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N I COLAS D’A UT R K CO URT


solum volo inquirerc, ctrcumscripla omni lege positiva, qualis certitudo possit lutberi de rébus et an processus Aristotilis juerint demonstrativi. liodl., fol. 1 r°, col. B. Notons bien circumscripta omni lege positiva : il s’agira seulement de cette évidence que Nicolas oppose à toute législation extérieure ; cf. supia, 3. Ainsi, connue les lettres à Bernard et à Gilles, le I raité Exigit ordo ne serait qu’une mise à l’épreuve de l’aristotélisme. Son but, c’est celui même que nous découvre son Jncipil : ad videndum an sermones perijpatheticoriim juerint demonstrativi. HodL, fol. 1 r°, col. A.

Prenant notre traité pour tel qu’il se donne, nous n’y chercherons pas la construction d’une philophie nouvelle. Comment, d’ailleurs, concilier un dessein dogmatique avec la position sceptique des lettres à Bernard et à Gilles, avec la déclaration de Nicolas, quod de rébus per apparentia naturalia quasi natta certitudo potest haberi, L., p. 37*, 1. 5-0, avec son espérance devoir les hommes se consacrer à la seule morale : si hoc cognosecrent… convertcrent se ad res morales. liodl., fol. 1 r 3, col. A-col. B.. ? Voici notre interprétation : libérée des discussions de lTicole, l’humanité s’attachera uniquement à remplir la loi chrétienne ; on la détournera de l’École en montrant que les textes d’Aristote ne comblent pas notre besoin d’évidence, d’où la mise à l’épreuve de l’aristotélisme dans la polémique avec Bernard comme dans VExigit ordo.

Reste à expliquer, de ce point de vue, la différence d’accent entre les propositions tirées decesdeuxtextes : l’aspect sceptique des articles de la cedula « Ve miehi », l’aspect dogmatique de ceux tirés de VExigit otdo. Nous remarquerons simplement que, si la fréquence du mot : evidenler caractérise les lettres et la Prima cedula, l’emploi du terme : probabile peut bien définir la manière du Traité. La différence tiendrait en ces formules : dico quod non potest evidenler oslendi…, — dico quod ista conclusio secundum apparentia naturalia que nunc participamus est probabilior opposita. Bodl., fol. 7 r°, col. B. A propos du premier principe nous avons vu la signification d’evidenter : précisons le sens de probabile.

a) Pour arriver au probabile, il faut mettre en présence deux thèses opposées, faire combattre les raisons qui les soutiennent, et apprécier : si… habeanl raliones qui tenent conclusiones oppositas, dicant eas et facianl super hiis comparationem amatores veritatis, et credo quod cuilibet non magis afjectalo ad unam partem quam ad aliam apparebit gradus probabilitatis excedens in hiis rationibus. Bodl., fol. 7 r°, col. A. En somme : le défi, le tournoi, le juge.

b) Comparée à une autre, une thèse est probabilior en raison des arguments qui ont été fournis : il y a là une question de (ait, une question de temps. Nicolas d’Autrecourt ayant apporté ses raisons, un esprit droit ne peut plus accorder la corruption comme chose certaine : In hoc enim sit finis primi capiluli, quod si homo bene natus respicial, non ductus aliquo motu maie distrahenle, dicel quod homines hujus temporis non possunt dicere sub certo se scire quod aliqua res transierit de esse ad non esse. Bodl., fol. 6 v°, col. A. La même considération de temps apparaît dans l’excusatio vulpina : nam etsi appareant [ista de reprimatione bonorum] probabiliora longe, mihi videtur, positis ab Aristotile, tamen sicut multo tempore visa sunt esse probabilia dicta Aristotilis, quorum probabilitas nunc forsan diminuetur, sic veniet unus qui follet probabililatem ab istis. Bodl., fol. 2 r°, col B ; L., p. 39*, 1. 9.

c) Une thèse peut être probabilior conclusione opposita et n’être pas vraie. C’est le sentiment même d’Aristote : etiam secundum Aristolilem nihil prohibet quedam jalsa esse probabiliora quibusdam veris. Bodl., fol. 2 r », col. A.

d) Il y a donc un usage de la raison qui ne porte pas

des résultats définitifs, sans rapport nécessaire avec la vérité : la foi n’est pas engagée par cet exercice dialectique. Après avoir montré à quels changements le probabile se trouve soumis, Nicolas ajoute dans [’excusatio vulpina : adhereamus quoqur legi Chrisii et credamus quod nunquam contingit reprimatio bonorum et punitio malorum, nisi per Muni modum qui est expressus in Ma lege sacra Bodl., fo. 2v, col. B. L., p. 39*, 1. 13. Ailleurs : Scio veto quod verilas est et jides catholica hoc leiwt, quod non onines res sunt eterne, rue huic rei videor contradicerc, quia solum dico quod ista conclusio secundum apparentia naturalia quibus nunc participamus est probabilior opposita. Bodl., fol. 7 r°, col. B. M. Gilson nous montre « un Nicolas d’Autrecourt assez proche de l’averrdïsme quant au problème des rapports entre la raison et la foi », op. cit., p. 119 : dans les deux cas, l’historien rencontre des maîtres es arts qui exercent leur raison sans l’ordonner, comme les théologiens, à un objet qui la dépasse.

e) Jevidenter de la Prima cedula se définit par le principe d’identité ; les probabilia de VExigit ordo, retenus dans la discussio errorum, s’appuient principalement sur le principe du meilleur et, par deux fois, à propos des res absolute permanentes et des actus anime, Nicolas nous explique pourquoi il a recours à la finalité. Bodl., fol. 7 r°, col. B, et fol. 7 v°, col. A-B. Devant une proposition, qui refuse ou qui affirme l’éternité des choses, l’expérience ne décide pas, ni la démonstration qui se fait per causam jormalem, per dijjinitionem certam, per explicationem concepluum terminorum ; nous n’avons pas de principes (soit principia nota per experieniiam, soit principia per se nota ex terminis) d’où le discours puisse tirer, per explicationem, par voie d’identité, une’conclusion : quod non omnes res sunt eterne — quod omnes res sunt eterne. Une démonstration qui transmette l’évidence est ici impossible, puisqu’au départ il n’y a pas d’évidence. Aristote ne l’a point ; Nicolas non plus ; il est dans la situation que lui-même décrit à la prima pars primi prologi : contre les prétendues démonstrations d’Aristote, il ne dispose pas de démonstrations, mais de dialectique ; et sa dialectique l’emporte. — Puique les choses ne nous montrent pas elles-mêmes leur éternité ou leur « corruptibilité », il faut prendre un détour ; ne pouvant raisonner per causam jormalem, Nicolas raisonnera par causam finalem, en invoquant le principe du meilleur. Ce principe nous paraît, après Leibniz, principe de raison, de nécessité. Mais, pour Nicolas, il s’en déduit seulement des probabilia ; ce qui lui permet de sauver sa foi. Si l’on n’oublie pas la notion d’évidence, telle qu’elle s’affirme dans les lettres à Bernard et la prima cedula, on concevra que cette position n’est pas illogique. Si l’évidence stricte ne va jamais que du même au même, il n’y aura jamais de démonstration per causam finalem, ni d’évidence du principe du meilleur, loquendo de gradu evidenlie qui est in lumine naturali strictissimus. L. p. 35, 1. 22. On nous accordera que les exemples de finalité ne devaient pas, pour Nicolas, démontrer le principe du meilleur. Il présente, d’autre part, ce principe comme une propositio ex causa, la seule explication ; mais cela ne passe-t-il pas la pure analyse logique de chercher une raison aux choses ? Nos probabilia se fondent principalement sur un principe du meilleur, alors que l’évidence des principes et des démonstrations se réduit au principe d’identité. La distinction tient dans la mesure où le premier principe et l’évidence stricte sont uniquement dans l’identité, à laquelle ne se ramène point le meilleur, dans la mesure où la rationalité est à deux degrés, dont le moins strict n’engage pas la vérité, n’oblige pas le réel. Ainsi Nicolas impose à l’aristotélisme une épreuve à deux degrés :

1° Une épreuve d’évidence, appuyée sur le principe