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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/645

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ANGE D’APRES LES SCOLASTIQUES
composé de forme et de matière perd son être par la

séparation de ces deux principes, il n’en est pas de même d’une forme subsistante qui garde naturellement son être. Nous avons du reste une autre preuve de l’incorruptibilité naturelle de l’ange, dans son opération qui est intellectuelle et dont l’objet est au-dessus du temps. Ibid., a. 5.

2. Rapport des anges avec les corps et l’espace. — Ces principes mènent saint Thomas d’Aquin à d’autres conséquences sur les rapports de l’ange avec les corps et avec l’espace. L’ange étant une substance intellectuelle, et n’ayant pas l’imperfection de l’âme humaine, n’est pas uni naturellement à un corps. Cependant il peut prendre un corps étranger, par lequel il agit, dans lequel il ne vit pas, mais qu’il meut de façon que ce corps le représente. I a, q. li. — L’ange ne saurait être dans un lieu à la manière des corps, puisqu’il n’a pas d’étendue ni de dimensions. Il est cependant dans un lieu par l’application qu’il fait de sa puissance à ce lieu. Comme d’ailleurs la puissance angélique est finie, l’ange ne saurait l’appliquer à tous les lieux, ni être en plusieurs lieux en même temps. Plusieurs anges ne sauraient non plus occuper le même lieu, parce que le même résultat ne peut être produit immédiatement par deux causes qui suffisent chacune à le produire. Ibid., q. lu. L’ange se meut d’un lieu dans un autre en y appliquant successivement sa vertu, sans avoir besoin pour cela de passer, comme les corps, par les lieux intermédiaires. Ibid., q. lui.

II. duns SCOT.

I. Nature des anges. — Le docteur subtil, regardant l’être comme l’objet de l’intelligence humaine aussi bien que de l’intelligence angélique, ne veut pas qu’il y ait de différence spécifique entre l’intelligence angélique et l’intelligence humaine, non plus qu’entre la volonté de l’ange et la volonté de l’homme. Cavelle, Supplementum ad quæstiones Scoti de anima, c. iii, sect. viii, dans Scoti opéra, Paris, 1892, t. iii, p. 763. Il ne pouvait donc voir une différence profonde entre l’ange et l’âme. Il admet cependantque c’est une différence spécifique. Mais il établit cette différence par une raison de convenance fort contestable : plus une créature est élevée, plus elle doit, dit-il, se diviser en des degrés multiples ; or pour qu’il y ait plus de degrés dans le monde intellectuel que dans le monde matériel, il faut que l’ange soit spécifiquement distinct de l’âme de l’homme. IV Sent., . ll, dist.l, q.n, n.l. Il dit encore que cette distinction vient de ce que l’ange constitue une nature par lui-même, tandis que l’âme est seulement une partie de nature puisque la nature humaine est composée de corps et d’âme. L’ange et l’âme de l’homme se distinguent donc comme une espèce et une partie d’espèce. Cependant c’est dans l’âme qu’est la raison qui fait distinguer de l’ange la nature dont l’âme est une partie. IV Sent., ]. II, dist.I, q. v, n. 1. La distinction, on le voit, est affirmée mais non expliquée. Duns Scot admet, d’ailleurs, contrairement à saint Thomas, que l’ange est composé de forme et d’une matière de même essence que celle des corps. De anima, q. xv ; De rerum principio, q. vii, vin. Cependant les anges sont spirituels, parce que la matière qui entre dans leur composition n’est pas corporelle et qu’elle est comme absorbée par l’activité de leur forme. De rerum principio, q. vii, n. 27. Voir plus hautl’article Ame. Sa spiritualité. Démonstration théologique, col. 1028.

Le docteur subtil croit qu’il peut y avoir plusieurs anges dans la même espèce, puisque toute espèce est communicableà plusieurs individus, et qu’autrement elle ne serait pas universelle. 1 V Sent., I. ii, dist. III, q. vu. C’est la conséquence de la théorie sur le principe d’individuation que nous lui avons vu soulenir plus haut et c’est un des points sur lesquels les controverses oui (’lé’des plus vives entre l’école sçotiste et l’école thomiste.

2. Rapports des anges avec les corps et l’espace. —

Duns Scot admet, comme saint Thomas, que l’ange peut prendre un corps étranger et le mettre en mouvement, mais qu’il ne saurait vivre de la vie de ce corps. Report, paris., l. II, dist. VIII. L’ange peut être en dehors detoutlieu ; maisil peutaussi êtredansunt ieu. lVSent., ].II, dist.II, q.n, n.ll. Il ne saurait être en tout lieu, comme Dieu ; mais nous ne savons si l’étendue qu’il peut occuper est déterminée, ibid., ni s’il peut naturellement être en deux lieux différents et distants, ibid., q. vu ; rien n’empêche d’ailleurs que plusieurs anges soient en un seul et même lieu. Ibid., q. viii. Du moment qu’ils occupent un lieu, ils peuvent se mouvoir de ce lieu en un autre. IV Sent., I. II, dist. II, q. ix-xil.

/// suarez. — 1. Nature des anges. — Suarez suit saint Thomas d’Aquin sur la question de l’absolue immatérialité des anges et de leur immortalité naturelle, De angelis, l. I, c. v, vi, vii, ix, x ; mais, conformément à sa théorie sur le principe d’individuation, il admet avec Scot que rien ne s’oppose à ce qu’il y ait plusieurs anges de la même espèce, c. xv.

2. Rapports des anges avec les corps.

Suarez développe le sentiment du docteur angélique sur les corps pris par les anges dans leurs apparilions, l. IV, c. xxxm-xxxix, et soutient que l’ange est dans le lieu non par une application de sa puissance, comme le disait saint Thomas, non par sa substance comme le voulaient les scotistes, mais par la présence de sa substance avec le corps qui occupe ce lieu. L. IV, c. vu. Il en déduit de nombreuses conclusions sur la localisation et le mouvement local des anges. L. IV, c. viii-xxxii.

III. Connaissance chez les anges.

I. Observations sur les diverses théories scolastiques. — Les anges sont des intelligences : ils n’ont point de corps, ni par conséquent de sens. Leur connaissance est donc intellectuelle. Les théologiens l’enseignent unanimement. lisse sont aussi appliqués à expliquer la connaissance intellectuelle chez les anges, par comparaison avec la connaissance intellectuelle chez l’homme. Comme on devait s’y attendre après ce que nous avons dit au début de cet article, deux caractères distinguent les théories de saint Thomas de celles de Duns Scot. — 1° Saint Thomas accorde une plus grande part à l’objet, tandis que Duns Scot accorde une plus grande part au sujet dans la connaissance angélique, aussi bien que dans la connaissance humaine ; 2° saint Thomas ayant attribué à l’intelligence humaine un objet (l’essence des choses matérielles) qui ne peut être l’objet propre d’esprits sans corps comme les anges, est amené par le fait â établir une différence profonde entre l’intelligence de l’ange et celle de l’homme. Duns Seot pensant au contraire que toutes les intelligences soit humaines, soit angéliques, ont le même objet, c’est-à-dire l’être, considère au contraire l’intelligence humaine et l’intelligence angélique comme très semblables l’une à l’autre. Nous allons voir les conséquences de ces tendances diverses dans les théories de nos docteurs.

2. Saint Thomas d’Aquin.

Il établit une différence absolue entre l’intelligence humaine dont l’objet propre est l’essence des choses matérielles, et l’intelligence angélique dont l’objet propre est l’immatériel. Il résulte, en effet, de cette différence d’objet une différence de constitution. L’homme, suivant la doctrine scolastique, a besoin de deux intelligences : une intelligence passive pour comprendre, et une intelligence active pour immatérialiser et rendre intelligible l’objet matériel qui lui est apporté par les sens. Mais, dit saint Thomas, l’ange n’a pas besoin d’intelligence active, puisque l’objet de sa connaissance n’est pas emprunté au monde sensible, et qu’il est immatériel. Sum. theol., I a, q. liv, a. 4 ; Cont. gent., l. I, c. xcv. Il n’a donc point une double intelligence, comme l’homme. Mais si l’ange ne peut tirer du monde sensible les espèces ou images intelligibles à l’aide desquelles il connaît, d’où lui viennent-elles ? Elles lui viennent de Dieu, répond le docteur angélique. Dieu