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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/23

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MESSE DANS L'ÉGLISE BYZANTINE, CONTROVERSES


mystères suivant la prescription de notre Sauveur et Seigneur de toutes choses, renouvelle en imagination et en image, xaiv[Çet çavTOCTiaxcùç xal eIxovixôç, le sacrifice que notre Sauveur fit de son corps et de so^ sang sur la croix, pour la rançon et la rédemption de tout le genre humain. Ils font ainsi entendre que ce sacrifice est différent de celui que le Sauveur a accompli autrefois, et n’a, avec ce dernier, qu’une relation artificielle et symbolique, xal Stà toûto àXXv)v sivai tociSt7)v Ttapà tïjv s ; àpx% ~w EcoTYJpi TeTeXsafiiv7)v elaâyouai, xal rcpoç sx.îîvyjv çavTacmxcoç xai eîxovixcoç àva<pepo{iévï)v. Ils vident de son contenu le mystère du divin et redoutable sacrifice, ù>ç xevoùcti tô t% ippiXTÎjç xai (kîaç lepoupyîaç [i.uaT7)piov, par lequel nous recevons les arrhes de la vie future, et vont contre le saint Père Jean rempli de sagesse et aux paroles d’or, qui explique clairement, dans ses nombreux commentaires du grand Paul, que ces deux sacrifices ne sont pas dissemblables et constituent un seul et même sacrifice. » Mai, p. 55-57 ; P. G., col. 177.

2o Controverse sur l’incorruptibilité du corps eucharistique.

- Les Pères de 1156 et 1158 avaient bien

affirmé contre Sotérikhos que l’immolation que Jésus victime subit à l’autel n'était pas purement fantomatique et métaphorique ; mais ils n’avaient pas expliqué en quoi consiste cette immolation mystérieuse. C’est justement sur ce point que se porta l’esprit curieux et original de ce Michel Glykas, appelé aussi Michel Sikiditès, qui fut accusé de magie et de sorcellerie et, pour ce motif, aveuglé et emprisonné par ordre de Manuel Comnène, en 1156, l’année même où se tint le premier synode contre Sotérikhos. Le malheureux réussit à obtenir du basileus sa liberté, et se fit moine, profitant du peu de vue qui lui restait pour lire les Pères et s’occuper de théologie. C’est alors qu’il écrivit ses fameux Chapitres sur les passages difficiles de l'Écriture sainte, au nombre de 98, que Sophrone Eustratiadès a publiés sous le titre : Miyjxrfk toG rXux.à etç xàç àîropiaç ir^ç Qziaç Ypacpîjç xeçàXaia, 2 vol., Athènes et Alexandrie, 1906-1912.

Parmi les questions que lui soumettent ses correspondants, ou qu’il se pose à lui-même, se trouve celle-ci : La sainte communion du Christ (r] àyîa toû XpiaToù (jLETâXY)^ !.?, c’est-à-dire le corps eucharistique du Christ) est-elle corruptible ou incorruptible ? Glykas donne sa réponse dans le c. lix, op. cit., 1. 1, p. 133-135, qui n’est pas autre chose que la fameuse lettre faussement attribuée à Jean Zonaras par quelques manuscrits et par de nombreux auteurs jusqu'à nos jours : cf. P. G., t. lxxvi, col. 1073, n. 5. Il commence par faire allusion à la controverse qui a éclaté sur le sujet. « Plusieurs, dit-il, sont dans l’incertitude touchant la nature du corps du Christ présent dans les saints mystères. Ce corps est-il corruptible, passible, comme il l'était avant sa résurrection ? Ou bien est-il doué de l’impassibilité et de l’incorruptibilité propres au corps glorieux ? » Après avoir paru écarter la question comme curieuse et téméraire, il la résout pourtant d’une manière catégorique : d’après lui, le corps du Sauveur dans l’eucharistie est passible et mortel, comme il l'était, à la dernière cène, au moment de l’institution de ce sacrement. Cet état de passibilité dure depuis la consécration jusqu'à la communion. Enseveli dans l’estomac du communiant comme dans le sépulcre, ce corps divin passe alors à l'état glorieux et incorruptible, s’unissant à la substance de l'âme, qu’il garde pour la vie éternelle.

Glykas fut-il le premier à soulever cette question et à lui donner cette étrange solution'? Nous ne saurions le dire. Ce que Nicélas Akominatos nous apprend dans le xxvii » livre du Trésor de l’orthodoxie, publié par S. Eustratiadès, op. cit., t. i, p. x'-fx', c’est que la

controverse éclata sous le patriarche Georges IlfXiphilin (1191-1198), et que le moine Michel Sikiditès (ou Glykas) y eut la principale part. Celui-ci, au témoignage de Nicétas, écrivit un ouvrage, (3î6Xoç, où il développait longuement la théorie résumée dans le c. lix, dont nous venons de parler. Il s’agit vraisemblablement de l’Apologie adressée au moine Joannice, qui constitue le c. lxxxiii de l'édition de S. Eustratiadès, t. ii, p. 348-379, et porte le titre suivant : Apologie partielle contre le moine qui nous a appelés xaxoSô^ouç, parce que nous disons que le pain de la prothèse est tel par nature, qu'était la sainte chair du Christ, qui fut donnée en nourriture aux disciples, à la cène mystique. Grâce à ce document, nous sommes suffisamment renseignés sur l’incroyable système du théologien byzantin, et nous pouvons contrôler ce qu’en rapporte Nicétas Akominatos.

Le principal fondement de cette théorie est une conception ultra-réaliste de la présence réelle de NotreSeigneur dans l’eucharistie, et l’absence de toute explication des accidents eucharistiques dans la théologie grecque. Les Grecs, surtout depuis saint Jean Damascène et la controverse iconoclaste, ne voient plus qu’une seule chose visible dans l’eucharistie : à savoir le corps et le sang de Jésus-Christ. Ils n’ont pas du tout, comme l’ont nos théologiens, la vision d’accidents du pain et du vin restant séparés de la substance du pain et du vin après la consécration, et réellement distincts du corps et du sang du Sauveur cachés sous ces voiles. Pour eux, il n’y a pas de voiles : il n’y a que le corps de Jésus. Prenant à la lettre les paroles du Sauveur : Ceci est mon corps, ils ne voient que le corps, et pas autre chose, substance ou accident. Certains d’entre eux, sans doute, s’inspirant des expressions d’anciens Pères, parlent des antitypes, des symboles, des mystères ou sacrements du corps et du sang de Jésus-Christ ; mais ces mots ne sont pas pour eux l'équivalent exact de ce que nous appelons les accidents eucharistiques, et plusieurs le font bien voir, quand ils répètent, à la suite de saint Jean Damascène et des Actes du VIIe concile œcuménique, que les oblats ne sont proprement appelés antitypes du corps et du sang de Jésus-Christ qu’avant la consécration, non après. Après, il n’y a que le corps et le sang. Dès lors, ce que le prêtre, à l’autel, touche de ses mains ou de ses lèvres, ce qu’il fractionne en plusieurs parties, ce qu’il broie entre ses dents, ce qu’il mange et boit, c’est le corps et le sang, et ce n’est que le corps et le sang. Si vous demandez une explication, ils vous répondent que c’est un mystère insondable, absolument comme lorsque vous les interrogez sur la différence qu’il y a entre la génération du Fils et la procession du Saint-Esprit. En d’autres termes, les Grecs parlent en général de l’eucharistie comme si les accidents du pain et du vin étaient devenus par la transsubstantiation les accidents mêmes du corps et du sang de Jésus-Christ, en étaient inséparables, ne faisaient qu’un avec eux.

Le second fondement de la théorie de Michel Glykas est d’ordre liturgique et se rapporte directement au sacrifice de la messe. La liturgie ou messe, avonsnous dit, est conçue par les Byzantins comme une sorte de reproduction de tous les mystères de la vie du Christ, de toute l'économie, comme ils disent. Le mystère de la mort occupe le centre du drame, mais il y a place aussi pour ce qui a précédé et pour ce qui a suivi. Par ailleurs, la messe, étant un vrai sacrifice, suppose une immolation. Certains anciens Pères, par exemple saint Jean Chrysostome, ont employé, pour parler de l’immolation de Jésus à l’autel, des expressions très réalistes. Glykas ne pouvait manquer d’y faire appel.

Un troisième principe guide notre théologien.