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MESSE, EFFICACITE : FRUITS DU SACRIFICE


propitiatoire, distinguent la valeur proprement propitiatoire de la valeur expiatoire et de la valeur salisfactoire. « Le sacrifice est appelé propitiatoire, parce qu’il apaise la colère divine, incline Dieu à nous redonner son amitié et à nous remettre la peine due à nos fautes. De là trois aspects : en tant qu’il nous rend favorable Dieu offensé, le sacrifice est spécialement propitiatoire ; en tant qu’il obtient la grâce pour effacer la coulpe, laver la souillure de l'âme, il est expiatoire ; en tant qu’il est le paiement de nos dettes à la justice infinie, il est satisfactoire. La propitiation est considérée avant la rémission du péché, parce qu’elle rend propice celui qui aurait le droit de punir ; l’expiation vise surtout l’ablution intérieure de l'âme ; la satisfaction vient après la justification et regarde la solution de la dette. » Hugon, op. cit., p. 328. D’autres auteurs distinguent dans un sens légèrement différent, l’aspect propitiatoire de l’aspect expiatoire : le sacrifice est propitiatoire en tant qu’il nous obtient les grâces nécessaires à la rémission des péchés mortels ; il est expiatoire, en ce qui concerne les péchés véniels. Cf. Cappello, De sacramentis, t. i, n. 572 ; Noldin, De sacramentis, n. 172 c. — Plus communément on identifie propitiatoire et expiatoire. Cf. Gihr, toc. cil. En tant que la valeur propitiatoire. ou expiatoire se distingue de la valeur satisfactoire, il faut retenir que le ( sacrifice de la messe est dit propitiatoire parce qu’il possède (la vertu d’apaiser Dieu quant au péché luimême ; il est dit satisfactoire, parce qu’il possède la vertu de remettre, tant aux vivants qu’aux défunts, la peine temporelle due aux péchés déjà pardonnes. Le |Concile de Trente distingue les peines des satisfactions, sess. xxii, c. ii, précisément parce que les peines du Purgatoire sont à proprement parler non des satisfactions, mais des satispassions.

b) Efficacité impétratoire. — a. Doctrine. — L’efficacité impétratoire de la messe (en supposant Dieu apaisé), est présentée par l’ensemble des théologiens comme une vérité de foi, résumant l’enseignement de l'Écriture, 1 Tim., ii, 1, 2, des Pères (voir surtout S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xxiii, n. 8, P. G., t. xxxiii, col. 1116). Mais le principal argument d’autorité est l’enseignement de l'Église se manifestant dans les liturgies, qui toutes, à la messe, prescrivent des prières pour les diverses nécessités, même d’ordre temporel.

Parmi les raisons théologiques, celle qu’avait formulée Bellarmin, cf. supra, a été unanimement accueillie : Si eucharisticum sacrificium vim habet Deum placandi ac illum nobis adhuc inimicis propilium reddendi, quidni poterit et illum movere ut nobis amicis ac sibi perfecte reconciliatis uberrima gratiarum dona, imo et externa ac temporalia bénéficia, quatenus hsec animée saluti prodesse possint, tribuat ? Lépicier, op. cit., q. iii, a, 4, n. 4.

Mais, de plus, la messe est comme une prière en action de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La messe « est une prière en action, une œuvre suppliante, et par là elle possède au suprême degré les qualités nécessaires pour toucher le cœur de Dieu et le /déterminer à nous ouvrir le trésor de ses grâces. Sur l’autel, Jésus-Christ, le grand-prêtre, s’immole et plaide pour nous en représentant à son Père sa mort douloureuse et ses mérites, afin de le gagner en notre faveur. » Gihr, op. cit., § 21.

Ajoutons, conformément aux principes rappelés ci-dessus, voir col. 1284, que le Christ n’est pas le seul offrant à l’autel. Le prêtre, son ministre, offre et prie au nom de l'Église qu’il représente. Donc, à la prière du Christ se joint également la prière de toute l'Église. A cette prière officielle s’adjoint encore la prière personnelle du prêtre et celle des fidèles unis au prêtre. A ces titres divers, la messe possède une véritable

valeur impétiatoire. Développements dans S. François de Sales, Introduction à la vie dévote, IIe partie, c. xiv ; S. Alphonse, La Messa, considerazione V a.

En bref, le sacrifice de la messe vérifie éminemment la parole expressive de saint Augustin : Christus oral pro nobis, ut sacerdos noster ; oral in nobis, ut caput noslrum ; oratur a nobis, ut Deus noster. Enarr., in ps. LXXXV, n. 1 ; P. L., t. xxxvii, col. 1081.

b. Difficulté. — Le suffrage des saints sollicité à la messe ne fait pas difficulté. Il se présente sous un double aspect. En premier lieu, la liturgie y fait appel, afin de rendre, par leur intercession, notre offrande plus agréable à Dieu. La messe, en effet, est le sacrifice du Christ uni à son corps mystique tout entier. Voir col. 1284. Nous demandons à la messe le ministère des anges, nous y implorons le suffrage des saints, afin que Dieu ait pour agréable non l’oblation faite par Jésus-Christ principal offrant, mais l’offrande que nous faisons de nous-mêmes avec lui. Invoquer les anges et les saints pour nous aider à faire parvenir jusqu'à Dieu cette offrande, c’est tout d’abord entrer pleinement dans l’idée du sacrifice offert par tout le corps mystique du Christ ; c’est ensuite, en ce qui nous concerne personnellement, faire acte d’humilité, nous reconnaissant indignes d’offrir nous-mêmes à Dieu une victime aussi sainte et aussi pure, et cherchant dans l’appui des anges et des saints à suppléer à notre imperfection et à notre indignité. En second lieu, l’intercession des saints apparaît dans la liturgie comme la fin même poursuivie dans la célébration de la messe, c’est-à-dire comme le bienfait que nous espérons obtenir par l’offrande du sacrifice. Ainsi disons-nous à l’offertoire : Recevez, Trinité sainte, cette oblation que nous vous faisons… en l’honneur des Saints… afin qu’ils daignent intercéder pour nous dans les deux, eux dont nous faisons mémoire sur la terre, par Jésus-Christ, NotreSeigneur. C’est à ce point de vue que se place plus spécialement le concile de Trente, sess. xxii, c. iii, can. 5. Les théologiens suivent ici saint Thomas, Suppl., q. lxxii, a. 2, ad lum. La médiation des saints, demandée au sacrifice de la messe, n’implique pas que la médiation du Christ soit par elle-même insuffisante. Mais elle affirme au contraire la perfection et la suffisance de la médiation du Sauveur, assez puissante pour inspirer aux saints euxmêmes de joindre leurs prières aux nôtres. Si celebratio missæ valet ad consecutionem quorumlibel frucluum redemplionis, valebit etiam ad hune finem, ut sanctis inspiretur a Deo affectus intercedendi pro nobis per supremum Mediatorem et Salvatorem Christum. Billot, De sacramentis, t. i, th. lv, coroll. 2. Si l’intercession des saints demandée au sacrifice eucharistique pouvait faire quelque difficulté, il faudrait étendre la difficulté à la prière elle-même.

Sous deux autres aspects, la messe peut être célébrée en l’honneur des saints sans qu’il en résulte aucun préjudice pour l’efficacité impétratoire de la messe : 1° « Pour procurer la gloire et l’honneur des saints par l’imitation de leurs vertus. C’est ainsi que le prêtre, à l’offertoire, demande que le sacrifice profite à l’honneur des saints et tourne à notre utilité. On aura remarqué que dans ce cas nous prions plutôt pour nous que pour (les saints ; nous avons en vue notre sanctification, laquelle réjouit et honore les bienheureux » ; 2° Pour demander la gloire extrinsèque et le bonheur accidentel des triomphateurs de la patrie. « Si la gloire intrinsèque des élus ne dépend point de nos prières, si leur félicité essentielle est invariable, ils sont capables cependant, de certaines joies accidentelles nouvelles, lorsqu’ils voient que, à l’occasion de certains honneurs dont ils sont l’objet, Dieu est glorifié sur la terre, que les pécheurs se convertissent, que lesjjustes, se transfigurent davan-