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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/646

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ANGE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES

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a mis ces espèces intelligibles dans l’intelligence angélique au moment de sa création. Sum. theol., I », q. lv, a. 2. La perfection de l’intelligence venant de l’objet qu’elle est capable de saisir et cet objet étant l’universel, les images intelligibles données par Dieu aux anges sont d’autant plus universelles que l’ange est supérieur. Plus elles sont universelles, en effet, plus elles embrassent d’objets, et plus elles se rapprochent de la science de Dieu qui voit tous les objets dans sa seule essence, qui est absolument simple. Sum. theol., I a, q. lv, a. 3.

L’intelligence des anges qui jouissent de la béatitude céleste connaît de deux façons : d’une manière surnaturelle par une vision intuitive en Dieu (voir plus loin § 5), et d’une manière naturelle par les moyens de connaître qui leur appartiennent en raison de leur création. Nous ne nous occupons en ce moment que de leur connaissance naturelle. Voici ce que dit saint Thomas à son sujet. L’ange se connaît lui-même sans avoir besoin d’aucune espèce intelligible, mais en ayant pour objet sa propre substance, qui est immatérielle. Sum. theol., I a, q. lvi, a. 1. Il connaît les autres anges par les espèces intelligibles qui les représentent et que Dieu a mises en lui en le créant. Ibid., a. 2. Il connaît Dieu naturellement, non par une vision de l’essence divine, mais par l’image que lui présente de Dieu sa propre essence angélique. Ibid., a. 3. Il connaît l’essence des choses matérielles par ses espèces intelligibles innées, qui sont plus simples et plus immatérielles que cette essence. Sum. theol., I a, q. lvii, a. 1. Il’connaît aussi les êtres singuliers et particuliers, non point par le moyen des sens, comme l’homme, mais par ses espèces intelligibles innées, dans lesquelles son intelligence a la puissance de percevoir les individus en même temps que les natures universelles qui se réalisent dans ces individus. Ibid., a. 2. Mais l’ange ne possède naturellement la connaissance ni des futurs libres, ni des secrètes pensées des cœurs, ni des mystères de la grâce. Ibid., a. 3, 4, 5. L’ange possède donc depuis sa création toute sa science naturelle ; il ne saurait augmenter cette science qu’en ce qui regarde les objets surnaturels. Cependant, parmi les objets de sa science naturelle, il peut considérer ceux qu’il veut, Stim. theol., I a, q. lviii, a. 1, mais successivement ; car il ne lui est pas possible de considérer en même temps plusieurs idées, ibid., a. 2 ; cependant il embrasse simultanément, dans la même idée universelle, un nombre d’objets d’autant plus étendu que cette idée est plus universelle et, par conséquent, que son intelligence est plus puissante. Il saisit donc, d’un seul acte d’intelligence, les conclusions dans leurs principes et les propositions particulières dans les propositions universelles. C’est pourquoi il ne fait point, comme l’homme, de raisonnements ni d’analyses et de synthèses, bien qu’il comprenne les raisonnements et les analyses de l’homme. Aussi dit-on que les âmes humaines sont raisonnables, parce qu’elles raisonnent, tandis que les anges sont appelés des intelligences, parce qu’ils comprennent sans raisonnement. Ibid., a. 3, 4. De ce que les anges comprennent la vérité sans faire de raisonnement ni d’analyse, il suit qu’ils ne peuvent se tromper dans tout ce qui regarde l’ordre naturel. Mais les démons peuvent tomber dans l’erreur par rapport à l’ordre surnaturel. Ibid., a. 5.

3. Duns Scot.

Ainsi que nous l’avons remarqué, il ne fait pas une grande différence entre l’intelligence angélique et l’intelligence humaine. Il admet sans doute que les anges et les hommes sont d’espèce différente, IV Sent., l. II, dist. I, q. v ; que l’ange n’a pas de corps, ni de sens comme l’homme. Il admet encore, suivant les données de la tradition, que l’ange a reçu au moment de sa création des espèces intelligibles qui lui assurent une science naturelle supérieure à la nôtre, qu’il ne saurait connaître naturellement les futurs libres. Mais il combat à peu près toutes les autres assertions de saint

Thomas d’Aquin sur la connaissance angélique. Il raille l’étrangeté d’une intelligence qui serait incapable d’acquérir par elle-même aucune science. Suivant lui, l’ange a la faculté d’arriver à de nouvelles connaissances. Il possède pour cela une intelligence active (i~itellectus agens) aussi bien que l’homme. Rien ne l’empêche de tirer sa connaissance des objets qui sont en dehors de lui, même des corps et des êtres particuliers ou singuliers. / V Sent., l. II, dist. III, q. xi, n. 439. L’ange ne dépend point pour cela des corps ; mais lesprend pour objet de son intelligence. lVSent., l. II, dist. IX, q. il, n. 130. Lorsqu’il acquiert la connaissance d’un objetsingulier.ee n’est point par la connaissance de l’universel ; car le singulier renferme quclquechose qui n’est pointdansl’universel. IV Sent., I. II, dist. IX, q. il, n. 8-11. L’ange a de Dieu une connaissance abstractive, mise en lui au moment de sa création ; il ne saurait arriver à cette connaissance par la considération de sa nature angélique ni autrement. Ibid., dist. III, q. ix, n.5, 7. L’ange se connaît lui-même d’une façon intuitive au moyen de sa propre essence. Ibid., dist. III, q. x, n. 16. Mais cette connaissance de lui-même a pour cause non seulement cette essence qui en est l’objet, mais encore l’entendement qui en est le sujet. Ibid., dist. III, q. viii, n. 8. On reconnaît ici la théorie générale (voir plus haut, § 1) de Scot sur la part du sujet et de l’objet dans la connaissance. Conformément à cette théorie, il nie aussi que l’ange ait des idées d’autant plus universelles qu’il est plus parfait. Ce n’est pas, selon lui, l’universalité des idées, mais leur clarté qui fait la perfection de la connaissance. Ibid., dist. III, q. x, n.22. Cette perfection vient, en effet, de la manière dont l’intelligence saisit l’objet, aussi bien que de la nature de cet objet lui-même. Scot admet encore, à l’opposé de saint Thomas, que les anges font des raisonnements, ibid., dist. I, q. v, n. 3 ; qu’ils peuvent connaître soit les pensées secrètes et les actes libres qu’un autre ange voudrait leur cacher, ibid., dist. IX, q. il, n. 27 (bien que, en fait, le démon ne connaisse pas ce « secrètes pensées, 7 VSent., AV, dist. X, q. viii, ad3um ; parce que, disent les scotistes, Dieu lui refuse son concours pour cette connaissance, cf. Suarez, De angelis, l. II, c. xxiii, n. 4), soit les mystères de la grâce, après qu’ils sont accomplis. IV Sent., l. IV, dist. X, q. viii, concl. 2. La raison c’est que l’ange a une intelligence capable de connaître tout ce qui est être.

4. Suarez.

Il suit généralement les opinions de saint Thomas ; mais comme il n’adhère pas à tous les principes d’où ces opinions se déduisent, il se montre hésitant sur certaines d’entre elles et en abandonne même quelques-unes. Voici les particularités de son système. On reconnaîtra facilement les points où il est en désaccord avec le docteur angélique. L’ange n’a point d’intellect agent, De angelis, l. II, c. i, n. 15 ; il tire.ses connaissances soit des espèces universelles mises en lui par Dieu au moment de sa création, ibid., c. vii, viii, et qui probablement sont d’autant plus universelles que l’ange est plus élevé, ibid., c. xv, soit aussi d’espèces non universelles, mais particulières, que Dieu a mises aussi en lui, et qui lui font connaître les êtres égaux ou supérieurs à lui, soit même d’espèces acquises, qui représentent les actes libres des êtres créés, soit de révélations surnaturelles, c. xiv. L’ange se connaît lui-même par sa propre essence, sans avoir pour cela besoin d’aucune espèce, c. iv. Il connaît aussi Dieu par cette essence, en tant que Dieu en est le créateur ; mais c’est par d’autres moyens qu’il connaît Dieu dans les attributs qui n’ont pas de rapport avec sa création, c. xvii, xviii, xix. Les autres anges, c. v, et les objets matériels singuliers, c. vi, lui sont connus par les espèces reçues de Dieu au moment de sa création ; — mais non les futurs contingents, c. ix ; car aussi longtemps que ces futurs ne sont pas réalisés, les espèces innées, par lesquelles l’ange les connaîtra ensuite comme existants, ne les lui mani-