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ANTIOCHE (ÉCOLE THÉOLOGIQUE D’)

le concile œcuménique d’Éphèse (431), 42 évêques, soutenus par le comte Candidien, réunirent un conciliabule à Antioche sous la présidence de Jean d’Antioche favorable aux nestoriens. Un autre conciliabule fut tenu quelque temps après le concile d’Éphèse, dans lequel on renouvela la sentence d’excommunication contre Cyrille et ses partisans. Socrate, H. E., vii, 34, P. G., t. lvii, col. 816. En 432, un nouveau synode se tint à Antioche sous la présidence de Jean, auquel assistèrent les évêques Alexandre d’Hiérapolis, Acacius de Bérée, Macarius de Laodicée, André de Samosate et Théodoret de Cyr. Les membres de ce synode publièrent six propositions, mais ne voulurent pas reconnaître la déposition de Nestorius. Dans un autre synode, Jean se fit le défenseur de Théodore de Mopsueste. Mansi, t. v, col. 1182, 1183-1185. En 445 on tint un autre synode dans le Porticus du Secretarium sous la présidence de Domnus, archevêque d’Antioche et successeur de Jean, si compromis dans les controverses nestoriennes. 28 évêques y prirent part. On y déposa Athanase, évêque de Perrha, dans la province de l’Euphratensis, qui avait été accusé de différents crimes par ses propres clercs, et qui n’avait pas voulu comparaître devant son métropolitain Palnobius, archevêque d’Hiérapolis. Mansi, t. vi, col. 461 ; Hardouin, t. ii, col. 579. En 447 ou 448, nouveau synode sous la présidence de Domnus où l’on excommunie Samuel et Cyrus, deux des quatre clercs qui avaient accusé leur propre évêque Ibas, successeur de Rabulas sur le siège d’Édesse, de répandre partout les doctrines de Théodore de Mopsueste.

Pour trouver de nouveaux synodes, il faut arriver aux luttes monophysites. Un premier synode, le plus important, fut tenu en 508 ou 509. Flavien, archevêque d’Antioche, signa le fameux Hénoticon de l’empereur Zénon et réunit autour de lui, en un conciliabule, les évêques qui étaient sous sa juridiction. L’assemblée rendit un décret, maintenant perdu, par lequel elle reconnaissait solennellement les conciles de Nicée, de Constantinople et d’Éphèse, mais passait sous silence celui de Chalcédoine, prononça l’anathème contre Dioscore de Tarse et Théodore de Mopsueste, et émit quatre propositions qui combattaient, en opposition avec le concile de Chalcédoine, l’expression en deux natures. Mansi, t. viii, col. 347. Vers 512, les monophysites tinrent un conciliabule à Antioche sous la présidence de Xenajas, évêque d’Hiérapolis. Ce conciliabule choisit pour patriarche d’Antioche Sévère, qui partageait les erreurs du monophysisme. V. Ermoni.

VII. ANTIOCHE (École théologique d’). — I. Historique. II. Caractère général. III. Doctrines. IV. Jugement critique sur l’école d’Antioche.

La célèbre école qui eut son centre dans la ville d’Antioche, capitale de la Syrie, jeta un très vif éclat dans les iiie et ive siècles, et exerça une grande influence sur le mouvement théologique. Pourtant, ce n’est qu’improprement qu’elle porte le nom d’école. En effet, Antioche ne fut jamais le centre d’un enseignement régulier et suivi, d’une exposition savante des dogmes chrétiens ; elle n’eut jamais rien d’analogue au Didascalée d’Alexandrie, sa rivale. La capitale de la Syrie fut simplement le siège d’un Presbyterion savant. C’est donc à un autre point de vue qu’il faut parler de l’école d’Antioche. Il faut entendre par là un ensemble de doctrines et d’opinions qui prirent naissance dans cette ville et que différents docteurs se transmirent les uns aux autres dans la suite des temps. Pour être précis, il faudrait distinguer dans l’école d’Antioche la méthode et la théologie. Sous le rapport de la méthode elle eut beaucoup d’adeptes, car nombreux furent les écrivains ecclésiastiques qui s’inspirèrent de son esprit rigoureux et appliquèrent sa méthode dans leurs études. En se plaçant à ce point de vue on peut rattacher à l’école d’Antioche : Dorothée, Lucien et ses disciples, les lucianistes, Mari de Chalcédoine, Léonce d’Antioche, Eudoxe, Théognis de Nicée, Astérius, Arius et Eusèbe de Nicomédie, Eusèbe d’Émèse, Théodore d’Héraclée, Eustathius, Marcel d’Ancyre, Cyrille de Jérusalem, Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, Polychronius, Théodoret de Cyr, Nestorius, saint Jean Chrysostome. Sous le rapport théologique, celui qui nous intéresse tout particulièrement, le groupe dominant se compose de Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, Chrysostome et Théodoret de Cyr.

I. Historique. — Un grand nombre d’historiens pensent qu’on peut distinguer, au point de vue de la chronologie et de l’enchaînement logique des idées, trois périodes dans la vie de cette école.

1o Période de formation (290-370). — On croit généralement que les fondateurs de l’école d’Antioche furent Dorothée et Lucien, tous deux prêtres et martyrs. Eusèbe fait un grand éloge de ces deux personnages. Cf. pour Dorothée, H. E., vii, 32, P. G., t. xx, col. 721, et pour Lucien, H. E., ix, 6, P. G., t. xx, col. 809. Cependant certains auteurs regardent comme le vrai fondateur de l’école le prêtre Malchion qui dirigea, d’après Eusèbe, les παιδευτηρία grecs à Antioche même : τῆς τῶν ἐπ’ Ἀντιοχείας Ἑλληνιϰῶν παιδευτηρίων διατριϐῆς προεστὼς. H. E., vii, 29, P. G., t. xx, col. 708. Cf. W. Smith, Dictionary of Christian Biography, t. iii, p. 748.

2o Période d’éclat (370-430). — À proprement parler, elle commence avec Flavien, évêque d’Antioche. Mais c’est surtout à Diodore de Tarse († 394) qu’elle doit les débuts de sa splendeur. Diodore de Tarse eut pour auxiliaire le prêtre Évagre et pour disciples Théodore de Mopsueste et saint Jean Chrysostome. L’évêque de Tarse ne sut pas se mettre en garde contre certaines hardiesses qui laissèrent planer des soupçons sur l’orthodoxie de sa doctrine. Théodore de Mopsueste eut le mérite d’inaugurer la vraie méthode d’exégèse, mais il céda à des tendances rationalistes. À Théodore de Mopsueste se rattachent assez étroitement son frère Polychronius, évêque d’Apamée sur l’Oronte (410-430), et Théodoret, évêque de Cyr (vers 386-458). Isidore de Péluse († 431) paraît avoir continué les mêmes traditions.

3o Période de décadence (à partir de 430). — Avec Nestorius, disciple de Théodore de Mopsueste, l’école d’Antioche tombe définitivement dans l’hérésie. Nestorius, ayant enseigné la dualité des personnes en Jésus-Christ, fut condamné au concile d’Éphèse (431). Ses derniers disciples, qui n’eurent du reste aucune célébrité, furent obligés de se réfugier en Perse, et devinrent les maîtres de l’école d’Édesse en Mésopotamie. Ils fondèrent une secte qui existe encore de nos jours. L’école d’Antioche disparaît dans l’histoire en tombant dans l’hérésie nestorienne qui fut pour elle un germe de mort.

II. Caractère général de l’école d’Antioche. — L’école d’Antioche forme, dans l’histoire des doctrines et des systèmes, le contre-pied de celle d’Alexandrie qui lui est antérieure. C’est en faisant ressortir le contraste qui existe entre ces deux écoles fameuses qu’il nous sera permis de saisir plus facilement la tendance et la direction de celle d’Antioche. Les alexandrins, peut-être influencés par les idées de Philon, suivaient plutôt dans leurs travaux une tendance spéculative, intuitive et mystique ; les antiochiens, au contraire, étaient tournés vers la réalité et la pratique, et excellaient dans les détails de la réflexion et la rigueur de la logique. Les partisans de l’école d’Alexandrie se rattachaient à Platon par la tournure contemplative de leur philosophie et l’élévation de leurs spéculations ; les docteurs d’Antioche adoptèrent une espèce d’éclectisme assez voisin du stoïcisme et se rapprochaient davantage de la philosophie d’Aristote, dont le caractère précis et rigoureux convenait mieux à leur esprit. Sur le terrain dogmatique, les alexandrins s’efforçaient principalement de