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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. LE XlVe SIÈCLE, OCCAM

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4. Fondement de l’universel.

Le nominalisme ne fait pas de l’universel une fiction, ni un pur artifice : aux genres et espèces correspond une convenance substantielle des choses ; genres et espèces dessinent la classification naturelle des êtres. Mais l’universalité qui est dans les signes ne se retrouve pas dans les choses, qui n’entrent pas comme prédicats dans les propositions, et, quoique réel, le fondement de l’universel ne possède point, dans l’individu, de réalité distincte.

5. L’intellection des universaux.

L’intellection n’est pas seulement conception des images, conceptio imaginum, mais encore et essentiellement attention aux choses par le moyen des images, atlentio rerum per imagines.

A la différence des intellections, les images ne sont pas réelles au sens où les accidents de l’âme et des autres substances sont des réalités.

L’intellection de l’universel trouve un objet dans une image commune.

L’intellection de l’universel est attention de l’âme à un aspect des choses considéré à part : en ce sens elle est abstraction.

6. Sur Dieu.

En Dieu, la connaissance est une seule et même chose avec l’essence, dont la simplicité radicale s’oppose à la multiplicité des noms divins : cette multiplicité se trouve seulement dans nos signes ; rien ne lui correspond en Dieu.

Retrouvons-nous des attitudes pareilles, un même rythme de pensée, dans le nominalisme du XIVe siècle ?


II. Le nominalisme du XIVe siècle : les universaux et la connaissance humaine.

Nous avons demandé à Pierre Abélard ce que fut le nominalisme du xiie siècle ; nous demanderons à Guillaume d’Occam (né peu avant 1300, f 1349 ou 1350) ce qu’a été le nominalisme du XIVe siècle : la doctrine de ceux que le XIVe et le XVe siècles appellent nominales, terministae, conceptistae ; cf. Ueberweg-Geyer, Grundriss, t. ii, 11 « éd., p. 575.

Nous ne croyons pas devoir longuement justifier le choix d’Occam, comme nous avons justifié celui d’Abélard. Sans doute, nous aurions pu adopter aussi bien Gabriel Biel ; et sur la doctrine de la grâce, c’est lui principalement que nous interrogerons ; mais Biel se donne lui-même pour le continuateur d’Occam ; cf. article Biel. Jouant sur le mot inceptor, qui nous rappelle que le célèbre franciscain n’est jamais parvenu à la maîtrise, la tradition de l’école nominaliste le désigne, à la fin du xve siècle, comme sacrée scholæ invictissimorum nominalium inceptor, nominalium princeps ; cf. Geyer, loc. cit. Nous ne tenons évidemment pas comme prouvé qu’Occam fut vraiment l’initiateur, que tout le nominalisme des xive et xve siècles procède de son unique influence : nous fixerons à l’article Occam les problèmes de son originalité et de son influence. Il suffit à notre propos qu’Occam soit un nominaliste, et, dans l’état de nos connaissances, celui qui se présente au premier rang.

Dans une première partie, nous étudierons : les universaux et la connaissance humaine ;
dans une seconde : Dieu.

La première partie se subdivisera comme suit :
1° l’ordre des questions sur les universaux ;
2° le problème de l’universel ;
3° absurdité du réalisme : l’idée d’individu ;
4° le problème des distinctions ;
5° le problème de la relation : l’idée d’absolu ;
6° la métaphysique du nominalisme ;
7° la nature du concept ;
8° le sens de l’abstraction ;
9° la théorie de la connaissance.

Retrouvant, chez Occam, le problème des universaux, nous l’étudions en premier lieu, sans préjuger s’il se pose au xive siècle dans les mêmes termes qu’au xiie, sans préjuger non plus que le nominalisme soit principalement une solution de ce problème. Il nous suffit que la question soit d’importance : Occam nous avertit que la solution de beaucoup d’autres en dépend : Multa dicta et dicenda in quæstionibus sequenlibus [dépendent] ex notilia naturx univoci et universalis. Guilhelmi de Ockam anglici, Super quatuor libros Sententiarum subtilissimæ quæsliones earumque decisiones, Lyon, 1495, t. I, dist. II, q. iv, A.

L’ordre des questions sur les universaux.

Nous fixerons la position du problème des universaux au xive siècle d’après les questions du Commentaire d’Occam qui traitent de la nature de l’universel, aliquas quæsliones de natura universalis, loc. cil. Ces questions sont au nombre de cinq, numérotées de iv à viii dans la distinction II du livre I. Les voici :

Primo quæro : utrum illud quod immédiate et proxime denominatur ab intentione universalis et univoci sit aliqua vera res extra animam, inlrinseca et essenlialis illis quibus est communis et univoca, distinda realiter ab illis, q. iv, A.

Circa idem queero secundo : utrum univcrsale et univocum sit vera res extra animam, realiter distinda ab individuo, in eo lamen realiter existens, realiter mulTIPLICATA ET VARIATA, q. V, A.

Circa idem quæro tertio : utrum aliquid quod est universale et univocum sit realiter extra animam, ex natura distinclumab individuo quamvis non realiter, Q- vi, A.

Circa idem quarto quæro : utrum illud quod est universale et commune univocum sit quocumque realiter a parte rei extra animam, q. vii, A.

Circa idem quinto quæro : utrum univcrsale univocum sit aliquid reale existens alicusi subjective, q. viii, A.

Voilà donc cinq questions qui traitent du même sujet, circa idem. Il nous a suffi de souligner quelques expressions pour y faire paraître la continuité d’un progrès, l’unité d’un ordre, qu’une première lecture nous découvre pleinement.

Les questions iv à vu forment groupe : elles traitent toutes de l’existence de l’universel extra animam ; les doctrines qui y sont examinées et rejetées réalisent l’universel dans les êtres singuliers, omnes [opiniones] conveniunt in hoc quod universalia sunt aliquo modo a parte rei, ita quod universalia sunt realiter in ipsis singularibus, q. vii, F. La dernière question se demande si l’universel existe quelque part, alicubi, tout le reste exclu ; il ne s’agit plus que d’existence in anima.

1. L’universel extra animam.

A la q. vu qui reprend sous sa forme la plus générale, quocumque [modo], le problème de l’universel, Occam fixe la position de ses adversaires, et tous ceux qu’il a lus sont, en ce point, ses adversaires : In conclusione islius quæstionis omnes quos vidi concordant, dicentes quod natura quæ est aliquo modo universalis, saltem in potentia et incomplète, est realiter in individuo, quamvis aliqui dicant quod distinguitur realiter, aliqui quod tantum formaliter, aliqui quod nullo modo ex natura rei sed lantum SECUNDUM RATIONEM VEL PER CONSIDERATIONEM INtellectus, q. vii, B. Tous s’accordent à mettre dans les individus une nature en quelque façon universelle ; le désaccord apparaît sur la manière dont cette nature se distingue de l’individu où elle se réalise : pour les uns, la distinction tient à la seule réalité, prise en soi, à part de toute intellection, ex natura rei ; pour les autres, la distinction n’existe que par la connaissance que nous en prenons, secundum ralionem.

a) Ex natura rei.
Trois opinions, objet des questions iv, v et vi, distinguent ex natura rei l’universel de l’individu où il se réalise. Ce sont d’ailleurs trois interprétations d’une même doctrine, celle du Docteur subtil, Jean Duns Scot. Occam nous présente ainsi la thèse examinée à la question v : imponitur Dodori subtili a quibusdam, sicut ab aliis opinio recilata et improbala in præcedenli quæstione…, q. v, B ; à la question vi,