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NICOLAS II


rain. Le § 7 prévoit le ens où l’élection ne pourrait avoir lieu a Rome ; en ee cas les cardinaux-éviques ont le droit d’y procéder à tel endroit qu’ils Jugeront plus commode, en s’adjoignant un certain nombre de membres du clergé et du peuple romain. Les pouvoirs de l’élu prendront désormais non plus du jour de l’intronisation, mais du jour de l’élection.

— Le. trait essentiel de la rédaction pontificale, c’est la place considérable qu’elle fait aux cardinauxévéqnes ; d’autre part, sans négliger complètement l’action impériale, elle tend à la réduire au minimum. La rédaction impérialiste, au contraire, ne fait aucune différence entre les cardinaux-évêques et le reste des cardinaux ; elle n’adjoint pas au collège cardinalice le reliquus clerus et le populus, elle fait intervenir le droit impérial avec plus de rigueur : les cardinaux sont bien prwduces, mais avec le roi : cum serenissimo filio nostro Ileinrico. C’est encore avec le roi qu’ils doivent se mettre d’accord pour la désignation du lieu de l’élection, au cas où celle-ci ne pourrait avoir lieu à Rome.

Après avoir hésité longtemps entre les deux rédactions, après avoir penché pour la rédaction impérialiste, la critique historique en est venue aujourd’hui à regarder comme seule authentique la rédaction pontificale. Le livre de P. Schefïer-Boichorst, Die Neuordnung der Papslivahl durch Nikolaus IL, Strasbourg, 1879, a marqué une date capitale dans l’étude de cette question, et c’est toujours à lui qu’il faut en revenir. L. Duchesne, Les premiers temps de l’Étal pontifical, Paris, 1898, a ajouté depuis une considération qui est du plus grand prix. En somme, dit-il, le décret de 1059 a érigé en droit ce qui s’était passé en fait lors de l’élection de Nicolas II lui-même. A Sienne, Gérard de Florence avait été élu par les cardinaux-évêques et un certain nombre de représentants du clergé et du peuple romain, après entente avec la cour germanique (ou à la condition que ce choix serait communiqué à ladite cour). A l’avenir, dit le décret, les choses se passeront de semblable manière ; les cardinaux-évêques auront dans l’élection part prépondérante, sans que soit négligé le droit des autres cardinaux, du clergé, du peuple, sans qu’on veuille davantage porter atteinte à certains droits traditionnels et mal définis du souverain germanique ; l’élection, s’il est besoin, pourra se faire hors de Rome, comme s’était faite celle de Nicolas, pourra porter sur un autre qu’un Romain, comme cela avait été le cas de Nicolas. La rédaction impérialiste trahit au contraire, des préoccupations toutes différentes ; on n’hésite plus guère aujourd’hui à la considérer comme un faux fabriqué, au moment de l’élection de l’antipape Guibert en 1080, soit pour la préparer, soit pour la justifier. "Voir les remarques de L. Weiland dans l’édition des Mon. Germ. hist., déjà citée.

Tel quel, et dans sa rédaction authentique, le décret de Nicolas II était dirigé avant tout contre les hobereaux italiens bu romains, dont l’influence avait si souvent pesé sur les élections pontificales ; mais il ne laissait pas que d’imposer des restrictions au droit de patriciat reconnu, tout récemment encore, à Henri III en 1046, et qui avait été couramment exercé lors de l’accession au trône pontifical des « papes allemands » de Clément II à Victor II. L’Église romaine entendait, en somme, se libérer de l’emprise germanique tout autant que des tutelles locales. Il était inévitable que la cour allemande réagît énergiquement contre cette prétention. Le cardinal Etienne, envoyé à la régente pour lui transmettre le décret du concile, ne put obtenir d’être reçu ;.lafïé, n. 4407. Ce renseignement est dû à Pierre Damien, Disceptatio synodalis, P. L., t. cxi.v,

col. 80. Il semble même que l’on soit allé beaucoup plus loin. Selon le même auteur, ibid., col. 7 !) I), redores aula régies cum nonnullis Teutonici regni sanctis episcopis, conspirantes contra romanam Eccletiam concilium collegerunt, quo papam quasi prr synodalem sententiam condemnaverunt, et omnia quee ab co fueranl stiduta cassure incredibili audacia ]>nvsumpscrunl. On est mal renseigné sur les événements auxquels fait ici allusion Pierre Damien. Faut-il en rapprocher ce que dit le cardinal Deusdedit d’un conflit entre Nicolas II et l’archevêque de Cologne, Annon : (optimales) graviter tulere eumque (i. e. Xicolaum) hujus rei gratin, quantum in se erat a papatu deposuere, nomenque eius in canone consecrationis nominari vetuere, P. L., t. ci-, col. 1659 C ? L’irréductible adversaire de Grégoire VII, Benzon, évêque d’Albe, s’exprime en tennes à peu près équivalents : Pudet dicere quot et quales viros pulsavit Prandelli (= Hildebrand) per excommunicatricem linguam sui pneconis (= Nicolas) proftuentis insania. Ad vindictam vero suam aliorumque errexit se Anna Coloniensis exquisitis adultene nativilatis pgmentis. Commuai ergo consensu orlhodoxorum direxit illi excommunicationis epistolam, qua visa dolens et gemens pnrsenlem deseruit vitum. Ad Ilenr. imper., lib. IV, dans Mon. Germ. hist., Script., t. xi, p. 072. Cette question de la résistance allemande à la politique de Nicolas II, et des moyens qu’elle mit en jeu, est loin d’être tirée au clair ; ce qu’il importe de noter ici, c’est simplement le fait de cette résistance et les conséquences prochaines ou éloignées qu’elle a pu avoir.

La plus immédiate ce fut, à coup sur, le changement de politique à l’égard des Normands de l’Italie du Sud. Contre eux Léon IX s’était usé ; ni armes spirituelles, ni interventions armées n’avaient pu les mettre à la raison. Puisqu’on se privait désormais de la protection allemande, le mieux était de faire la paix avec eux ; au lieu de les avoir pour ennemis, on pourrait les avoir pour alliés en des circonstances difficiles. D’après les Annales romaines, Hildebrand dès le printemps de 1059 reçut mission du pape de traiter avec eux. Et Robert Guiscard mit à sa disposition une petite troupe qui devait débusquer l’antipape Benoît X de son refuge de Galéria. Elle n’y réussit pas d’ailleurs, car la place était forte ; il fallut reprendre l’affaire quelques mois plus tard. Nicolas se transporta lui-même dans l’Italie du Sud et, après avoir célébré à Amalfi un concile qui promulga à nouveau les décrets du Latran, il reçut l’hommage de fidélité de Robert Guiscard et de Richard d’Aversa. C’est après cela sans doute qu’il faut placer une seconde expédition contre Gaiéria, qui amena la capitulation de l’antipape. On lui promit la vie sauve et il put se retirer à Rome, dans la maison de sa mère, en attendant qu’il fût statué, en concile, sur son cas.

Contre l’hostilité possible de la Germanie, il était bon de s’assurer d’autres alliances encore ; Nicolas II pensa très certainement à la France. Sans doute le roi Henri I er avait donné lieu à bien des plaintes, et plusieurs actes récents venaient encore d’irriter la curie. Sur lui pourtant Nicolas II essaya de faire agir tant la reine Anne, Jaffé, n. 4423, que l’archevêque de Reims, Gervais. Le pape mit une certaine coquetterie à se faire représenter par deux légats au sacre du jeune Philippe, sacre que son père lui fit conférer le 22 mai 1059. Cf. Coronatio Philippi, dans Bouquet, Recueil des historiens des Gaules, t. xi, p. 32. Il fut d’ailleurs stipulé que la démarche des légats romains n’était nullement nécessaire pour légitimer ce sacre ; la cour de France prenait ses précautions contre la création d’un précédent.