actes, faites-le au nom de Notre-Seigneur, » Théodoret remarque que Paul a parlé ainsi parce que les juifs pratiquaient l’adoration des anges. Or c’est par le Christ et non par les anges, qu’il faut offrir à Dieu le Père l’action de grâces, et c’est parce que le culte des anges était idolâtrique et voilait le Christ que le synode, pour remédier à une maladie aussi invétérée dans ces cantons de la Phrygie, a défendu d’adorer les anges et d’abandonner Notre-Seigneur Jésus-Christ. Théodoret en est donc au même point que le synode de Laodicée. Ailleurs, à une attaque contre l’idolâtrie, surtout contre celle qui consiste à rendre un culte aux démons, il suppose cette objection : « Mais vous en rendez bien un à ceux que vous appelez anges, archanges, etc. » Que répond-il ? Nie-t-il le fait d’un culte rendu aux anges ? C’était le cas ; mais non : il se contente de constater qu’on ne leur rend pas un culte divin, qu’on ne partage pas entre eux et Dieu l’adoration divine, ôsîav npoTx-jvrjtfiv, c’est-â-dire qu’on ne traite pas les anges comme les païens traitent les démons, d’une manière idolâtrique. Grsec. affect. cur., iii, P. G., t. lxxxiii, col. 889.

Reste saint Augustin. Celui-ci repousse l’idée d’élever des temples aux anges : rien de plus vrai. Coll. cum Maxim., 14, P. L., t. xlii, col. 722. Mais il est bon d’en savoir le motif : Quoniam creaturse exhiberemus eam servitutem quæ uni tantum debetur Deo. C’est un motif d’ordre théologique, qui se comprend du reste. Le culte dû à Dieu c’est, remarque-t-il, le culte exprimé par le mot grec Xarpeia, par le mot latin servitus ; il comprend surtout l’oblation du sacrifice. Celui-ci est réservé, c’est clair ; mais encore une fois, exclut-il tout autre culte envers les anges ? Non. Car saint Augustin admet envers eux un culte d’honneur et d’amour. Honoramus eos (les anges) charitate, non servitute. De ver. relig., 110, P. L., t. xxxiv, col. 170. Et si Dieu défend de leur offrir des sacrifices, cela n’empêche pas qu’ils aient notre vénération et notre amour. De civ. Dei, xix, 23, 4, P. L., t. xli, col. 65’t. Du reste, voici ce que répond saint Augustin à Faustus, qui accusait les chrétiens d’idolâtrie, sous prétexte qu’ils honoraient la mémoire des martyrs : « Oui, nous honorons la mémoire des martyrs pour nous associer à leurs mérites et nous faire aider de leurs prières… Nous les honorons d’un culte de dilection et de fraternité… Quant au culte, que les Grecs appellent Àa-peia et les Latins servitus, culte exclusivement réservé à Dieu, nous le leur refusons. » L’oblation du sacrifice appartient à ce culte de latrie. Et ici, associant les anges aux martyrs, comme il aurait pu le faire dès le début au sujet du culte d’honneur, il ajoute : Nullo modo taie aliquid offerimus, aut offerendum prsecipimus, vel cuiquam martyri, vel cuiquam angelo. Cont. Faitsl., xx, 21, P. L., t. xlii, col. 384, 385.

Ainsi donc nous trouvons dans les Pères une défense formelle concernant le culte des anges, c’est la défense de leur rendre le culte qui n’est dû qu’à Dieu, le culte de latrie. Mais nulle part nous ne trouvons la condamnation générale et absolue de tout culte rendu aux anges. Au contraire, les Pères, en parlant du rôle des anges en notre faveur, de l’excellence de leur nature, posent les principes qui légitiment le culte envers les anges ; c’est ce que nous appelons aujourd’hui culte de dulie. Qu’importe qu’ils ne l’aient pas appelé ainsi ; il suffit de constater qu’ils l’ont implicitement reconnu, quand ils n’en ont pas formellement parlé. Loin de le blâmer, et surtout de l’interdire, ils l’ont même pratiqué, ainsi que nous l’avons vu pour Origène et saint Ambroise. Qu’après cela la piété populaire, par besoin d’intercesseurs, ait été parfois expansive jusqu’à l’indiscrétion, il appartenait aux Pères de l’empêcher de s’égarer dans des pratiques idolâtriques, .de l’éclairer et de maintenir dans son intégrité intangible, sans confusion possible, le culte de latrie dû à Dieu seul ; et c’est ce qu’ils ont fait. Au terme de cette enquête sur la pensée des Pères, pendant les cinq premiers siècles, concernant l’angélologie, il est facile de se rendre compte sur quels problèmes s’est plus particulièrement portée leur attention, de quelle manière ils ont essayé de les résoudre, quels sont les résultats acquis. La nature angélique, le rôle, la hiérarchie, le culte des anges, ont été étudiés ; mais tout n’a pas été définitivement tranché. On devra revenir sur tous ces problèmes pour approfondir davantage les uns, pour mieux préciser les autres ; de plus on en abordera de nouveaux, on discutera librement, on tentera de lier le tout dans un ensemble organisé : ce sera la tâche de la théologie au moyen âge, sous le contrôle et en attendant, s’il y a lieu, les décisions de l’Église.

Petau, De angelis, dans Migne, Cursus complétas theologise, t. vii, p. 601 sq. ; D. Calmet, Dissertation sur les bons et les mauvais anges, avant le commentaire sur saint Luc ; Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2e édit., 1886, article Engel ; Oswald, Angelologie, 2e édit., Paderborn, 1889 ; J. Turmel, Histoire de l’angélologie, dans tievue d’histoire et de littérature religieuses, t. iii, 1898 ; t. iv, 1899 ; G. Bareille, Le culte des anges à l’époque des Pères de l’Église, dans la Revue thomiste, mars 1900.

G. Bareille.

III. ANGELOLOGIE dans l’Église latine depuis le temps des Pères jusqu’à saint Thomas d’Aquin.


I. Du viie au xiie siècle.
II. XIIe siècle.
III. XIIIe siècle jusqu’à saint Thomas d’Aquin.

Du viie au xiiie siècle, l’angélologie fut impuissante à se systématiser. Elle avait fait peu de progrès au temps des Pères, parce qu’elle ne se liait pas assez étroitement aux dogmes qui attirèrent surtout leur attention, ceux de la trinité et de l’incarnation. Elle n’en fit point davantage du viie au xiiie siècle ; car elle se rattachait moins encore aux matières qui s’élucidèrent pendant cette période, spécialement à celle des sacrements. Les opinions du Pseudo-Denys sur la hiérarchie angélique et ses rapports avec Dieu et le monde, adoptées déjà par saint Grégoire le Grand et par saint Jean Damascène, furent acceptées sans discussion. Sur les autres points, on oscilla entre les renseignements divers fournis par les Pères, surtout par saint Augustin.

I. Du viie au xiie siècle. —

Les auteurs parlent des anges très sommairement et en reproduisant des textes antérieurs. Au vile siècle, saint Isidore de Séville leur consacre deux pages où il se borne à peu près à l’explication des noms qui leur sont donnés par l’Écriture. Etymologiarum, l. VII, c. v, P. L., t. lxxxii, col. 272274. Au ixe, Raban Maur transcrit ces pages de saint Isidore, dans son traité De universo, l. I, c. v, P. L., t. exi, col. 28-32, en y ajoutant quelques gloses d’un caractère moral. Voilà ce que les cinq siècles qui suivirent la mort de saint Grégoire le Grand nous ont laissé de plus considérable sur les esprits célestes.

II. xiie siècle. —

1. Auteurs qui traitent des anges.— La curiosité théologique s’éveille au XIIe siècle. Honorius d’Autun consacre aux anges et aux démons quatre chapitres de son Elucidarium, l. I, c. vi-x, P.L.,