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- NOMINALISME##
NOMINALISME. ABÉLARD, CONCLUSIONS
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ideassiveexemplares formas ipsas [effigies rerum] nominant. Quas eliam Plalo res incorporeas appellat et divin æ menti adscribit, sicut archelgpum mundum formasque exemplaires rerum, quas Priscianus in primo Constructionum dicil intelligibiliter et in mente divina constiluisse, antequam in corpora prodirent, p. 314, 1. 13-17 ; cf. p. 22, 1. 28 sq. Il s’agit des images communes, donc d’idées générales, de connaissances par abstraction qui conviennent à Dieu plus qu’à l’homme : lise autem tommunis coneeplio bene Deo adscribitur, non homini, p. 23, 1. 1-2 ; … bene divinte menti, non humante hujusmodi per abstraclionem concepliones adscribuntur. p. 23, 1. 6-8. Ces textes posent en toute netteté le problème du platonisme d’Abélard, coexistant à son nominalisme, que les historiens ont évoqué souvent ; cf. Reiners, Der Nominalismus in der Friihscholaslik… p. 53-54 ; de Wulf, Histoire, etc., p. 155, 3° ; Uehervveg-Geyer, Grundriss… p. 219 ; Bréhier, Histoire de la philosophie, t. i, p. 580. M. de Wulf nous dit qu’Abélard « développe longuement la thèse des idées divines » ; et cela contribue sans doute à lui donner allure de « réaliste modéré ». La thèse platonicienne pose des réalités intelligibles éternelles ; la thèse thomiste identifie ces idées avec l’essence divine, ce qui fait apparaître, d’un certain point de vue, une multiplicité en Dieu. Que trouvons-nous dans les textes d’Abélard ?
c) La connaissance divine des genres et des espèces. —
Voici notre difficulté : dans un nominalisme pour
qui l’individu seul existe, tout entier individu, Dieu
posséderait des idées des genres et des espèces. Et
voilà notre réponse :
a. More humano de providentiel Dei Plato locutus est,
éd. Geyer, p. 314, 1.20.
Abélard nous avertit que, dans
son langage platonicien, il y a une part d’anthropomorphisme :
le Dieu artiste, la forme exemplaire, ibid.,
1. 17-22 ; cf. p. 22, 1. 34-30.
b. Hæc autem communis conceptio bene Deo adscribitur non homini, quia opéra Ma générales vel spéciales naturæ status sunt , non artifleis, ut homo, anima vel lapis Dei, domus autem vel gladius hominis, p. 23,
1. 1-4.
L’état de genre ou d’espèce n’est pas artificiel,
œuvre de l’homme ; mais naturel, œuvre de Dieu.
Dieu, qui les fait, connaît les genres et les espèces
avant qu’ils soient ; l’homme, qui ne les a pas créés, ne
les connaît pas ainsi.
c. Inde eliam bene divinæ menti, non humanæ hujusmodi per abstraclionem concepliones adscribuntur, quia homines, qui per sensus tantum res cognoscunl, vix aut nunquam ad hujusmodi simplicem intelligenliam conscendunt et ne pure rerum naturas concipiant, accidentium exlerior sensualiter impedit. Deus vero cui omnia per se patent, quw condidit, quique ea antequam sint novit, singulos status in se ipsis distinguil nec ei sensus impedimenlo est, qui solus veram habet intelligenliam,
p. 23, 1. 0-13.
Les genres et les espèces tiennent
à la convenance mutuelle des substances ; les sens
retiennent des choses les accidents ; la connaissance
humaine, où les sens ont toujours une part, ne saisit
jamais dans sa pureté la substance des choses ; c’est
à une intelligence libre des sens, telle que Dieu, qu’il
revient de saisir genres et espèces.
Pour le nominalisme d’Abélard, qui s’insère dans une tradition aristotélicienne, genres et espèces ne forment pas une. classification artificielle, relative à l’utilité humaine ; ils dessinent l’ordre des substances, la classification naturelle. C’est Dieu qui connaît le mieux l’ordre de la création. Le texte d’Abélard ne paraît imposer rien d’autre que les choses, et leur vision par Dieu : Deus vero cui omnia per se patent, quw condidit.
d. Connaissance divine et essence de Dieu. —
Dieu
connaît les genres et espèces. Comment les connaît-il ?
C’est ici que peuvent s’introduire les idées. Mais Abélard
écrit de Dieu : ejus subslantiam, quw sola incommulabilis est ac simplex, nullis conceptionibus rerum vel
formis aliis variari. C’est la simplicité radicale de
l’essence divine, opposée à la multiplicité des termes
qui nous servent à en parler : Nam licel consueludo
humani sermonis de creatore quasi de creaturis loqui prwsumat,
cum videlicet ipsum vel providentem vel intelligentem
dicat, nihil tamen in eo diuersum ab ipso vel
intelUiji débet vel esse potest nec intelleclus scilicel nec
alia forma. Il y a bien une multiplicité des noms divins,
mais absolument aucune multiplicité ne lui correspond
en Dieu. D’où la conclusion : Atque ideo
omnis quirslio de intelleclu quantum ad Deum supervacua
est. Il faut s’arrêter au fait que Dieu connaît,
à cette connaissance qui est son essence même. Abélard
n’est même pas satisfait du terme providere, qui indique
sans doute une façon de connaître : Sed si expressius
verilatem loquimur, nihil aliud est eum futura providere,
quam ipsum, qui vera ratio in se est, futura non
latere, p. 27, 1. 9-17. Mais, avec l’idée de providence,
nous voyons s’effacer l’image de l’artiste et la notion
de forme exemplaire, d’idée, qui s’y trouvait liée. Tout
anthropomorphisme mis de côté, il reste que genres
et espèces correspondent à un état des choses, que
genres et espèces ne demeurent pas cachés à Dieu.
e. Les noms divins. —
Si l’essence divine est radicalement
simple d’où vient la multiplicité des noms
divins ? Du fait que nous nommons Dieu en le rapportant
à ses œuvres, qui sont multiples : more humano
loquentes simplicem ejus essenliam et in se modo
invariabilem pro his quw per eum invariabilem varie
fleri contingunt et varie a nobis excogitantur variis
designamus nominibus, p. 428, 1. 12-14 ; voir tout le
passage, p. 427, 1. 38-p. 428, 1. 25. La diversité des
noms que nous appliquons à l’unité divine procède
uniquement de la diversité des créatures. Voilà jusqu’où
nous conduit la doctrine d’Abélard sur la signification
des termes : quid voces significarent.
6° Conclusions générales. —
Nous sommes conduits à proposer du nominalisme d’Abélard les caractéristiques suivantes :
1. Terme, chose, intellection. —
Le nominalisme se présente comme une interprétation de l’aristotélisme transmis au Moyen Age par Porphyre et Boëce : traités et commentaires de logique.
Cette logique apparaît proche parente de la grammaire, science, comme elle, du langage. Traitant de l’argumentation, elle la décompose en propositions, et ces propositions en termes ; le terme est le signe de la chose dont il nous donne l’intellection ; de ce point de vue, on comprend que le nominalisme joigne à une doctrine de la chose une analyse de l’intellection.
2. L’universel : réalisme, nominalisme. —
Le terme universel se définit dans les propositions dont il peut faire partie, comme prédicat de plusieurs sujets.
Le réalisme croit pouvoir, de façon ou d’autre, appliquer cette définition aux choses.
Le nominalisme reconnaît qu’elle s’applique uniquement aux signes dont nous usons en pensant aux choses.
3. Critique du réalisme. —
Contradictoire aux notions ou données les plus fondamentales, le réalisme, sous toutes ses formes, apparaît comme une absurdité.
En montrant la non-réalité de l’universel, on fait apparaître toute réalité comme un individu et comme singulière en son entier : la critique du réalisme nous découvre une ontologie dont l’âme est une intuition de l’individualité radicale de la chose, res, et du son même, vox, qui est la réalité physique du signe : nom, nomen, ou terme, sermo.
Toute chose ainsi reconnue pour singulière, les universaux paraissent ne signifier rien de réel, ne pouvoir donner qu’une intellection sans objet, c’est-à-dire pas d’intellection : le nominalisme doit résoudre cette difficulté.