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auxquels leurs luttes contre l’hérésie donnaient une particulière compétence en ces matières difficiles. D’autre part, en dépit de tout, les doctrines de Molina étaient enseignées en Espagne ; et des jésuites allaient déjà jusqu'à mettre en doute, dans une thèse académique d’Alcala, l’autorité de droit divin de « ce pape qu’on appelle Clément VI II » (L. de Meyer, p. 334 ; Serry col. 837).
A lire les documents, on a l’impression que l’attitude des jésuites déplaisait souverainement au pape : mais que celui-ci, conscient de l’extrême gravité de la décision qu’il allait prendre, ne jugeait pas la question assez mûre pour être tranchée. Bellarmin avait suggéré l’idée de réunir un concile général. Une solution plus simple fut proposée par Grégoire de Valentia, le jésuite qui avait pris part aux congrégations antérieures : Qu’on reprenne ces réunions, mais en présence du pape, et pour s’expliquer devant lui sur les quatre points qui résument tout le débat. Lire cette adresse au pape dans L. de Meyer, p. 322. Clément VIII se rangea à cet avis et, le 3 février 1602, il fit connaître sa décision aux généraux des deux ordres. Ainsi s’ouvre la deuxième série des controverses De auxiliis : celle des congrégations présidées par les papes.
II. Deuxième série : Les congrégations présidées par les papes. — II y en eut 85, dont 68 sous Clément VIII et 17 sous Paul V.
1. Sous Clément VIII (1602-1605). I. Composition de l’assemblée. — Cette fois, la requête des jésuites fut entendue : la commission d’examen fut renouvelée et sensiblement augmentée. Elle comprenait à sa tête Clément VIII assisté des deux cardinaux Arrigoni et Borghèse, le futur Paul V. Treize au ires membres du Sacré-Collège vinrent peu à peu s’adjoindre à eux au cours des discussions. Les censeurs étaient au nombre de quatorze, parmi lesquels cinq évêques. Les deux généraux, Jérôme Xavières, O. P. et Claude Aquaviva étaient témoins. Les orateurs dominicains étaient, comme précédemment. Alvarez et Thomas de Lemos ; aux défenseurs de Molina, Grégoire de Valentia et Pierre Arrubal, furent adjoints Fernand Bastida et Jean de Salas.
Clément VIII se prépara aux séances par la prière et le jeûne. Il fit nu-pieds un pèlerinage aux sept églises de Borne pour implorer les lumières du Saint-Esprit. Puis, le 20 mars, s’ouvrit la première congrégation. Il ne saurait être question d’entrer ici dans le détail des discussions ; nous ne pouvons que renvoyer sur ce sujet à Serry et à L. de Meyer. Indiquons seulement la physionomie générale des réunions et les points qui y furent successivement discutés.
2. Physionomie générale des réunions.
Le pape présidait effectivement, en posant des questions précises sur lesquelles il donnait la parole, d’abord à l’orateur jésuite, défenseur de Molina, puis au dominicain son adversaire. Lui-même, d’ailleurs, intervenait parfois pour dire son sentiment, comme le jour où finit tragiquement la mission de Valentia, terrassé par une vive apostrophe de Clément (récit de cette scène dans Serry, col. 303). Il faisait alors sortir les généraux des deux ordres avec leurs orateurs, et le conseil proprement dit commençait. Quand celui-ci était fini, le pape fixait l’ordre du jour pour l’assemblée suivante. Bientôt cependant, les séances furent dédoublées, en raison sans doute de la prolixité des orateurs.
3. Objet des discussions. Clément avait Indiqué dès le 14 février deux questions qu’il (lésirajl voir étudier : 1. Qui, de saint Augustin ou de Molina, accorde le plus de pouvoir au libre arbitre ? 2. Lit on dans les livres de saint Augustin, ou est-il dans sa pensée, que Dieu a établi avec le Christ cette loi Infail lible que, toutes les fois que l’homme fera ce qu’il peut avec ses seules forces naturelles, il lui accordera la grâce ? Le 20 mars, il signala neuf propositions de Molina relatives à ces questions, pour qu’on les comparât à la doctrine d’Augustin. Il ordonna ensuite, le 6 octobre, de comparer quatorze autres propositions de Molina à la doctrine de Cassien.
A partir du 18 novembre, on examina : 1. si le concile de Trente, sess. xiv, c. iv, can. 5. s’oppose à ce que Molina dit de l’attrition et de la contrition ;
2. si les affirmations de Molina sur le pouvoir du libre arbitre et sur la loi se rapportent à la justification et s’il résulte de ce pouvoir une préparation immédiate et prochaine, ou éloignée, à la justification et à la grâce ;
3. si regarder le libre arbitre et la grâce comme deux causes partielles d’un même acte et dire que le libre arbitre considéré en lui-même, indépendamment de la grâce, n’a rien reçu de Dieu sinon la possibilité qu’il a reçue à l’origine, est conforme à la doctrine de saint Augustin, ou plutôt à celle de Pelage.
Clément VIII éprouva ensuite le besoin d’approfondir la pensée de Molina sur le rôle de la volonté et celui de Dieu dans les actes de foi, d’espérance et de charité (21 juillet 1603), de comparer ce qu’il dit de la vocation à la foi avec ce qu’en dit Augustin (30 novembre), de préciser la valeur des actes bons naturels antérieurs à la grâce prévenante (26 décembre), de résoudre la question de savoir si proposer d’aimer Dieu comme souverainement aimable et comme rédempteur, est le proposer comme un objet naturel, surnaturel ou indifférent, et comme un objet de foi (Il mai 1604).
C’est le 15 juillet 1604 seulement, que le pape parla de la science moyenne, à laquelle les jésuites avaient souvent fait appel. « Est-ce la pensée de saint Augustin, demanda-t-il, qu’avant le décret absolu de la volonté divine, il y a en Dieu une connaissance certaine et infaillible des contingents qui dépendent des causes libres, comme celle que Molina lui attribue par la science moyenne ? » Il devait être naturellement amené ensuite (3 novembre) à demander si. axant le décret absolu de prédestination, il y en a un autre conditionnel, et ce qu’en pensent saint Augustin et Molina.
4. Les positions prises à leur sujet. - « ) Pour tout ce qui concerne le pouvoir naturel de lu volonté libre, les jésuites s’attardèrent naturellement à défendre, autant que possible, l’accord de Molina avec saint Augustin, dont le pape avait fait pour ainsi dire la pierre de touche de l’orthodoxie. Ils se gardèrent cependant de vouloir faire leurs, en tous points, tes idées de Molina. Grégoire de Valentia déclara, dès le début, qu’il voulait défendre la doctrine de Molina non comme la plus probable en tout, mais seulement comme étrangère à toute erreur pélagienne ou semipélagiennne » (Serry, col. 331). Les dominicains, au contraire, cherchèrent à prouver l’accord de Molina avec Pelage. Les jugements portés par l’assemblée ries censeurs après chaque question se ressemblent tous : ils reviennent toujours à dire que la doctrine rie Molina est opposée à cette d’Augustin et qu’elle contient l’erreur des semi-pélagiens. Toujours aussi, quelques membres refusent de se ranger à l’opinion commune : c’est l'évêque ri’Aquiléc. Basile Pignctellus, le procureur des augustins et le régent des cannes, IMuinbinus, enfui Bovins, que nous connaissons déjà. Le dernier mot sur le sujet, celui qui résume la pensée des censeurs, lient en cette phrase
adoptée dans la 58 « congrégation, le 27 JulUlet 1604 : liesolvit eongregatio, in via Molinm prmponderart liberum arbitrium ; eum lumen seenndum sanction Auguatinam et veritatem catholicam prwpoaderti gratia, (Serry, col. no.)