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MESSIANISME, GÉNÉRALITÉS


et en laisse entrevoir les grandes lignes. D’autre part, la Nouvelle Alliance, dès le début, fut à tel point conçue comme leur accomplissement que, pour la caractériser, on a qualifié ses formes religieuses de « messianiques », expression hébraïque dont le mot « chrétien » n’est que le synonyme grec.

C’est pourquoi les prophéties messianiques n’ont pas eu seulement leur valeur pour l’époque où elles furent prononcées, mais elles l’ont gardée pour tous les temps. De nos jours encore elles forment une partie importante de notre théologie, elles se lisent jusque dans le catéchisme du simple fidèle.

Tout le monde connaît donc plus ou moins ces antiques prédictions. Ceux qui vivent en dehors du mouvement critique les comprennent comme nos ancêtres des siècles passés, sans le moindre soupçon au sujet de leur sens et de leur portée. Les esprits plus avertis des méthodes et des résultats de l’exégèse contemporaine savent que tout ceci a sa répercussion dans le domaine particulier des prophéties messianiques, et ils se demandent ce qu’il en" est de leur explication.

Des critiques indépendants se sont empressés de dire que cet élément de la tradition chrétienne serait caduc de tous points. En le vérifiant d’après l’état actuel de science biblique, on peut, au contraire, établir qu’il en sort fortifié dans tout ce qu’il a d’essentiel.

Définition.

Il faut tout d’abord circonscrire

la question ; car par prophéties messianiques tous n’entendent pas la même chose et beaucoup en ont une notion imprécise et incomplète. Cette définition est commandée par le point de vue d’où on les considère.

D’ordinaire, à la lumière du Nouveau Testament, on y comprend l’ensemble des oracles qui concernent la personne et le royaume du Christ. Cette conception, juste dans le fond, devient inadéquate dès qu’on se met sur le terrain de l’Ancien Testament, c’est-à-dire quand on fait abstraction de la manière dont les prophéties se sont réalisées. Alors elles se présentent sous une forme beaucoup trop complexe pour entrer dans le cadre de la définition usuelle.

Le trait commun des prédictions de l’Ancien Testament est l’attente d’un nouvel état de choses réalisé sur la terre et nettement différent de l’ordre actuel, qui consistera du côté de Dieu dans une manifestation éclatante de Jahvé, suivie de l’établissement définitif de son règne, du côté de l’homme dans un attachement fidèle au Très-Haut, dans une sainteté parfaite et dans un grand bonheur. Cette ère nouvelle se réalisera par l’achèvement de la théocratie d’Israël, de sorte que le peuple juif en bénéficiera en premier lieu, les autres nations seulement par son intermédiaire et sous son hégémonie.

Parfois les prophètes concentrent leurs espérances sur un prince idéal qui sortira à cette époque de la race élue et sera le représentant saint et puissant de Jahvé. Ils ne l’ont désigné par aucun nom générique. Dans un des plus anciens psaumes, ii, 2, et surtout plus tard dans la littérature apocryphe et rabbinique, Hén, éth., xlviii, 10, Targum de Jérusalem, Gen., iii, 15 ; xlix, 10, Psaumes de Salomon, xvii, 36 ; xviii, 6, il est nommé masiah, Messie. Ce terme signifie « oint » et était appliqué, dans les livres canoniques aux patriarches, aux prêtres, aux prophètes et surtout aux rois qui sont présentés, I Reg., x, 6 ; xvi, 13 ; Is., lxi, 1, comme ayant reçu dans une mesure toute spéciale l’esprit de Dieu.

Il s’ensuit qu’au sens strict du mot seules seraient messianiques les prophéties qui se rapportent à la personne du Messie. Mais comme elles font partie d’un ensemble plus vaste d’espérances qui toutes visent la même époque, il y a lieu de prendre le terme de prophéties « messianiques » dans un sens plus large, sus ceptible de s’appliquer à toutes les prévisions de l’avenir chez les prophètes.

Nous distinguons donc tout d’abord deux genres de prédictions messianiques : au sens large le messianisme est l’attente du royaume de Dieu sur la terre qui doit s’établir à la fin des temps et auquel, sous la préséance des Israélites, tous les peuples appartiendront ; au sens strict, il est l’espérance en un roi idéal, le Messie, qui doit gouverner le monde en substitut visible de Dieu.

Il y a cependant des prophéties dans l’Ancien Testament qui ont trait à l’avenir glorieux de l’humanité, mais auxquelles le terme « messianique » ne s’applique pas intégralement ni dans l’un ni dans l’autre sens. Ce sont celles où le bonheur futur n’est pas clairement donné comme appartenant à une époque distincte de la période actuelle, ou bien n’est pas rattaché au sort d’Israël. Ces oracles ne sont pas, au moins du point de vue de l’Ancien Testament, des prophéties explicitement messianiques. Tout au plus peut-on les tenir pour implicitement messianiques.

Tandis que cette distinction n’est pas communément faite par les auteurs, l’exégèse des textes prophétiques en a fait introduire une autre, moins importante, celle de prédictions directement et indirectement messianiques. Les premières, qui forment la grande majorité, sont des oracles qui se rapportent uniquement et immédiatement au Messie ou au temps messianique ; les autres comprennent quelques textes dans lesquels les événements et les personnages décrits sont historiques, mais en même temps conçus comme figures de ce qui doit arriver à la fin des temps. Ces textes indirectement messianiques correspondent à cette donnée suivant laquelle l’Ancien Testament, parce qu’il est une préparation du Nouveau, renferme de nombreux actes et personnages qui sont des types de ce qui doit arriver dans la plénitude des temps. Les prophètes eux-mêmes ont parfois relevé le rôle figuratif des événements et institutions de leur peuple ; c’est ainsi qu’ils ont présenté l’exode comme symbole du retour d’Israël au moment de l’ouverture de l’ère messianique, Is., x, 24, 26 ; Mich., vii, 15-16, Ez., xx, 35-36. La tradition patristique et théologique a enrichi les prophéties messianiques proprement dites de quelques-uns de ces types.

Les différentes nuances dont le terme « prophéties messianiques » est susceptible peuvent être classées dans le schéma suivant :

Prophéties messianiques :

, , … (au sens strict,

explicitement i, „

directement) au sens lar 8e ( ou implicitement

ou indirectement (= d’une façon typique).

Toutes les prophéties messianiques, parce qu’elles’visent la fin de l’ordre actuel sont en même temps des prédictions eschatologiques, de sorte que la plupart des exégètes protestants nomment aujourd’hui leur ensemble non pas messianisme, mais eschatologie de l’Ancien Testament. Elles forment l’eschatologie terrestre qui est si différente de l’eschatologie transcendante.

Méthode.

Cette détermination du messianisme

dicte une méthode en conséquence.

Suivant la règle fondamentale qui préside à l’interprétation des Écritures nous avons à chercher le sens littéral, et par conséquent nous avons principalement à nous placer au point de vue de l’Ancien Testament, c’est-à-dire que nous devons chercher à comprendre les prédictions non pas en premier lieu à la lumière de leur réalisation, mais d’après leurs propres termes. De cette manière seulement on peut saisir l’idée que les prophètes et leurs auditeurs se sont faite de l’ère messianique.