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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/647

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ANGE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES

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festent que comme possibles, e. xi, — ni les actes libres, c. xxi, ou les pensées intérieures, c. xxv, d’un autre ange, sans le consentement ou la manifestation de ce dernier, c. xxi ; car Dieu n’a pas mis dans l’ange au moment de sa création des espèces répondant à ces actes libres, c. xxiii, n. 17 ; c. xxiv (qu’on remarque cette raison qui obligera Suarez à adopter une théorie particulière sur la locution des anges ; voir plus loin, § vi). La connaissance naturelle de l’ange ne saurait atteindre ce qui est surnaturel quoad substantiam, comme la présence de Jésus-Christ dans l’eucharistie, c. xxix, mais elle s’étend jusqu’aux faits naturels quoad substantiam, et surnaturels quoad modum, comme les miracles, c. xxx. Il est capable d’analyser, de synthétiser, c. xxxii, et de faire des raisonnements, c. xxiii ; il peut tomber dans l’erreur, c. xxxix, non pas, il est vrai, pour les vérités évidentes, mais pour celles qui sont conjecturales pour lui ou surnaturelles. Lorsqu’il porte toute son attention sur une de ses idées innées, il ne saurait en considérer d’autres, parce qu’elle épuise toute sa puissance de connaître ; cependant son attention peut embrasser en même temps plusieurs de ces idées, s’il ne les envisage point dans toute leur étendue, c. xxxvii.

IV. Volonté des anges.

Les doctrines de saint Thomas d’Aquin et de Duns Scot sur la volonté humaine ont naturellement inspiré leurs enseignements sur la volonté angélique. Pour Suarez, nous avons déjà remarqué que, tout en préférant les vues de saint Thomas d’Aquin à celles de Duns Scot sur la volonté humaine, il est néanmoins amené à suivre les opinions de ce dernier sur la volonté angélique, en raison de la divergence que nous avons constatée au sujet de la connaissance des anges, entre lui et saint Thomas d’Aquin.

1. Saint Thomas d’Aquin.

Les anges ont une inclination vers le bien universel connu par leur intelligence, c’est-à-dire une volonté. Cette volonté est libre ; elle ne se distingue point, comme l’appétit sensitif, en irascible et concupiscible, parce que son objet n’est point le bien particulier, mais uniquement le bien universel. Sum. theol., I a, q. xx. Bien que l’ange connaisse par le même acte d’intelligence la fin et les moyens qui y mènent, attendu qu’il ne raisonne point, cependant sa volonté est capable d’une dilection naturelle qui le porte vers la fin, et d’une dilection élective dont la dilection naturelle est le principe. Ibid., q. lx, a. 1, 2. L’ange s’aime lui-même d’une dilection naturelle, parce qu’il se veut du bien, et d’une dilection élective par rapport au bien qu’il se veut. Ibid., a. 3. La dilection naturelle de l’ange le porte aussi à aimer Dieu plus que lui-même. Ibid., a. 5. Aussi les anges bienheureux qui possèdent la vision intuitive de Dieu, l’aiment-ils nécessairement, et sont-ils incapables de pécher. Ibid., q. lxii, a. 8. Cependant les mauvais anges qui ne voient pas l’essence divine haïssent Dieu, parce qu’ils le connaissent par des attributs qui contrarient leur volonté. Ibid., q. lx, a. 5, ad 5um. Ils ont pu aussi pécher par un libre choix. Ibid., q. lxiii, a. 1. En raison de sa dilection naturelle pour Dieu, l’ange ne pouvait se détourner de lui comme principe de l’ordre naturel, mais il pouvait se détourner de lui, comme objet de la béatitude surnaturelle, et ainsi tomber dans le péché. Ibid., a. i, ad 3um ; De malo, q. xvi, a. 5. Saint Thomas semble donc admetttre que l’ange ne pouvait pécher contre la loi naturelle, mais seulement contre une loi surnaturelle. Il ajoute qu’il n’a pu pécher par amour d’un mal, puisqu’il n’avait point de passion et que sa volonté était ordonnée au bien. Mais il a pu pécher en recherchant son propre bien, en dehors de l’ordre voulu par Dieu qui est la règle du bien. Ibid., ad i um. Les anges n’ont pu pécher véniellement. En effet, du moment qu’ils ne raisonnent pas et qu’ils voient les conclusions dans les principes, ils ne sauraient se porter vers les moyens qui se rapportent à la fin, sinon en les considérant dans cette lin.

Il ne saurait donc y avoir en eux de désordre qui ne soit contre leur fin. Or tout désordre contre la fin est un péché mortel. Leurs fautes ne sauraient donc être vénielles. I a II 16, q. lxxxix, a. 4. La nature de la volonté angélique fait aussi qu’un seul acte bon ou mauvais la fixe à jamais dans le bien ou dans le mal. La volonté de l’ange est en effet comme son intelligence. Elle s’attache à la fin qu’elle a une fois choisie avec une pleine connaissance, sans subir l’inlluence d’aucune passion, comme l’intelligence s’attache aux premiers principes. La détermination de la volonté angélique pour la fin que Dieu lui propose, ou pour une autre fin, c’est-à-dire pour le bien ou pour le mal, est donc libre en elle-même ; mais aussitôt qu’elle a été prise, elle devient irrévocable ; il en est ainsi même par rapport à la fin surnaturelle, car les conditions où la volonté angélique se détermine sont les mêmes dans l’ordre surnaturel, que dans l’ordre naturel : Dieu ne les change point par ses dons surnaturels. Il en résulte que les bons anges sont à jamais fixés dans la béatitude (la vision de Dieu leur assurerait d’ailleurs sans cela l’impeccabilité, Sum. theol., I a, q. lxii, a. 8), comme les mauvais anges sont à jamais fixés dans la réprobation. Les uns et les autres restent cependant libres dans le choix des moyens qui se rapportent à leur fin bonne ou mauvaise. De malo, q. xvi, a. 5,’Sum. theol., I a, q. lxii, a. 8 ; q. lxiii, a. 2.

2. Duns Scot.

La volonté est un appetitus dirigé par l’intelligence ; mais comme l’intelligence n’a pas seulement pour objet l’universel, mais encore le singulier et tout ce qui tombe sous les sens, la volonté est concupiscibleet irascibleaussibienque l’apétitsensitif. / V Sent., l. III, dist. XXXV. Scotadmetaussique, comme la volonté humaine, la volonté angélique est toujours libre ; il y a sans doute dans la volonté une inclination naturelle vers l’objet intelligible le plus parfait ; mais à cette inclination est indissolublement annexé le libre arbitre, qui a pour règle la justice à laquelle il doit se conformer. La règle du juste pour la volonté n’est donc pas son inclination naturelle. Le rôle de la liberté est de gouverner cette inclination naturelle : ce qu’elle peut toujours faire, au moins sur certains points, en permettant ou non les actes demandés par cette inclination, et en modérant l’intensité de ces actes. / V Sent., l. II, dist. VI, q. ii, n. 8, 9, 10 ; Reporlata, l. II, dist. VI, q. il, n. 9sq. La volonté est donc toujours libre ; elle se porte vers des objets que lui présente l’intelligence ; mais elle peut errer dans son choix, sans que l’intelligence l’ait trompée ; car elle peut vouloir un bien et ne pas vouloir la cause de ce bien, IV Sent., l. II, dist. VI, q. i, n. 7 ; elle peut se complaire dans le désir inefficace de voir réunir des objets dont l’intelligence juge l’assemblage impossible. Ibid., dist. VI, q. i, n. 6 ; Reportata, l. II, dist. VI, q. ii, n. 6. Cette théorie est, comme on le voit, à l’encontre de la doctrine de saint Thomas d’Aquin. Aussi Scot rejette-t-il toutes les conséquences tirées par ce dernier de sa doctrine. Il n’admet point qu’un seul acte de l’ange l’ait fixée nécessairement dans le bien ou dans le mal. Selon lui, les démons ont commis une série de fautes également libres et après chacune desquelles il leur était possible de se repentir. Ibid., dist. VI, q. il, n. 16 sq. En tombant dans la damnation, ils n’ont pas même perdu cette liberté qui est dans leur nature, ibid., dist. VII, q. unica, n. 4-6 ; ils gardent la puissance de vouloir ou de ne pas vouloir, ibid., n. 14-18 ; ils gardent même celle de faire des actes bons en eux-mêmes et dans leurs circonstances, quoique leur véhémente malice les empêche probablement d’en accomplir aucun. Ibid., n. 21 ; Reportata, l. II, dist. VII, q. il, n. 27 sq. Cependant ils ne peuvent se repentir, ni se convertir, parce que maintenant qu’ils sont dans l’état de liii, Dieu, d’après une loi qu’il s’est tracée, ne leur donne plus les grâces qui leur seraient nécessaires pourcette conversion. I’Sent., . II, dist. VII. Les bons anges gardent dans la béatitude une