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MESSE, EFFICACITÉ : FRUITS DU SACRIFICE


Le P. Hugon apporte plus de nuances dans l’exposé de sa solution. Il commence par rappeler, Tractatus dogmatici, t. iii, p. -103, que « la messe n’est pas un sacrifice indépendamment du sacrifice de la croix » : même prêtre, même victime, même effet, puisque la messe ne fait qu’appliquer la valeur du sacrifice accompli à la croix. Fuis, p. 478, il pose le problème précis de la distinction numérique et spécifique des sacrifices. « La cène et la messe, déclare-t-il, se distinguent d’une façon simplement numérique : c’est non seulement la même chose offerte, mais encore le même mode d’oblation, qui est la transsubstantiation. Mais la messe et le sacrifice de la croix, et dans leur rite, et dans la façon dont ils sont offerts, diffèrent en quelque manière d’espèce, bien qu'à proprement parler, ils ne présentent pas entre eux de différence spécilique. » Et l’auteur fait appel à l’autorité de Gonet, disp. XI, a. 2, n. 67. « En un autre sens cependant, ajoute le P. Hugon, la messe, la cène et le sacrifice de la croix sont dits numériquement distincts, puisqu’ils comportent des actions sacrificielles différentes. Il y a autant de messes numériquement distinctes qu’il y a de célébrations ou d’actions distinctes. » On le remarquera, Van Noort avait appelé l’immolation forme du sacrifice ; plus exactement, et d’une manière plus conforme aux conclusions de cet article, Hugon trouve dans l’immolation l’aspect matériel du sacrifice.

Par ces citations que l’on pourrait multiplier, cf. Pègues, op. cit., p. 417, et qui toutes en des sens différents se montrent hésitantes sur la réponse précise à donner, on saisit quelle difficulté les théologiens éprouvent à résoudre le problème. C’est qu’en posant la question de l’unité ou de la dualité spécifique du sacrifice de la croix et du sacrifice eucharistique, on pose un problème en des termes qui le rendent insoluble. Tous les théologiens sentent bien d’où vient la difficulté de la solution : c’est que la messe, sans la croix, ne serait pas un sacrifice ; c’est que la messe est essentiellement relative à la croix ; c’est qu’il est par conséquent impossible de comparer, quant à l’espèce, deux sacrifices dont l’un est essentiellement dépendant de l’autre, et qui tire toute sa valeur et sa signification de celui dont il dépend.

Il semble donc impossible de résoudre la question de l’unité du sacrifice du Christ autrement que par la formule dogmatique, vague à dessein : In missa… idem ille Christus continctur et incruente immolatur, qui in ara crucis semel se ipsum cruente obtulit… Una eademque hostia, idem nunc offerens sacerdotum minislerio… sola offerendi ratione diversa.

Vf. Efficacité. — Ce dernier sujet, complément de ce qui précède sur la nature du sacrifice de la messe, a reçu des théologiens postérieurs au concile de Trente, de longs développements. Les controverses portant sur des points assez secondaires, la partie positive de ce chapitre théologique se trouve fort réduite, t. 'ordre logique semble exiger qu’on traite tout d’abord de l’efficacité du sacrifice eucharistique, considérée en soi, puis des bénéficiaires de cette efficacité.

I. EFFICACITÉ DU SACRIFICE EUCHARISTIQUE CONSIDÉRÉE ES soi.

Trois subdivisions sont ici nécessaires : 1° Efficacité par rapport à Dieu (sacrifice latreutique et eucharistique), et par rapport à l’homme (sacrifice propitiatoire et impétratoire) ; 2° Efficacité limitée ou illimitée ; 3° Mode d’action ex opère operato.

1° Efficacité par rapport à Dieu et par rapport à l’homme. — 1. Par rapport à Dieu. — Encore qu’ils ne conçoivent pas comme nous la portée du culte latreutique et eucharistique, les protestants ont surtout méconnu la valeur propitiatoire de la messe. Néanmoins, les théologiens rappellent en quelques

mots cpie la messe est un sacrifice latreutique et eucharistique. Ils montrent ensuite que la messe conserve ce double caractère, qui en fait l’acte par excellence du culte proprement divin, même lorsqu’elle est offerte en l’honneur des saints.

a) Sacrifice latreutique, la messe rend à Dieu le culte d’adoration qui lui est exclusivement « lu. « l’aile fait que Notrc-Seigncur est victime à l’autel pour les hommes devant son l'ère, il affirme de la façon la plus expressive les droits et le domaine souverain de Dieu sur toutes choses : voilà le sacrifice de latrie. » Hugon, op. cit., p. 327. Les théologiens se contentent généralement d’affirmer ce caractère, comme une vérité de foi, admise sans discussion. Cf. Conc. de Trente, sess. xxii, can. 3.

b) Sacrifice eucharistique. — « Dans le sacrifice de l’autel, Jésus-Christ est animé des mêmes sentiments de reconnaissance qui l’embrasaient durant sa vie et sa passion, à la sainte cène, sur le Calvaire. Le don qu’il présente à son Père en échange de tous les bienfaits accordés au genre humain est, comme sur la croix, son corps très noble, son sang très précieux. La sainte messe est donc un sacrifice d’action de grâces excellent et infiniment agréable à Dieu ; il contre-balance complètement tous les bienfaits divins dont le ciel et la terre sont remplis. Jésus-Christ luimême offre le sacrifice eucharistique pour remercier pour nous et suppléer aux imperfections de notre reconnaissance. Mais nous l’offrons aussi avec lui dans ce même but : car ce sacrifice est notre propriété. » Gihr, op. cit., § 19 ; tr. fr., t. i, p. 161-162. Cette vérité est également de foi. Cf. Conc. de Trente, loc. cit.

c) Uniquement, comme tel, offert à Dieu. — Cf. Conc. de Trente, sess. xxii, c. iii, can. 5 ; voir col. 1137. Précisément parce que la messe est, par rapport à Dieu r sacrifice latreutique et eucharistique, « il suit que ce sacrifice peut légitimement être offert en l’honneur des saints, c’est-à-dire pour rendre grâces à Dieu au sujet de leurs victoires. »

2. Efficacité par rapport aux hommes.

a) Question préalable de terminologie. — Certains auteurs, notamment le cardinal Billot, font observer que le concile de Trente, sess. xxii, c'. n et can. 3, a défini l’efficacité propitiatoire de la messe, sans parler de son efficacité impétratoire. Non qu’il puisse y avoir difficulté sur la chose elle-même, tous admettant que la messe possède par elle-même la valeur de prière ; mais, dans l'état actuel de l’humanité, - l’impétration suppose la propitiation. Billot, op. cit., p. 637-638, note. — Beaucoup de théologiens suivent la terminologie plus facile et plus claire de De Lugo, disp. XIX, sect. ix, n. 140143, et acceptent, en parlant de l’efficacité de la messe, de distinguer la valeur impétratoire et la valeur propitiatoire. — D’après les uns, la propitiation ainsi distinguée del’impél ration, concerne plus particulièrement l’apaisement à donner à Dieu à cause de nos péchés, en vue d’en obtenir la rémission quant à la coulpe et quant à la peine ; et l’impétration concerne plus spécialement les autres bienfaits dans l’ordre spirituel et temporel, en vue du salut. Bellarmin, t. VI, c. m ; Van Noort, op. cit., n. 487-488. Mais selon d’autres, qui suivent ici le sentiment de De Lugo, le pardon des fautes et la rémission des peines peuvent être obtenus à la messe, et par mode de propitiation, et par mode d’impétration, la propitiation étanl d’abord nécessaire pour apaiser la colère divine, l’impétration inclinant ensuite Dieu à nous accorder les moyens de faire pénitence et à nous pardonner. De Lugo, loc. cit., n. 158 ; Franzelin, De sacrificio, th. xiii ; Ch. Pesch., op. cit., n. 927. Voir le développement de cette position dans Gihr, op. cit., § 20 et 21.

Ce n’est pas tout. Certains théologiens, tout en rapportant ces nouvelles distinctions à l’efficacité