Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/644

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1*229

ANGE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES

1230

Scot que de saint Thomas : l’objet de l’intelligence, c’est l’universel ; mais il faut considérer comme universel ce qui peut être représenté par une image commune, comme les images fabriquées par le sens commun. De angelis, l. II, c. xiv, n. 10, 11 ; c. xvi, n. 8. Ainsi, suivant saint Thomas d’Aquin, l’intelligence n’a pour objet direct que l’universel ; elle n’a pas pour objet direct le général, le particulier ou le singulier ; suivant Suarez, elle a pour objet direct l’universel et le général, non le singulier ; suivant Duns Scot elle a pour objet direct non seulement l’universel et le général, mais encore le singulier. Vacant, Etudes comparées sur la philosophie de saint Thomas d’Aquin et sur celle de Duns Scot, Paris, 1891, p. 107-163.

2. Part du sujet et de l’objet dans la connaissance.

— Une autre divergence à signaler entre la psychologie du docteur angélique et celle du docteur subtil, c’est la part différente qu’ils attribuent à l’intelligence et à l’objet connu dans l’acte de connaissance. Duns Scot explique cet acte par l’activité de l’intelligence qui, pour produire la connaissance, se servirait de l’espèce intelligible ou de l’image de l’objet connu, comme d’un instrument. Saint Thomas ne conteste pas que la connaissance soit produite par l’intelligence à l’aide de l’espèce intelligible ; mais sa théorie est moins subjectiviste ; il explique la connaissance par l’objet qui (par lui-même ou au moyen des espèces intelligibles) se présente à l’intelligence, et la transforme en se faisant objet de son acte. Saint Thomas attribue à l’objet le rôle de forme, et à l’intelligence celui d’une matière qui s’assimile à l’objet ; il justifie de cette manière l’objectivité et la vérité de la connaissance. Scot envisage moins les éléments constitutifs de l’acte (causes matérielles et formelles) que ses causes efficientes ; il est ainsi amené à faire de l’intelligence la cause principale, et de l’espèce intelligible la cause instrumentale de cet acte. Vacant, op. cit., p. 88-107.

Suarez reconnaît la fausseté des accusations portées par Scot contre la théorie de saint Thomas, De anima, l. III, c. iv, n. 4 ; mais il ne semble pas avoir bien remarqué ce que la théorie thomiste offre d’original et de profond. De anima, l. III, IV.

3. Part du sujet et de l’objet dans la volonté.

Il y a entre saint Thomas d’Aquin et Duns Scot une divergence analogue, mais plus profonde encore, relativement à la volonté que relativement à l’intelligence. Conduit par la même tendance objectiviste, que nous venons de remarquer, saint Thomas a construit sa théorie de la volonté, en tenant surtout compte de l’objet de cette faculté, qui est le bien connu par l’intelligence. Il admet en conséquence dans la volonté des actes nécessaires et des actes libres, suivant que l’objet est saisi par l’entendement comme un bien parfait ou comme un bien mélangé d’imperfection. Duns Scot, dirigé par sa tendance subjectiviste, porte au contraire son attention non point sur l’objet, mais sur l’acte même de volonté. Il pense que la liberté qui s’affirme dans cet acte est essentielle à tous les actes de volonté, et par conséquent que tous les actes de volonté sont libres, quel que soit le bien qu’ils ont pour objet. Vacant, D’où vient que Duns Scot ne conçoit point la volonté comme saint Thomas d’Aquin, dans le Compte rendu du quatrième congrès scientifique international des catholiques, iw section, p. 631 sq., Fribourg en Suisse, 1898, et dans la Revue du clergé français, 150ct. 1897, p. 289. Suarez prend ici encore une [position intermédiaire entre les deux docteurs du xiiie siècle. Il admet la théorie de saint Thomas d’Aquin que nous venons de rappeler. Mais, comme il n’a adopté les conclusions du docteur angélique ni sur l’universalité de toutes les conceptions intellectuelles, ni sur l’impossibilité pour les anges de faire aucun raisonnement, il est amené à partager la plupart des opinions de Scot sur la volonté des anges.

II. piuscipe MÊiAPUisiQUB.

Les seolast.qujs’admettaient, à la suite d’Aristote, que tous les êtres corporels sont composés d’un double principe, la matière et la forme. Saint Thomas pense que la matière est absolument indéterminée par elle-même, qu’elle ne saurait recevoir de déterminations sinon de la forme, qu’elle ne saurait par conséquent posséder aucune essence, ni exister sans la forme. Attribuant à la forme tout ce qui’donne aux êtres leur nature et leur essence, il cherche dans la matière étendue le principe d’individuation qui fait que les individus se distinguent les uns des autres, tout en possédant une essence commune. En ell’et, puisque tout ce qui leur est commun vient de leur forme commune, il faut que leur individualité vienne de la Matière qui leur est parliculière. Sum. theol., I*, q. III, a. 3, ad 3um ; q. l, a. 4 ; III », q. lxxvii, a. 2 ; IV Sent., l. IV, dist. XII, q. i ; Opusc. De ente et essentia. Duns Scot estime au contraire que la matière possède d’elle-même des caractères essentiels, qu’elle peut exister sans la forme. De rerum principio, q. vii, a. 2, n. 28. Ce n’est donc pas à la matière qu’il demande le principe d’individuation des êtres corporels, mais à un je ne sais quoi appelé plus tard l’heccéité, qui s’ajoute à l’essence du composé de matière et de forme et fait qu’il est tel individu. Suarez pense que l’individualité d’un être lui vient de tous ses éléments substantiels ensemble, par conséquent de son essence et de sa forme, aussi bien que de sa matière. A son avis, une substance individuelle n’a besoin d’autre principe d’individuation que son entité même et les principes intrinsèques qui constituent cette entité. Metaphysica, disp. V, sect. VI.

II. Nature des anges. Leurs rapports avec les corps et l’espace. — Les anges sont des intelligences qui ne sont pas destinées à être unies à des corps. Ils diffèrent par là des âmes humaines, qui sont la forme d’un corps. Saint Thomas d’Aquin et les scolastiques qui viennent après lui sont d’accord à le soutenir. Mais nous avons vu qu’ils se font des notions différentes de l’intelligence en général, et de l’intelligence humaine en particulier. Il en résulte qu’ils se font aussi des conceptions différentes des intelligences angéliques.

I. saint thomas d’aquin. — 1. Nature des anges. — Mettant une différence profonde entre l’objet de l’intelligence humaine (qui est l’essence des choses matérielles) et l’objet de l’intelligence angélique (qui est l’essence des choses et l’universel), il devait admettre que la nature de l’ange est absolument différente de la nature de l’homme. Refusant en outre à l’intelligence, soit humaine soit angélique, d’autre objet direct que l’universel, il devait aussi envisager les anges comme étant sans aucun mélange de matière ; car la matière est le principe du singulier et du contingent. Il établit donc non seulement que les anges sont incorporels, Sum. theol., I », q. l, a. 1 ; mais encore qu’ils ne sont pas composés de forme et de matière. Ils sont, selon lui, des formes subsistantes, attendu que la substance est conforme à ses opérations, et que les opérations angéliques sont absolument immatérielles, comme il ressort de leur objet. Impossibile est quod substantia intellectualis habeat qualemcumque maieriam. Operalio enini cujuslibet rei est secundum modum substantise ejus. Intelligere autem est operatio penilus immaterialis, quod ex ejus objecto apparet. Ibid., a. 2. — Du moment que les anges ne sont pas composés de matière et de forme, il faut encore, suivant le saint docteur, que chacun d’eux soit une forme différente des autres, qu’il ait par conséquent son essence à part et qu’il y ait autant d’espèces angéliques qu’il y a d’individus. Ils ne peuvent en effet être plusieurs dans une même espèce, puisqu’ils n’ont pas de matière ni de quantité, et que le principe d’individuation dans une même espèce est, suivant lui, la matière étendue. Ibid., a. 3. — L’Ange de l’école tire encore une autre conclusion de l’absolue immatérialité des anges, c’est qu’ils sont incorruptibles ou immortels par nature ; car si un