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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : LA DIDACHE


les prophètes comme les grands prêtres des chrétiens. xiii, 3. Mais, elle le fait observer elle-même, il peut n’y avoir pas de prophète, xii, 4, et si ce personnage et le docteur ont le droit de vouloir s'établir à demeure dans une communauté, ils sont toutefois avec l’apôtre plutôt présentés comme des ministres itinérants de la parole de Dieu, xi, 1, 4-5. Voilà pourquoi les fidèles d’une Église locale doivent choisir des hommes d’entre eux, xv, 2, non pas des passants, mais des personnes dont on a eu le temps d’apprécier sur place les qualités, xv, 1, afin que ces élus, évoques ou diacres, fassent le service liturgique des prophètes et des docteurs, qu’ils en tiennent lieu (Ersalzleute, dit Lietzmann. op. cit., p. 232). En d’autres termes, ils président l’assemblée, y enseignant et y exerçant les fonctions liturgiques. Si le prophète est le grand prêtre de la communauté chrétienne, xiii, 3, l'évèquc lui est assimilé. Batiffol, op. cit., p. 64, n.2.

d. Le mot eucharistie semble déjà être comme « le terme technique » par lequel on désigne la cène chrétienne. Non seulement la locution action de grâces, z-'r/ y.z<.azir, ou le verbe rendre grâces, eùyapiaTeTv, sont employés dix fois dans les c. ix, x, et xiv, mais l’usage paraît déjà s'être établi de désigner par cette expression, non plus seulement l’acte de remercier Dieu pour ses bienfaits, mais le rite liturgique et les éléments consacrés : « Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie. » ix, 5. « Laissez les prophètes eucharistier autant qu’ils le voudront. » x. 7. Fortescue, op. cit., p. 12, 15.

e. Y avait-il une prédication ? La Didachè ne le dit pas. Mais elle ordonne qu’en raison de l’assemblée du dimanche on choisisse des évêques et des diacres chargés de l’office liturgique des prophètes et des docteurs, xv, 1. Il est donc permis de penser que ces élus de la communauté devaient remplir à la réunion dominicale quelque fonction d’enseignement.

I. Avant la fraction, les assistants étaient tenus de confesser leurs péchés, afin que leur acte fût pur. xiv, 1. Bien plus, si un fidèle avait un différend avec un compagnon, il ne pouvait se joindre à l’assemblée avant de s'être réconcilié, « pour que le sacrifice des chrétiens ne fût pas profané ». xiv, 2. Déjà on lisait dans la partie morale de la Didachè : « Dans l’assemblée, bi èxxXyjaîq :, tu confesseras, è^ctxoXoyY)aY), tes péchés et tu n’iras pas à la piière avec une conscience mauvaise. » iv, 14. On ne précise pas de quelle manière devait s’accomplir cette confession ; mais il est visible qu’il n'était pas seulement recommandé de faire un acte intérieur.

g. Une fraction du pain avait lieu. Elle est mentionnée trois fois, ix, 3 : ix, 4 ; xiv, 1. C'était une action liturgique des officiants. Car la Didachè ne dit rien de la manière dont elle s’opérait, des paroles qui l’accompagnaient. Rien de plus naturel que ce silence si cet acte était réservé aux célébrants chargés du service liturgique, puisque la Didachè est un vade mecum des fidèles et non un missel, un rituel, un traité pastoral à l’usage des évêques et des diacres, des prophètes et des docteurs. Au contraire, si cette fraction devait être accomplie par les fidèles, on ne comprendrait pas qu’elle ne fût pas décrite.

D’autre part, on sait que ces mots désignent à l'âge apostolique non seulement le partage du pain en plusieurs morceaux, mais l’accomplissement de la cène. Act., ii, 42 et probablement ii, 46 ; cf. Act., xx, 7. La formule rompre le pain est parallèle, dans saint Paul, à celle de bénir la coupe, I Cor, x, 16, autant dire qu’elle équivaut à faire des aliments le repas du Seigneur. Quand donc la Didachè écrit : TCpi. toû y.'Li’j[i’x-o^, elle suppose que le pain est déjà rompu, que le président de l’assemblée chrétienne a

déjà prononcé sa propre prière eucharistique ». Hemmer, Doctrine des Apôtres, dans les Pères apostoliques, t. i, p. xux, Paiis, 1909.

Si cet écrit n’a pas à nous faire savoir ce que les officiants étaient tenus de dire, s’il reproduit seulement des prières prononcées par les assistants, on s’explique pourquoi ne sont pas plus expressément signalées : l’institution de l’eucharistie par Jésus, les paroles employées par lui au cénacle, les rappoits qui existent entre le pain et son corps, le vin et son sang, l’alliance nouvelle scellée dans le bieuvage de la coupe de la cène, la mort expiatoire du Sauveur. Sais doute la fraction et la bénédiction du calice, les paroles dites par celui qui accomplissait cette liturgie exprimaient ces pensées.

h. La fraction opérée, les fidèles rendent grâces. Et leur prière est reproduite. Avant de l'étudier et de considérer les autres paroles mises sur les lèvres des assistants deux remarques générales s’imposent.

Que représentent les formules ici transcrites ? Elles sont extrêmement courtes, on peut les réciter toutes à haute voix en une minute.

N’est-il donc pas permis de supposer qu’elles sont les phrases par lesquelles le peuple répond au discours des officiants, prophète ou docteur, évêque ou diacre ? Ceux-ci, en raison de leur charisme ou de leur science, de leur élection et de leurs qualités, ont le droit d’improviser leurs prières eucharistiques sur un thème uniforme. Il en est encore ainsi beaucoup plus tard. Duchesne, Bulletin critique, Paris, 1887, p. 363. Les prophètes, dit la Didachè, peuvent faire « l’action de grâces aussi longuement qu’ils le veulent ». x, 7.

Mais des abus eussent été inévitables, si le même droit eût été reconnu à chacun des assistants. D’ailleurs quand on veut que tous les fidèles prient ensemble à haute voix, il faut bien leur proposer un même texte. Ce sont ces formules que donnerait la Didachè. On est encore davantage porté à l’admettre si on obseive que tous les lecteurs de l’ouvrage sont invités à se servir des paroles proposées : « Quant à l’action de grâces, rendez grâces ainsi. » ix, 1. L’auteur suppose d’ailleurs que son appel est suivi : toutes les prières sont à la première personne du pluriel : « Nous vous rendons grâces… » ix, 2. Voir aussi ix, 3 ; x, 1, 3, 4. Ainsi s’expliquet-on encore, avec leur brièveté, tout ce qui en elles paraît étrange. Entre les prières dites avant et après qu’on s’est rassasié, on observe « un parallélisme rigoureux, souligné par les doxologies ; deux chants de trois strophes ; chacune des deux premières strophes est terminée par une doxologie plus brève : Gloire à toi ! … le chant tout entier par une doxologie plus pleine : « Car à toi est la gloire… ! » Lebreton, La prière de l'Église primitive, dans Recherches de science religieuse, 1924, p. 25. « Sur quatre-vingt-dix mots que comprennent les prières du c. ix, quarante-sept se retrouvent identiquement dans le c. x. » Goguel, L’eucharistie des origines à Justin Martyr, Paris, 1910, p. 236-237. Ces répétitions se comprennent fort bien dans les oraisons collectives d’une assemblée religieuse. D’autre part, ces prières sont très substantielles, comme si une foule répétait en les résumant les longs discours de son porte-parole. Plus d’une locution aurait besoin d'être expliquée pour être bien comprise : elle pouvait trouver dans le langage de l’officiant tous les compléments nécessaires. Enfin il est à noter qu’après chaque prière — et plus d’une ne se compose que d’une phrase — vient une doxologie ; il pourrait en être ainsi même si la formule étant purement privée, devait être dite à voix basse. Mais la présence d’une telle conclusion est encore bien plus naturelle si la prière est publique.

Une autre hypothèse est encore vraisemblable. A