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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/426

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MOLINISME. MODIFICATIONS KT PRECISIONS


aux débats, et, en attendant, d’expliquer ou de tempérer la loi du silence et de l’imposer également à tous les théologiens, pour le bien commun. Bellarmin, chargé par le pape d'étudier ce mémoire, releva ce qu’il pouvait contenir d’injurieux contre Clément ou contre les jésuites, et conclut à la suspense de l’interdiction, non seulement pour ceux qui prétendaient « posséder » mais encore pour les soi-disant « novateurs ». Texte dans L. de Meyer, p. 805-813.

Le pape suivit cet avis. Par bref du 26 février 1598, adressé à son nonce de Madrid, il concéda aux dominicains la faculté « de poursuivre librement, comme auparavant, leur enseignement et leurs discussions sur les secours de grâce et leur efficacité, conformément à la doctrine de saint Thomas », et aux jésuites, de même, la faculté de parler et de discuter sur ce sujet « en enseignant cependant toujours une doctrine saine et catholique ». Texte dans L. de Meyer, p. 193.

Les deux partis crièrent victoire I Mais les Inquisiteurs espagnols ayant précisé que l’autorisation ne valait pas pour les églises, et que dans les discusssions d'école il fallait s’abstenir de « qualifier », de « censurer o ou de « noter » l’opinion contraire, se virent reprocher vivement par Baiïez et ses partisans d’avoir traité également les deux ordres, alors que les expressions différentes employées par le pape marquaient évidemment une approbation de leur doctrine, et une condamnation discrète de celle des jésuites. L. de Meyer, p. 191-195.

Sur ces entrefaites, pendant que le nonce et le grand Inquisiteur rassemblaient des documents poulies envoyer à Rome, parut à Anvers, l'édition revue et augmentée de la Concordia.

IL L'édition d’Anvers (1595). - Indépendamment des attaques violentes qui se poursuivaient publiquement contre son livre, des notes avaient été adressées à Molina lui-même, dans un esprit souvent amical, pour soulever des difficultés ou poser des questions. C’est ce qui porta l’auteur à publier une édition « revue et augmentée » de son livre. Elle parut à Anvers, avec l’Imprimatur de Sylvestre Pardo, chanoine de la cathédrale, en date du 15 avril 1595.

On a beaucoup parlé, après Serry, des adoucissements que Molina y aurait apporté à sa doctrine. Pour permettre d’en juger, voici un relevé des changements, additions et modifications qu’on y remarque. Nous les reportons pour la pagination sur l'édition de Paris, 187(5, qui reproduit exactement celle d’Anvers.

Additions. — Q. xiv, a. 13, disp. II, du § Circa primum à la fin (p. 11-15). — Q. xiv, a. 13, disp. XIX, memb. (3, du § Forte mirabitur à la fin (p. 112-113) ; toute la disp. XXVII (p. 158-168) ; disp. XXXVII, le S Quando audis (p. 209) ; toute la disp. XXXVIII (p. 211-222) ; disp. XLVII, du $ Yerum objicies au g His ila constituas (p. 275-277) ; disp. XL IX, le § Scio Cornelium Jansenium (p. 290) ; disp. LU, du § Illud hoc loco au § Objiciet fortasse (p. 320-322) ; toute la disp. LUI (p. 334-379). — Q. xix, a. 6, disp. I, du S Ante quartam au § Quarto (p. 389-390) ; toute la disp III (p. 395-402). — Q. xxii, a. 1, disp. II, le S Postremo dicendum (p. 407). - Q. xxiii, a. 4 et 5, disp. I, memb. 6, le § Juxta hanc doctrinam (p. 461), le § Quando audis (p. 462-463), du S Xunc ad Augustini au § Ex his patet (p. 465-468), la phrase finale ; tout le memb. 7 (p. 469-477) ; l’appendice du memb. 8 (p. 490-494, placé à la fin du volume dans Ledit. d’Anvers, cet append. est ici inséré à sa place normale) ; tout le memb. 10 (p. 501-505) ; memb. 11, § Sit ergo nona, une phrase estque proinde… adnotavit (p. 524, L 3-5), et un passage : ac sane de nulla… in eadem conveniat (p. 524 in fin.) ; le memb. 12 tout entier (p. 528-539) ; toute la disp. III (p. 557-561).

Modifications. — Q xxiii, a. 4 et 5, disp. I, memb. 6,

§ Ex his patet jusqu'à maxime cum quicumque (p. 468) ; memb. 11, § Sit ergo nona depuis id quod Cajetanus jusqu'à quos autem prædeslinavit (p. 524).

Il ne sera pas sans intérêt, pour préciser la pensée de Molina, de souligner, dans ce qu’il a d’essentiel, le contenu de ces textes nouveaux.

La liberté humaine.

1. Sa nature. —  On avait

demandé à Molina pourquoi il avait dit que les actes des enfants et des déments, peuvent souvent être' libres, quoique non méritoires, et si des actes de ce genre peuvent exister aussi chez les adultes. — « La liberté, répond-il, n’entraîne pas nécessairement mérite ou démérite, parce qu’un acte, pour être libre, exige seulement une certaine connaissance du bien et du mal, tandis qu’il ne revêt un caractère moral que s’il y a discernement ou délibération suffisante. Voilà pourquoi il y a liberté sans moralité, même parfois chez les adultes » (p. 11-15).

2. Son pouvoir dans les tentations.

Beaucoup de lecteurs s'étaient étonnés de voir Molina refuser de se prononcer sur la question de la possibilité, pour la volonté, de ne pas succomber à toutes les tentations graves et de surmonter toutes les difficultés purement naturelles, avec le seul concours général de Dieu. < Je l’ai fait, répond Molina, par amour pour la paix : Dieu sait qu’une autre attitude ne convenait alors, ni pour moi, ni pour son service ; chacun pouvait d’ailleurs, d’après mon exposé, juger de la vérité et de mon opinion » ; puis il ajoute un argument nouveau, que lui a suggéré un savant, pour prouver qu'à chaque instant la volonté reste libre de ne pas consentir au mal (p. 112-113).

Le concours divin.

 1. Mode d’action du concours

général de Dieu. — Après la 1e édition de la Concordia, un auteur a voulu combiner la doctrine de Molina avec celle d’après laquelle le concours général est un influx de Dieu sur la cause : il a soutenu que, pour tout acte naturel qui n’est pas moralement mauvais, il y a un double concours général de Dieu : l’un sur l’agent pour l’appliquer à l’action, l’autre sur l’action elle-même et l’effet, quoique le premier de ces concours n’existe pas pour les actes moralement mauvais. Cette distinction, d’abord, ne saurait plaire à Molina. « Si, dit-il, nous pouvons sans prémotion divine faire des actes mauvais, pourquoi pas les bons, puisqu’un même acte peut être bon ou mauvais selon les circonstances ? « Puis, cette multiplication de concours immédiats lui semble porter préjudice à la liberté. Enfin, il voit toujours des difficultés irréfutables à l’admission d’une action de Dieu sur l’agent.

Il avait déclaré dans sa l rc édition que le feu réchauffe l’eau en restant immobile en lui-même, et qu’il ne comprenait pas par quelle motion Dieu l’appliquerait à agir. On lui a répondu que le feu produit la chaleur sans changer en lui-même, parce que l’influx de Dieu est toujours en lui et qu’il réchauffe sans cesse. Mais alors, cet influx n’est-il pas général ? et peut-on encore dire que Dieu applique le feu à chaque action en particulier comme le veut le contradicteur ?

Molina avait ajouté : « Si l’action divine sur l’agent est réelle, il faut admettre que Dieu produit dans le feu, chaque fois qu’il le meut, une qualité ; ce qui paraît improbable ». On lui a répondu que Dieu meut les causes comme l’artiste meut son pinceau et l’applique à peindre ; et l’on a ajouté que cet influx n’a pas nécessairement son terme dans la cause seconde, ou dans son opération, mais qu’il suffit qu’il l’ait dans l’effet. Cependant, si l’influx de Dieu est dans le feu comme dans son sujet, ne faut-il pas dire qu’il est une motion spécifiquement distincte de la caléfaction produite par le feu ?

Molina avait objecté que, si le feu avait besoin d’une motion préalable pour chauffer, il serait mû aussi