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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/425

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    1. MOLINISME##


MOLINISME, PREMIÈRES OPPOSITIONS

des grâces prévenantes, non des grâces adjuvantes. »

Erreur, répliqua Xuno ; Molina parle expressément de la grâce adjuvante ; il nie d’ailleurs toute distinction profonde entre grâce adjuvante et grâce prévenante : pour lui, croire ou ne pas croire dépend uniquement de la volonté libre naturelle. Comme le dominicain poursuivait ses avantages et que, sur un ton triompha], il en appelait aux théologiens présents, le défenseur s'écria : Ktes-vous donc dépositaires des clefs de la sagesse ? » Ce fut un beau tapage ! L’apostrophe blessante souleva la désapprobation de l’assemblée et valut à son auteur un rappel à l’ordre.

L’attaque interrompue fut reprise, avec plus de mesure, par les P.P. Alvarez et Valleso, (). P., qui prétendirent démontrer : l’un, l’accord de Molina avec Pelage, l’autre, son désaccord avec le concile de Trente sur plus de trente points. La discussion se poursuivit, écrit Serry « non sans scandaliser les assistants ». Hist. congr. de aux., I. 1, c. xx, col. 1<>7. Le soir étant tombé, Xuno promit de soutenir publiquement, au mois de mai, des thèses contre Molina, et y invita dès lors les assistants.

Rentrés chez eux, les frères prêcheurs décidèrent de pousser l’affaire plus loin et de la déférer à l’Inquisition de Yalladolid ; ce qui fut fait quelques jours plus tard par les soins du P. Valleso.

Sur ces entrefaites, le prédicateur dominicain Alphonse de Avendano ne craignit pas de porter la discussion en chaire, le dimanche G mars, en commentant le texte O millier, magna est fides tua, et le lendemain en revendiquant pour son ordre, dans son panégyrique de saint Thomas, la clef de la sagesse. « Ainsi, remarque Morgott, Kirchenlexicon, 2' éd., t., iii, col. 903, une des questions théologiques les plus ardues était jetée sur la rue et confiée à l’incompétence de la foule, comme jadis, dans les controverses ariennes, la génération éternelle du Christ. » Les jésuites se plaignirent au roi et au nonce, et obtinrent le remplacement du prédicateur.

Le mois de mai approchant, ils voulurent faire interdire la réunion publique annoncée par Xuno. Les Inquisiteurs auxquels ils s'étaient adressés ne leur donnèrent qu’une demi-satisfaction : ils décrétèrent que les opinions de Molina ne pourraient plus être taxées d’hérésie jusqu'à ce que la cause portée devant ux eût été jugée ; mais ils autorisèrent les frères prêcheurs à les discuter publiquement, comme ils se le proposaient.

Sous la présidence de Xuno, la réunion se tint le 17 mai, au collège Saint-Georges. Le frère Ambroise de Santiago attaqua quatre propositions : 1. Avec un égal secours de la part de Dieu, l’un se convertit, l’autre pas, selon sa volonté libre. - 2. Parce que je coopérerai, Dieu le sait ; proposition qu’il faut entendre au sens propre et causal. 3. Le secours pour les œuvres surnaturelles est de même espèce que celui qui est donné pour les œuvres naturelles. 4. Le

bon usage de la volonté libre est cause de la réalité qui est l’effet intégral de la prédestination.

Le P. de Padilla prit la défense de Molina. La discussion fut chaude et finit dans le tumulte. Dominicains et jésuites en publièrent des comptes rendus contradictoires, et le soir même les jésuites déféraient à l’Inquisition le livre de Molina, demandant seule lent que les censeurs ne fussent pas choisis parmi les dominicains. Mais en même temps Molina prenait l’offensive et dénonçait à l’Inquisition les commentaires de Bafiez et celui de Zumel sur la 1 '. Lettre de Molina à Aquaviva, dans H. de Scorraille, François Saurez, t. i, p. 371 (19 déc. 1594).

4° Intervention de Home. Cependant l’agitation gagnait toute l’Espagne. Déjà après les premières discussions et les incartades du P. Avendanius, le

vicaire général de Yalladolid, Alphonse Mendoza, avait fait part de son inquiétude au nonce et à l’archevêque de Tolède, le cardinal Gaspard de Quiroga. Lettres dans l.ievin de Meyer. p. 168-169. Le 20 mai 1594, le cardinal de Castro et. le 14 juillet, l'évêque de Léon, Alphonse de Moscoso. envoyèrent à Clément VIII des plaintes contre les dominicains (Serry, col. 110-111). L'évêque de Léon suppliait le pape d’intervenir. Lettre dans L. de Meyer, p. 173.

Ce que désiraient les jésuites espagnols, Suarez l’explique dans une lettre du 14 juin à I-'rançois Tolet, S..1., récemment élevé au cardinalat : les dominicains, dit-il, veulent imposer comme étant de saint Thomas la prédétermination physique et d’autres opinions « mises en avant depuis quelques années par leurs maîtres et leurs cahiers de cours » : « ce qu’on désire ici, c’est que, par ordre de Sa Sainteté, ces doctrines soient examinées à Rome ». Le professeur de Salamanque ajoutait : « Leur animosité provient d’un certain sentiment de rivalité qu’il arrive même à des religieux de concevoir. » Dans R. de Scorraille, op. cit., t. i, p. 284-288.

Déjà l’Inquisition se sentait impuissante à réconcilier les deux ordres rivaux. Son président, le cardinal de Tolède, craignant que la controverse n’amenât un schisme, écrivit de son côté au pape pour lui exposer toute l’affaire. Le nonce, le roi lui-même firent des démarches semblables. C’est ainsi que Clément VIII fut amené à intervenir.

Il manda donc à son nonce de Madrid : 1. De signifier au cardinal de Tolède de suspendre la procédure qu’il aurait pu ouvrir et de laisser la décision au SaintSiège ; 2. d’ordonner en son nom aux supérieurs des deux ordres de consigner par écrit les raisons et fondements de leur opinion sur la grâce suffisante et efficace, et l'état de la question ; 3. de lui envoyer le dossier pour servir de base à son jugement. Dans la lettre par laquelle, le 15 août 15 !) 1. il fait connaître sa mission aux supérieurs des deux ordres (publiée dans L. de Meyer, p. 178-179), le nonce ajoute qu’il a reçu 'ordre, pour éviter le scandale, d’interdire sévèrement 'toute controverse sur les matières en litige, et les charge de faire exécuter cet ordre par leurs subordonnés, sous peine d’excommunication majeure.

En même temps. l’Inquisition d’Espagne, que, sur le désir manifesté par le roi, Clément VIII avait chargé d’agir avec le nonce, demanda à plusieurs universités, ainsi qu'à quelques évêques ou théologiens remarquables, leur jugement motivé sur les controverses entre dominicains et jésuites concernant la grâce.

Reaction contre lu défense de discuter.

- L’intervention du pape était de nature à satisfaire les jésuites ; elle ne provoqua rien moins que de l’indignation chez Bafiez et ses partisans. Ils crièrent au scandale ! Était-il admissible qu’on imposai silence aussi bien aux tenants de l’opinion traditionnelle qu’aux novateurs, aussi bien aux disciples de saint Augustin et de saint Thomas qu’aux rénovateurs de l’erreur de Pelage ? Emportés par leur zèle, plusieurs dominicains passèrent outre à l’ordre du pape et continuèrent à discuter en public, surtout dans la province d’Aragon, moins agitée jusque-là. Les jésuites portèrent plainte contre eux.

D’autres prêcheurs cherchèrent à faire lever l’interdiction, l’n mémoire assez acerbe, présenté au roi par le P. de la Nu/a. le 22 août 1597. fut rejeté par Philippe 11 (publié dans Serry, Append. v, p. ; 17 sq.). I n autre, adressé aux Inquisiteurs, subit le même sort.

tu troisième enfin, rédigé par Bafiez et adouci par ses

Supérieurs, fut envoyé à Clément Y 1 1 1 en date du 28 octobre 1597 (publ. dans L. de Meyer, p. 805813). L’auteur n’y expose pas moins de six raisons pour lesquelles il prie le pape de mettre au plus tôt lin