Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1685
1686
MICHEL CERULAIRE, ECHANGE DE LETTRES


mana dilectionc, qu’il terminait sur un sincère appel à la paix et à la concorde.

Ainsi la lettre à Jean de Trani signalait, avec l’acrimonie que nous avons dite, les divergences rituelles qui séparaient Grecs et Latins ; la riposte de Rome mettait le doigt sur le point essentiel du débat : la primauté de l’Église romaine. A peine avait-elle un mot rapide pour cette question des azymes que la polémique voulait envenimer. Voir, n. 5, col. 747. Mais elle annonçait dans ses dernières lignes un traité en forme où seraient repris les griefs de détail signalés par Léon d’Achrida, alio exordio congruum censuimus respondere vestræ calumniæ quam conjratribus et coepiscopis nostris Apulis scriptam ad sugillationem nostri azijmi et prædicationem vestri fermenti non dubitastis dirigere, n. 40, col. 768. Elle annonçait aussi le rassemblement de textes patristiques dont le dossier viendrait appuyer la démonstration générale esquissée par la lettre.

Il ne fait plus guère de doute, depuis les travaux d’A. Michel, que le traité spécial annoncé par la lettre ne soit l’écrit d’Humbert intitulé : Adversus Grœcorum calumnias, et assez improprement appelé le Dialogue d’un Romain et d’un Conslantinopolitain, P. L., t. cxliii, col. 929-974. Voir la démonstration dans A. Michel, op. cit., p. 45 sq. En fait, l’écrit en question n’a rien d’un dialogue. Après avoir reproduit la lettre de Léon d’Achrida, l’auteur la découpe en fragments auxquels il oppose la réponse convenable, comme il l’indique d’ailleurs dans son avant-propos : Ut manifeslius vestra dicta a nostris secernantur, vestra obelis, nostra autem asteriscis prwnotantur. i, col. 933. Il nous paraît donc, comme à A. Michel, que la composition de ce livre se place non point à Constantinople à l’été de 1054, mais en Italie, à l’automne de 1053.

C’est une réfutation en règle des griefs avancés par Léon d’Achrida : usage des azymes, jeûne du samedi, manducation de viandes non saignées, suppression de V Allelluia en carême. Il ne saurait être question ici de reproduire la série des arguments par lesquels Humbert défend les usages latins ; disons seulement que l’auteur est parfois assez heureux dans sa manière de ramener à ses justes proportions cette querelle sur des vétilles. On ne saurait lui dénier non plus une connaissance assez exacte des usages grecs, qui lui permet d’opposer parfois aux attaques de l’Oriental la réponse topique. Tout n’est pas d’égale valeur dans son travail, et nous sourions quand nous l’entendons dire que les revendications des Grecs en faveur de l’usage du pain fermenté ont comme un arrière-goût de manichéisme. L’étalage des quelques mots hébreux qu’il sait nous semble presque enfantin, et aussi le maniement du fameux anathema maranatha, n. 30, col. 943, dont il veut épouvanter son adversaire. Tel quel néanmoins, le Libellus répondait de manière suffisante aux attaques des Grecs. Peut-être serait-il plus pertinent encore s’il avait songé à mettre en parallèle avec l’intransigeance des orientaux en matière de rite, le libéralisme dont on faisait preuve, à Home même, à Per droit des usages grecs. Mais de ceci il avait été suffisamment parlé dans la lettre précédente. Cf. Epist., c. 29, col. 761.

En même temps que la curie romaine prenait si nettement position à l’endroit de Constantinople, elle s’efforçait de faire alliance avec Antioche, sur la bonne volo"té de qui elle croyait pouvoir compter. Déjà au printemps, et sans doute avant d’avoir eu connaissance de la question des azymes, Léon avait écrit au patriarche Pierre une lettre bienveillante. Cidessus, col. 1680. Au moment où nous sommes arrivés, il était préoccupé de bien autres soucis ; le désastre de sa petite armée à Civitate, 19 juin 1053, l’avait fait prisonnier des Normands. Cf. art. Léon IX,

col. 327. Humbert continuait, selon toute vraisemblance, à garder ses coudées franches ; il tenta de faire intervenir auprès du patriarche d’Antioche l’évêque d’Aquilée-Grado, Dominique, que l’on rencontre à diverses reprises les années précédentes, dans l’entourage du pape. Depuis quelque temps déjà ce siège épiscopal de Grado prenait le titre patriarcal. Il parut tout indiqué d’amener une démarche de son titulaire auprès d’un des grands dignitaires de l’Orient. Ce serait inaugurer entre patriarcats de l’Orient et de l’Occident ce commerce épistolaire qui avait jadis fait la cohésion des grands sièges grecs. A la vérité, la lettre rédigée par Dominique témoignait de quelque naïveté, en promettant d’exhiber à Pierre les titres de son Église à une si haute dignité. Mais au préalable il fallait tirer au clair la question de foi : elle se ramenait à l’atîaire des azymes. Constantinople venait de faire à l’Église romaine le plus sanglant outrage, en prétendant que l’usage des azymes l’empêchait de participer au corps du Christ. Pourtant, insistait Dominique, nous n’agissons ainsi qu’en vertu d’une tradition remontant au Christ lui-même ; et nous ne condamnons pas pour autant les Églises orientales qui usent de pain fermenté. Que le patriarche d’Antioche, dès lors, veuille bien condamner ceux qui contredisent ainsi nos pratiques. Texte grec et latin dans P. G., t. cxx, col. 752-756.

Antioche goûta médiocrement cette mise en demeure et les prétentions non moins naïves du siège istrien au titre patriarcal ; mais enfin la lettre de Pierre en réponse à la précédente et qui doit être du printemps de 1054 se maintient en des termes iréniques. Elle n’admet, en fait de pain eucharistique, que le pain fermenté ; elle donne à l’appui de cet usage toutes les raisons de fait et de droit qui seront ressassées dans toute cette controverse ; elle invite les Occidentaux à renoncer à leur pratique ; mais enfin elle ne prononce aucune parole irréparable et laisse le champ libre pour de nouvelles conversations. On comparera avec intérêt cette lettre si modérée de ton avec le manifeste de Léon d’Achrida. Pour terminer, le patriarche d’Antioche se plaignait de n’avoir pas encore reçu de Léon IX la réponse à sa lettre de prise de possession, aufffaTi.xr), envoyée deux ans plus tôt, il en envoyait une copie à Dominique de Grado qui la communiquerait au pape et pourrait aussi lui transmettre la lettre actuelle. Texte dans P. G., t. cxx, col. 756-781 ; Ce soin de faire tenir à Léon sa lettre de communion témoignait que, malgré une sérieuse divergence sur la question des azymes, Antioche tenait à rester unie avec Rome.

L’accalmie à Constantinople.

Or, peu de temps

avant la rédaction de cette lettre, toutes choses, à Constantinople aussi, s’étaient orientées vers la paix religieuse.

Jean de Trani, expédié à Byzance par Argyros, après le désastre des troupes pontificales à Civitate, avait dû faire au Palais-Sacré une vive peinture de la situation italienne. Si l’on voulait arrêter les progrès de la conquête normande, il fallait de toute urgence faire trêve aux discussions entre Grecs et Latins, pour assurer leur action commune. L’évêque avait dû faire toucher du doigt au basileus le caractère intempestif du manifeste inspiré par Cérulaire contre les pratiques latines. Nous ignorons le détail de ces négociations, mais nous savons que de Constantinople partirent bientôt pour l’Italie méridionale deux lettres, l’une du basileus, l’autre du patriarche. Ces deux pièces, malheureusement, ne se sont pas conservées, et nous re pouvons parler de leur contenu que par les réponses que leur fit la curie romaine : réponse à Michel Cérulaire

S. Léon, Epis., en ; réponse à Constantin IX,

Epist., ciii, P. L., t. cxliii, col. 773-777 ; col. 777-781.