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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/299

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NICOLAS D’AUTRECOURT


cités, passons au deuxième ; ses thèses sont fausses parce qu’elles contredisent l’opinion commune.

Nicolas répond par une vive opposition de l'évidence avec l’autorité : taie médium urguendi non est natum facere evidentiam de conclusione. L’autorité de Dieu même ne remplace pas l'évidence. Nicolas nous le représente parlant de couleurs à un aveugle : Si Deus direrel ceeo : « albedo est color pulclierrimus colorum », et sciret cecus quod esset Deus, non lumen esset isla res evidens sibi, quia carerel propriis conceptibus terminorum, licet assentiret huic complexo sicut vero. Est évidente la proposition qui s’impose par simple analyse de ses termes ou de l’expéiience, sans recours à rien d’autre. L'évidence, c’est que nous ne soyons pas des aveugles qui croient "aux couleurs, c’est que la chose nous apparaisse, elle-même : nunc in speculativis non querimus nisi ipsum scire ut res veniat in apparentia apud animam. Nicolas distingue radicalement l’ordre spéculatif, où l'évidence est maîtresse, et l’ordre pratique, domaine des lois et des arguments d’autorité : non est sicut in observanliis legalibus ubi queritur non cognilio sed opus ; et ideo ibi talibus argumentis utitur legislator ut homines inducat ad assensum, nam scit quod, assensu posilo, sequitur opus. Sed hic non querimus nisi evidentiam, et ideo non videtur quod dignum sit uti talibus argumentis sed queramus veritatem qucsilorum in propositionibus per se notis et in experientiis, Bodl., fol. 2r°, col.A. L'évidence qui, dans le discours, signifie identité, signifie d’abord, dans l’intuition, présence de l’objet à l’esprit.

3. Évidence et tradition de l'École (secundus prologus, Bodl., fol. 5r°, col. B-fol.6 v°, col.B). — Le second prologue nous montre Nicolas considérant ceux de ses contemporains qui veulent faire œuvre de philosophe : qui inquisitores veritatis secundum apparenlia naturalia se dicimt…, quorum professionis essel per aclus quos in nobis experimur et per principia per se nota ex terminis in via discursus ad diversas conclusiones procedere. Bodl., fol. 5 r°, col. B. La philosophie part de ce qui nous apparaît naturellement, de Yévidence : soit de ['expérience, soit des principes ; de là, le discours chemine jusqu’aux conclusions. Mais les philosophes de ce temps s’appuient seulement sur les conclusions qu’ils lisent dans Aristote et Averroës : in suis inquisilionibus finalis eorum resolutio erat ad conclusiones et dicta Aristolilis et ejus commentatoris Averroys, et eis utebantur ut principiis. C’est à tel point qu’avec celui qui refuse les conclusions aristotéliciennes, on nediscute pas, tout comme s’il avait l’esprit faux : estimabanl irrationabile arguere contra negantem conclusiones eorum [Aristotilis et Averroys], quasi arguere contra talem esset arguere contra orbatum intellectum. Bodl., fol. 5 v°, col. A. La soumission au Philosophe et la droiture d’esprit, c’est tout un..Mais Nicolas apporte des remarques plus précises.

Premier exemple : l’attitude des maîtres del’Université de Paris en face de ceux qui soutiennent l’indistinction de la quantité et de la substance matérielle (thèse occamiste) : amajoribus istorum [doctorum hujus universilatis ] audivi quod contra taies [qui asserebanl ut probabile quod subslantia naturalis et quantitas non distinguerentur realiler] non ered dignum arguere quoniam principia negabant per se nota. La distinction de la substance et de la quantité serait un principe. Mais où prendre l'évidence de ce principe ? dans ses termes ? dans l’expérience ? quia intellectis terminis natum est statim ventre ad intellectum, vel est ediquid quod experimur in nobis — quorum neulrum potest dici, quia : vel de tali complexionc non esset tune questio - - vel si esset, facilis multum esset ejus solulio. Or Aristote, leur Aristote, eorum mugisler, quem ita de prope 171.sequi volunt, reconnaît dans les rapports entre substance et quantité une question des plus difficiles : eam

enumerat inter questiones difjicillimas in tertio melaphisice sue, prope principium. Il reste donc que nos philosophes mettent là un principe, parce qu’il y a une opinion d’Aristote : illirepulabant esse principium quia diclum ab Aristolile. Et sans doute, le font-ils ailleurs : Et si hoc reputaverunt esse principium quod non est principium, ut apparet manifeste per Aristolilem quem omnino insequuntur. ita non est longe a verisimililudine quin in aliis uniformiler se habeanl, ul précipite argumenta non habentes, utsemper usi Aristotilis conclusionibus tanquam principiis, dicunt quod homines neganl principia ubi homo asserit conclusiones veras licet a consuelis remotas. Bodl., fol. 5 v, col. A. Ainsi vont nos philosophes qui suivent l’opinion, tout comme la foule : sic ambulabant cum vulgo, Bodl., fol. 5 r°, col. B. Il faut changer cela : Hec ergo quicumque dimillel et anime sue persuadere curet quod verus philosophus viam vulgi deserens non débet accipere., aliqua pro principia eo quod jamosa sint. Bodl. fol. 5 v, col. B. Fidèle à son idéal, Nicolas a refusé de tenir pour des principes les préjugés communs, et s’est classé parmi ceux qui mettent en question les idées reçues, qui nituntur transmulare jamosa et elucidare de novo conclusiones occultas. Bodl., fol.l r°, col. B.

Autre remarque : voici des philosophes tout occupés à expliquer Aristote, repleut quaternos et processus formant longos in verba Aristotilis exponendo. A quoi bon ces explications de textes, s’il faut céder à une évidence ? si précise verba Aristolilis accipiant esse vera propter rationem evidentem, eis superfluum omnino videtur sic considerationem dimiltere rerum et se ad verba hominis convertere. Bodl., fol. 5 v°, col. A. Bappelons-nous l’expression : ut res veniat m apparenlia apud animam, Bodl., fol. 2 r°, col. A ; cf. supra, 2. Nous pouvons comprendre le : si homines sic immédiate intellectum siium convertanl ad res, Bodl., fol. 1 r°, col. A ; ce qui s’exprime là, c’est le besoin d'évidence. Il s’agit de repousser les textes qui, nous parlent de l’objet, pour aller à l’objet même, présent à l’esprit. L'évidence peut d’ailleurs venir des seuls concepts, principia per se nota ex terminis, ou de l’expérience, actus quos in nobis experimur. Bodl., fol. 5 r°, col. B.

Troisième exemple : les maîtres qui, en des matières qui font question, se contentent, pour toute réponse aux objections, d’alléguer un texte d’Aristote ou de son commentateur. Bodl., fol. 5 r°, col. A-col. B.

Conclusion : Nicolas va s’attaquer à ces erreurs et à ces illusions, dans une pensée de simple charité, caritalis zelo duclus…, non amore glorie, sed quia credo quod per inquisilionem ex principiis regnabit veritas in anima et amplius non eril locusfalsilali. Bodl., fol. 5 v°, col. B. Partir des principes, c’est tout ramener à l'évidence : dans la physionomie de Nicolas d’Autrecourt, autant que la préoccupation morale, le besoin d'évidence est un trait essentiel.

4. La mise à l'épreuve de iaristotélisme. — Nicolas va donc argumenter contre ceux qui prennent pour des principes les conclusions d’Aristote ; il montrera que ces conclusions qu’ils ne révoquent pas en doute, ils ne les savent nullement : proposui… conclusiones… ostendere ab eis nullo modo fore scitas. Bodl., fol. 5 v°, col. B. Cela nous rappelle la démonstration de l’ignorance d’Aristote, dans la polémique contre Bernard d’Arezzo. Et lorsque Nicolas nous prévient qu’il va procéder non deter minando sed dubitando, nous nous souvenons du disputative et causa collationis. Cf. C. Michalski, Le criticisme et le scepticisme dans la philosophie du xiv siècle, Cracovie, 1926, p. 27-30. — A la fin de la prima pars primi prologi, nous lisions déjà : Proleslor quod nunc in isto tractatu, nec in aliis aliquid volo dicere quod sit contra articulas fidei, vel contra delerminationem Ecclesie, vel contra articulos quorum opposili condemnati su.nl Parisius, etc., sed