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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/428

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MOLINISME, MODIFICATIONS ET PRÉCISIONS


je ne croit pas non plus que la connaissance intervienne dans son exercice autant que d’autres le pensent. A mon sens, une simple connaissance de l’objet comme délectable et désirable suffit pour mouvoir, non seulement l’appétit des brutes, mais la volonté humaine ou angélique ; et, pour qu’il y ait liberté, il suffit que ce mouvement ne soit pas contraignant » (p. 275-277).

2. Source de la connaissance des futurs contingents. — L’addition que fait ici Molina est tout à fait accessoire : elle concerne l’interprétation d’un verset de la Sagesse, c. iv (p. 290).

3. Existence en Dieu de la connaissance des futurs contingents. — Molina, après avoir attribué à Dieu la science moyenne au sujet des choix futurs de la créature, la lui avait refusée pour lui-même, afin de sauvegarder sa liberté, et parce que l’intelligence divine ne dépasse pas l’essence et la volonté divines comme elle dépasse les essences et les volontés créées.

Il croit devoir remarquer ici que cette exclusion de science naturelle ou moyenne n’entraîne pas l’exclusion de la science libre : Dieu ne voit pas ses choix futurs avant la détermination de sa volonté ; il connaît néanmoins par sa science libre, qui suit l’acte de sa volonté, tout ce qu’il ferait en toute circonstance. Certains ont soutenu à propos des futurs contingents que, de toute éternité, l’une des alternatives est vraie et l’autre fausse, et que par suite Dieu connaît aussi bien ce qu’il voudra lui-même que ce que voudront les créatures. C’est une erreur : les futurs contingents ne peuvent être vrais ; et si Dieu connaît ceux qui dépendent de nous, ce n’est pas en eux-mêmes, mais dans l'éminente compréhension qu’il a de notre volonté (p. 320-322).

4. Origine de la certitude de la prescience divine : les « prédéfinilions ». — Certains ont opposé à la science moyenne une fin de non-recevoir, pour sauvegarder les prédéfinitions ou prédéterminations de Dieu. Molina, en un long appendice, qui est une des principales additions de l'édition d’Anvers, va examiner de près cette question, exposant la théorie de ses adversaires, la réfutant, montrant jusqu'à quel point les prédéfinitions doivent être admises, répondant enfin à certaines objections.

Ses adversaires prétendent que la certitude de ce qui arrivera et de ce qui n’arrivera pas dépend de la seule prédéfinition libre de la volonté divine. Ils n’admettent en conséquence, pour les futurs contingents comme pour les autres, qu’une science purement naturelle, qui précède l’acte de libre volonté divine, et une science purement libre, qui suit cet acte. Sachant, disent-ils, de science naturelle, tous les possibles réalisables par la volonté créée, Dieu, par le fait même qu’il a prédéfini ou décidé de toute éternité de coopérer de telle ou telle manière avec cette volonté dans le temps et de la mouvoir ou déterminer efficacement, connaît avec certitude ce qui arrivera, parce que la volonté, au sens composé, ne peut pas ne pas faire cet acte, et que l’efficacité du concours divin ne dépend pas d’elle. Ils veulent en conséquence que la prédestination, au sens où nous l’entendons, soit précédée de l'élection de certains à la béatitude et du rejet des autres, par une volonté absolue et efficace, avant toute prévision des mérites. Pour eux, la prédestination de l’adulte consiste dans la prédéfinition de la volonté de lui donner des secours efficaces ; et de là résulte la certitude de la science libre par laquelle Dieu connaît l’usage que chacun fera de sa volonté.

A cette explication, ils en ont ajouté d’autres après lecture du livre de Molina. « Dieu, disent-ils, connaît naturellement tout ce que réaliseront les volontés créées, par la compréhension de sa propre essence, dans laquelle toutes choses sont contenues de façon bien plus excellente qu’elles ne sont en elles-mêmes. Son essence ou ses idées lui représentent tout ce qui sera librement réalisé, non seulement dans son être possible, mais dans son être futur. » Ou bien ils disent : « avant tout acte de sa volonté, Dieu comprend son essence, sa puissance et sa volonté ; il sait donc à quoi sa volonté se déterminera et connaît ainsi, non seulement les futurs contingents, mais les futurs conditionnels. » (Q. xiv, a. 13, disp. LUI, memb. l„p. 334343.)

Nous ne saurions suivre ici Molina dans la critique détaillée qu’il fait de ces théories. Elle aboutit en définitive aux trois arguments suivants : 1. Il n’y a mérite, comme il n’y a péché, que si la volonté, au moment où elle consent à l’acte, est libre de n’y pas consentir. Or, si Dieu a « prédéfini » tous les actes bons en ce sens qu’il a décidé d’y pousser et de les déterminer par un concours efficace par lui-même, la liberté disparaît. Cette opinion est donc dangereuse, pour ne pas dire fausse. — 2. Si la prédestination est précédée de l'élection de certains et du rejet d’autres par volonté efficace, et si la prédestination des adultes consiste dans la prédétermination de leur donner des secours efficaces, il s’ensuit que le prédestiné n’est plus libre de se détourner de la béatitude et de chacun des moyens qui y conduisent, que le non-prédestiné ne peut pas parvenir à la béatitude ni obtenir les biens qui sont nécessaires pour y arriver, que le prédestiné ne peut pas faire plus d’actes indifférents ou méritoires qu’il n’en fera ; enfin, on ne comprend plus comment Dieu veut le salut de tous les hommes, si ce salut ne dépend pas d’eux, et l’on ne voit plus comment sauvegarder la justice et la bonté de Dieu. — 3. Les secours divins en vue de la justification ne sont pas efficaces par eux-mêmes ; leur efficacité dépend du libre consentement de la volonté. A fortiori en est-il ainsi du concours divin aux actes naturels. Ainsi s'évanouissent les « prédéfinitions » dont on parlait et il faut chercher ailleurs la raison de la certitude de la prescience divine, à savoir, dans la certitude de la science moyenne, fondée sur l'éminente intelligence que Dieu a de la volonté créée. (Ibid., memb. 2, p. 344-359.)

Est-ce à dire qu’aucune « prédéfinition » ne soit nécessaire ? Molina ne le pense pas. Pour les créatures dont la contingence a sa racine prochaine dans la seule volonté de Dieu, c’est-à-dire celles qui sont produites immédiatement par lui ou par nécessité naturelle, il admet tout ce qui a été dit par ses adversaires. Bien plus, même dans les actions humaines, il fait une place aux « prédéfinitions ». Un acte indifférent ou moralement bon posé librement par Pierre suppose au préalable, de la part de Dieu, la volonté de créer le monde et de concourir avec toute une série de causes secondes jusqu'à la production de Pierre, la volonté de créer l'âme de Pierre et de l’unir à un corps, etc. Un acte surnaturel suppose en outre la « prédéfinition » de l’entourer de grâces prévenantes et coopérantes, etc. Pour les péchés, quoiqu’on ne puisse parler de « prédéfinitions » en ce sens que Dieu n’a pas eu en vue leur malice, ils exigent néanmoins les mêmes « prédéfinitions » que les actes indifférents, plus la volonté de permettre des fautes. Toutes ces « prédéfinitions » laissent intacte la liberté humaine ; et la prescience de ses décisions ne provient pas d’elles, mais de la science moyenne.

Cette science moyenne précède en Dieu tout acte de volonté et porte sur tous les futurs ou les possibles ; mais elle reste hypothétique ou conditionnelle, tant que la volonté divine n’intervient pas pour « prédéfinir » les effets. Loin d'être un obstacle à la providence, elle est une lumière qui l'éclairé. (Ibid., memb. 3, p. 359-368.)

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