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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. CRITIQUE DU RÉALISME

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res unioersalis eril vere res singularis, q. iv, D. L’unité de la chose universelle en fait l’unicité, qui la sépare des individus dont elle devrait être l’essence : c’est un être, donc un individu.

b) Multiplicatur.
L’universel est ici affecté de différences qui le multiplient d’un individu à l’autre : l’universel n’est qu’une partie des individus ; quand le tout varie, la partie varie également. Le jugement d’Occam est aussi dur : ista opinio est simpliciter falsa, q. v, B. La note d’absurdité revient : l’adversaire est acculé à deux conséquences inadmissibles, quorum utrumque est absurdum ; d’ailleurs, on pourrait emprunter contre lui bien des arguments à la question précédente : quod non sit talis natura [universalis] probant fere omnes rationes positse in priori qua’stione contra opinionem ibi improbatam, q. v, D.

Retenons cependant une raison nouvelle appropriée à cette question : non posset ibi poni talis natura nisi esset pars essentialis ipsius individui, sed semper inter totum et partem est proportio, quod si totum sit singulare, non commune, qualibet pars eodem modo est singularis proporlionabiliter, nec potest una pars plus esse singularis quam alia ; ergo vel nulla pars individui est singularis vel quælibel ; sed non nulla ; ergo quielibet, q. v, D. Si le tout est singulier, la partie l’est aussi et toutes le sont également : la singularité prend tout l’être.

Il y a deux manières de mettre, entre l’universel et l’individu où il se réalise, une distinction réelle : ou bien il est un dans tous, ou bien il varie de l’un à l’autre, comme la partie change avec le tout. Dans le premier cas, l’universel se ferme sur soi et constitue un individu de plus. Dans le second, l’universel devient aussi singulier que l’ensemble où il est pris. Réaliser ainsi l’universel est une absurdité, mais cette absurdité nous découvre une évidence, l’évidence que l’être est individu et tout entier singulier, fl faut bien penser à Abélard ; cf. supra, I, 3°, 3 (col. 723). La même idée s’affirme dans les questions vi et vii, où Occam rejette entre l’universel et l’individu la distinction formelle et la distinction de raison.

2. Formaliter.
Après avoir exposé et critiqué la doctrine de Scot, Occam nous propose les conclusions suivantes, q. vi, P, Q :

Quælibet res singularis seipsa est singularis. L’individu est coulé d’un bloc : sa singularité n’est pas de l’ajouté, aliquid additum ; c’est son essence même.

Omni res extra animam est realiter singularis et una numéro. Toute chose subsistante est une chose, un individu.

Qun’libet res extra animam seipsa est singularis, ita quod sine omni addito est illud quod immédiate denominatur ab intentione singulari. Reprise en une seule des deux premières propositions : le réel est essentiellement, immédiatement singulier.

Nec surit possibilia quæcumque a parte rei qualitercumque distincta, quorum unum sit magis indifjerens quam rcliquum, vel quorum unum sit magis unum numéro quam reliquum. La doctrine de Scot longuement exposée auparavant, q. vi, B, analyse l’individu en une nature et une différence : la nature, de soi indifférente à être cet individu ou cet autre, possède en soi une unité réelle quoique moindre que l’unité de l’individu, unitas realis minor unitale numerali. Il est patent que cette indifférence et cette unité intérieures à l’individu ne peuvent se concevoir dans la réalité coulée d’un bloc qu’Occam a d’abord posée.

lia qun’libet res extra animam seipsa erit hsec. Nous reprenons encore l’idée essentielle pour en considérer deux conséquences :

nec est quierenda aliqua causa individuationis. L’être est individu par cela même qu’il est ; on n’a que faire d’un principe d’individuation.

…sed magis esset quierenda causa quomodo possibile est aliquid esse commune et universale. S’il n’y a plus à expliquer l’individu, l’universel fait difficulté ; comment en assurer la possibilité dans un monde où tout est singulier ? Nous avons rencontré la difficulté chez Abélard ; nous la retrouvons chez Occam, avec la même solution. Si Socrate n’a pas plus de rapport avec Platon qu’avec un âne, on ne comprendra jamais comment Socrate et Platonvérifient la notion d’homme, et l’âne point, niai major esset convenienlia inter Socralem et Plalonem quam inter Socratem et islum asinum non plus posset abstrahi conceptus specificus a Socrate et Platone quam a Socrate et asino, q. vi, M M. Comment se représenter la convenance entre Platon et Socrate qui fonde l’espèce « homme » ? Voilà la question qui divise réalistes et nominalistes.

Les réalistes raisonnent ainsi : omni intellectu circumscripto, major convenienlia ex natura rei est inter Socratem et Plalonem quam inter Socratem et asinum, ergo ex natura rei Socrates et Plato conveniunt in aliqua natura, in qua non conveniunt Socrates et isle asinus, q. vi, M M ; cf. ibid., E E. Le raisonnement est simple : realiter conveniunt, ergo in aliquo reali conveniunt…

Le nominalisme refuse précisément cette nature qui se retrouverait dans les individus, ayant en chacun sa réalité distincte. Mais refuser la convenance en une nature, ce n’est pas repousser toute convenance, ni les degrés de convenance.

On concevra simplement la ressemblance de Platon à Socrate à la manière dont on conçoit la ressemblance d’une créature à Dieu, et qu’une créature soit plus qu’une autre semblable à Dieu : on ne met cependant pas à la réalité divine et à la réalité créée un élément commun, magis convenit natura intellectualis cum Deo, ex hoc quod est imago Dei, quam natura insensibilis, quæ non est imago Dei ; et tamen in nullo reali conveniunt, quod sit aliquo modo distinctum ab istis, etiam secundum eos (les réalistes), sed seipsis plus conveniunt. Ita in proposito : quod Socrates et Plato plus conveniunt quam Socrates et iste asinus, omni alio circumscripto, q. vi, N N. Et plus loin : est major convenienlia inter Socratem et Platonem quam inter Socratem et istum asinum non propter aliquid aliquo modo distinctum, sed seipsis plus conveniunt, ibid., O O. De même que, pour expliquer que Socrate est Socrate, il ne faut pas concevoir une différence qui individue sa nature ; pour expliquer que Socrate est homme, il ne faut nullement distinguer dans l’individu une nature ; arrêtons-nous ainsi devant l’être un de Socrate ou de Platon : nec est alia causa quærenda nisi quia Socrates est Socrates, et Plato est Plato, et uterque est homo, ibid., E E. Mais homo ne désigne ici aucune réalité distincte, simplement cette ressemblance qui va de tout Socrate à tout Platon et fonde dans l’âme une notion commune. On retrouve la position d’Abélard, et même ses expressions.

Nous revenons toujours à ce point que l’être est individu, d’une seule coulée et faisant bloc. Il y a sans doute des degrés dans le réel, degrés de convenance, major convenienlia inter Socratem et Platonem quam inter Socratem et istum asinum, et degrés de perfection, isle angélus est perjectior islo asino, q. vi, Q. Mais ces degrés réels sont des degrés entre les êtres. A l’intérieur d’un être, il n’y a pas de degrés d’être, de réalités distinctes : tout est égal et indivis. Voilà ce que signifie le rejet de la distinction formelle. Reste à examiner la question vii, où Occam rejette la distinction de raison.

3. Secundum rationem.

Aux questions IV, v, vi, on a montré que l’universel et le singulier ne pouvaient pas constituer des réalités distinctes ; si l’universel est réel, il faut donc qu’il soit la même réalité que le singulier : aut eadem res realiter est universalis et singularis aut non. Non potest dici quod non, sicut probatum