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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. Ni)N RKAMTK DES UNIVERSÀUX

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Abélard reprendra plus loin, p. 63, 1. 31 ; p. 64, 1. 2-1, l’examen de cette doctrine qui explique l’individu, à partir de l’espèce, par les accidents, comme l’espèce se forme, en joignant au genre la différence spécifique. Ce qui est Inadmissible : l’espèce « homme » doit d’être clle-môme à la différence « raisonnable », l’individu « Socrate » ne peut devoir à des accidents d’être lui-même. En effet :

a. Comment ces accidents reposeraient-ils sur un sujet auquel ils donnent l’être ? Mais s’ils ne sont pas portés par l’individu, substance première, ils ne peuvent l’être par l’espèce, substance seconde. Ibid., p. 13, 1. 6-25 ; p. 64, 1. 7-13.

b. Comment ces accidents donneraient-ils l’être à leur sujet ? C’est leur définition de paraître et de disparaître sans que leur sujet cesse de rester le même. Ibid., p. 64, 1. 14-19.

Ainsi la doctrine critiquée méconnaît les notions de substance, première et seconde, et la notion d’accident. D’où cette conclusion : Dicimus ilaque individuel in personali tantum discrelione consislere, in eo scilicet quod in se res una est discreta ab omnibus aliis, qutv omnibus etiam accidentibus remotis, in se una personaliter permanet nec alia efficeretur nec minus hic homo essel. Ibid., p. 64, I. 20-23. L’individualité tient au fond des choses, elle est essentielle à la substance : « cet homme » ne signifie pas des accidents, mais leur sujet. Certains, qui l’accordent, ajoutent cependant qu’en disant « Socrate » nous pensons à des accidents. Abélard réfute leur doctrine, ibid., p. 64, 1. 25-p. 65, 1. 11, tient pour synonymes « Socrate « et « cet homme » et montre ainsi à nouveau la substantialité de l’individu.

c) La singularité tient à l’essence.

Voici d’ailleurs un nouvel argument : la diversité des choses ne peut venir de formes superposées à un fond commun ; si chaque différence vient d’une forme jointe à une matière, nous voilà à la régression indéfinie, alioquin formarum diversitas in infinitatem procederci, ut alias ad aliarum diversitatem necesse essel supponi. Ibid., p. 13, 1. 26-27 ; cf. p. 65, 1. 1 : Sed cum uelint omne indiuiduum per accidentia e/fici, oportebit rursus ipsam socratitatem per propriam formam effici et illam iterum per aliam usque in infinitum. Les formes tiennent d’elles-mêmes leur diversité, formx ipsæ in se ipsis diversæ sunt invicem ; et les êtres aussi, [rerum ] discretio personalis, secundum quam scilicet hœc non est illa… est per ipsam essentiiv diversitatem. Ibid., p. 17, 1. 24-26.

De cette diversité essentielle résultent deux conséquences :

— a. nec ullo modo id quod in una est, esse in alia sive illud maleria sit sive forma, p. 13, 1. 21-22 ; n’imaginons point en deux choses une même essence, matière ou forme ;

— b. nec eas formis quoque remotis minus in essentiis suis discretas posse subsistere, p. 13, 1. 22-23 ; nous avons signalé ailleurs la même pensée. C’est ici le renversement de la doctrine adverse. Elle disait : enlevez toutes ces formes qu’en pensée vous pouvez séparer de la matière qui les reçoit ; il vous reste la substance une, la chose universelle. Abélard enseigne nu contraire : toutes formes enlevées nous trouvons une substance qui est l’individu. Toute chose est singulière en son essence même ; ainsi notre esprit progresse à travers la critique du réalisme, découvrant ce qu’est une chose.

2. Les choses ne sont pas universelles par non-différence.

La seconde forme de réalisme accorde que, prises dans leur essence, les choses ne sont pas universelles, mais elle les dit universelles par non-différence : ces hommes individuels dont nous savons l’essentielle diversité, on dira qu’ils sont une même chose : l’homme, qu’ils ne diffèrent point en cette nature : l’humanité, sintjulos homines in se ipsis discrelos idem esse in homine dicunt, id.esl non differre in natura humanitatis ; ces mêmes choses que l’on dit singulières pour autant qu’elles se distinguent, on les dit universelles pour autant qu’elles ne différent pas, mais conviennent entre elles par leur ressemblance : eosdem [homines ] quos singulares dicunt secundum discretionem, universalrs dicunt secundum indifferentiam et similitudinis contineritiam, p. 14, 1. 2-6. Ainsi l’espèce, ce sont les individus dans leur nondilïérenee. Mais on peut envisager l’espèce soit en extension seulement, soit aussi en compréhension ; considérer la collection des hommes ou la propriété d’être homme : dans le premier cas, l’universel, ce sont tous les individus qui conviennent ensemble ; dans le second cas, c’est chaque individu pour autant qu’il convient avec les autres, quidam universalem rem non nisi in colleclione plurium sumunt, p. 14, 1.7-8 ; [alii] singula individua in eo quod aliis conveniunt uniuersale appellant, p. 15, 1. 28-29.

De là, les deux aspects de la seconde forme du réalisme :

a) Tous les individus ensemble ne sont pas l’espèce.
Qu’entendons-nous par l’espèce « homme » ? Non pas Socrate ou Platon, pris chacun à part ; mais Socrate et Platon et… tous les hommes ensemble. De même pour le genre : « animal », ce sont tous les animaux, Socratem et Platonem per se nullo modo speciem vocant, sed omnes homines simul colleclos speciem illam quæ est homo dicunt, etc., p. 14, 1. 7 sq. Genres ou espèces, il y a des choses universelles, qui sont des collections.

Mais comment une collection peut-elle réaliser la définition que donne Aristote de l’universel ? quomodo lola simul hominum collectio qutv una dicitur species, de pluribus pnvdicari habeal, ut universalis sit, perquiramus, p. 14, 1. 33-35. Les six objections qui suivent montrent que la sententia de colleclione méconnaît cette définition de l’universel, méconnaît aussi les notions de genre et d’espèce. Ibid., p. 14, 1. 35 ; p. 15, 1. 22.

b) Aucun individu n’est l’espèce.
Qu’est-ce qui est universel ? L’individu même, pour autant qu’il convient avec d’autres ; être dit de plusieurs, définition de l’universel, c’est convenir avec eux : cum dicunt rem illam quæ Socrates est, prædicari de pluribus, figurative accipiunt ac si dicerent : plura cum eo idem esse, id est convenire, vel ipsum cum pluribus, p. 14, 1. 19-21. Les mêmes hommes qui sont multiples comme individus, per personalem discretionem, deviennent un par leur ressemblance, per humanitatis similitudinem, p. 14, 1. 25-26. Ce qui rend chacun d’eux différent de soi : il faut distinguer Socrate, en tant qu’il est homme, de Socrate, en tant qu’il est Socrate, iidem a se ipsis diversi quantum ad discretionem et ad similitudinem judicantur, ut Socrates in eo quod est homo a se ipso in eo quod Socrates est dividitur, p. 14, 1. 26-28. Ainsi, Socrate et Platon conviennent en tant qu’ils sont hommes, in eo quod homines sunt, p. 14, 1. 21 ; Socrate et Platon conviennent en l’homme, in homine, p. 16, 1. 3.

La critique d’Abélard est triple :

a. Tenir pour synonymes prædicari de pluribus et convenire cum pluribus, c’est méconnaître les notions mêmes de singulier et d’universel. Toute chose, convenant avec d’autres, serait prédicable de plusieurs : il n’y a plus de singulier, défini par le de uno solo pnvdicari. L’homme en tant qu’il est Socrate et Socrate en tant que Socrate, voilà, d’autre part, ce qui ne convient pas avec autre chose ; ce qui convient, c’est l’homme en tant qu’homme, Socrate en tant qu’il est homme, tous deux prédicables de plusieurs ; mais en ce cas, « Socrate » et « homme » ont les mêmes propriétés, quod habet homo habet Socrates et eodem modo, l’universel ne se distingue plus du singulier, p. 15, 1. 26-35.