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    1. NEWMAN (JOHN-HENRY)##


NEWMAN (JOHN-HENRY), LA GRAMMAIRE DE L’ASSENTIMENT

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un Être personnel dont la présence même est manifestée par eux, tout comme les phénomènes sensoriels nous font reconnaître la présence de nos semblables. De plus, l’image mentale ainsi produite d’un Maître et d’un Juge suprême, sous le regard de qui nous vivons, est parfaitement capable d’être l’objet (dans le vocabulaire de Newman) d’une appréhension réelle, d’un assentiment réel.

Le but de Newman, dans la Grammaire, n’était pas de prouver l’existence et les attributs de Dieu ; s’il l’avait voulu faire, nous dit-il, il aurait commencé en insistant « sur ces moyens par lesquels j’ai montré que nous saisissons Dieu non seulement comme une notion, mais comme une réalité. » C’est proprement l’argument tiré de la conscience, sous une forme qui est particulière à Newman, forme qui, à tort ou à raison, est la plus susceptible d’être critiquée : « Cette crainte, a-t-on dit, qui, en dernière analyse, doit se révéler comme étant la crainte de Dieu, et l’idée correspondante de faveur divine, sont l’une et l’autre inexplicables, si l’on ne présuppose dans l’esprit une connaissance de Dieu, si rudimentaire soit-elle. » Cette objection, que Newman se serait faite tout le premier, même si d’autres ne la lui avaient suggérée, n’avait pas de prise sur son esprit. Fidèle, comme nous devons le supposer (en.fait, il n’y insiste guère), au principe fondamental de la Grammaire, à savoir que nous devons prendre les faits comme nous les trouvons, sans essayer de les adapter à quelque théorie arbitraire de notre cru (c’était le grand reproche qu’il faisait à Locke sur cette question de l’assentiment), il allait droit aux faits. Ces faits observés soit en lui-même, soit chez les autres (chez les écrivains païens par exemple qui, dans le tréfonds de leur pensée, attestent que la voix de la conscience se faisait entendre en eux, bien qu’ils ne connussent pas Dieu), ces faits le convainquaient que, dans l’ordre de la connaissance, c’est la conscience qui vient en première ligne, et Dieu ensuite. Comme illustration, il invoquait la manière de réagir de certains enfants quand, pour la première fois, on leur parle de Dieu. Ils s’approprient l’idée d’une façon qui montre combien leur esprit y était préparé. On croirait vraiment qu’ils sentent leurs pensées se traduire, qu’ils découvrent ce qu’inconsciemment ils avaient déjà senti, et non qu’ils apprennent quelque chose qui leur avait été étranger jusque-là.

En résumé, la conscience a « deux aspects distincts et qui peuvent être envisagés séparément. » Elle prescrit une règle de conduite, et par les menaces et les promesses elle sanctionne cette règle. C’est le second aspect qu’utilise Newman pour montrer comment nous n’appréhendons pas Dieu comme une pure notion, mais comme une réalité ; et c’est par là qu’il aurait introduit une preuve de l’existence de Dieu, si tel avait été son objet.

Croyance à la Sainte-Trinité. — Newman prend ce dogme tel qu’il s’exprime dans le Symbole de saint Athanase, s’établissant ainsi, nous l’avons dit, sur un terrain familier à ses lecteurs. Paradoxal, il a dû le paraître à bon nombre d’entre eux, quand il déclarait que, pour son compte, il avait toujours senti que ce symbole était « la formule la plus simple, la plus sublime, la plus pieuse à qui jamais le christianisme eût donné naissance, plus même que le Veni Creator ou le Te Deum. » P. 133. A la question : « La foi en la Trinité peut-elle être objet d’une appréhension réelle, distincte de l’appréhension notionnelle ? » voici, en bref, la réponse qu’il faisait : Le mystère gît non point dans l’une ou l’autre des propositions qui expriment le dogme, mais dans leur combinaison. Prise en particulier, chacune de ces propositions peut êtr< l’objet d’une appréhension réelle et une source iné puisable de dévotion. Ainsi l’office de la Pentecôte, le Veni Creator, le Veni, Sancte Spiritus sont inspirés par cette proposition : « Le Saint-Esprit est Dieu. » Quant au mystère qui surgit de la combinaison même de ces propositions séparées, il est l’objet d’une appréhension notionnelle, mais, en tant que mystère, il peut être médité « avec crainte et vénération, comme une vérité exprimant, pour ainsi parler, l’immensité et l’incompréhensibilité de l’Être suprême. » P. 129. Croyance en la théologie dogmatique. — Cette section, entre autres, explique et justifie la fonction de la théologie scientifique.

Deuxième partie. Assentiment et inférence. — Le sujet principal de cette partie est celui-ci : « Il y a des assentiments qui sont légitimes, bien qu’ils ne soient pas précédés d’une démonstration strictement logique. » Les points essentiels sont : la distinction entre inférence et assentiment (sur l’importance qu’y attachait Newman, voir son mémorandum du 30 octobre 1870, dans Ward, t. ii, p. 278) et l’existence du sens de l’inférence (illative sensé).

a) Distinction entre inférence et assentiment. — La première chose à noter c’est que Newman restreint le terme d’inférence au raisonnement verbal (c’est-à-dire explicite) par opposition au raisonnement mental (c’est-à-dire implicite). « Le raisonnement verbal sous toutes ses formes, par opposition afi mental, voilà ce que j’appelle inférence. Cette inférence ne diffère de l’inférence logique qu’en ce que celle-ci en est la forme scientifique. » Grammaire, p. 263-264. Inférence et assentiment représentent, cela saute aux yeux, des actes différents de l’esprit, tout au moins (pour mentionner un seul point) parce que dans l’inférence l’attention est dispersée sur un certain nombre de propositions et sur leurs rapports réciproques, tandis que, dans l’assentiment, elle se concentre sur une seule sans égard aux autres. Mais cette distinction, quoique réelle, est en vérité oiseuse, quand il s’agit de démonstrations simples, comme serait quelque proposition facile d’Euclide. Ici le raisonnement mental est adéquatement représenté par le raisonnement verbal, et l’assentiment suit, de manière spontanée, l’inférence.

Il en est tout autrement quand, abandonnant le domaine des idées abstraites, nous passons aux procédés de raisonnement (à l’exception peut-être des plus simples) qui s’appliquent aux faits concrets et individuels. Ici, quand on atteint la certitude qui justifie l’assentiment, c’est en vertu d’un raisonnement mental et non verbal, car ce dernier représente seulement une fraction, ne donne, peut-on dire, qu’une vue superficielle de ce qui s’est passé dans l’esprit. La conclusion est le produit de raisons trop nombreuses et trop variées, pour qu’il y ait là rien qui ressemble extérieurement à la coordination d’une induction scientifique. C’est la force combinée de ces raisons qui entraîne l’assentiment dans chaque cas particulier. (Rien n’est moins vraisemblable que l’attention consciente de la part de l’esprit aux principes généraux, et aux règles de l’induction.) Si l’assentiment était le résultat d’une inférence, au sens newmanien, celui qui donne son assentiment devrait être à même d’aligner, au moins pour son propre compte, tous ses arguments, et en même temps les raisons qu’il a d’accorder à chacun d’eux individuellement sa valeur respective, ses raisons enfin pour déclarer que la force combinée de tous ces arguments équivaut à une démonstration. Pour y atteindre, il lui faudrait étaler devant lui, comme sur une carte, toute son histoire mentale, tout ce qu’il a appris non pas seulement sous forme de connaissances proprement dites, mais sous forme de principes, de règles de jugement, de sens des valeurs, soit par son expérience et son