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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. PROBLÈME DES DISTINCTIONS

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est in tribus quirstionibus præcedentibus, la différence de raison se pose sur une identité de réalité, q. vii, (1. Il faut qu’universel et singulier soient une seule et même chose : ce qui est impossible ici.

La définition de l’universel le sépare du singulier : illa res quæ est singularis non est prædicabilis de pluribus, sed quod est universale est prædicabile de pluribus, ergo non est idem, q. vii, G. Il est vrai que le réalisme ne prétend mettre dans les choses qu’aliquo modo, saltem in potentia et incomplète, ibid., l’universalité de la proposition : universale non prædicatur de pluribus nisi per aclum intellectus componentis, ibid., G. Il lui suffirait de mettre dans la chose un posse privdicari de pluribus, mais sa singularité, c’est précisément un non posse prædicari de pluribus. C’est toujours la même incompatibilité radicale : posse prædieari de pluribus et non posse prædieari de pluribus contradicunt, ibid., H. La singularité de l’être répugne à toute universalité, même de puissance : impossibile est conlradictoria primo de eodem verificari, ibid., G ; la dernière forme du réalisme n’est pas moins impossible que les premières.

Occam peut donner sa cqnclusion générale dans toute sa force : nulla res extra animam nec per se nec per aliquid additum reale vel rationis, vel qualitercumque consideretur vel intelligatur, est universalis ; — d’aucune manière, nous ne pouvons trouver l’universel dans la réalité ; c’est impossible, au dernier degré de l’impossibilité : tanta est impossibilitas quod aliqua res sit extra animam quoeumque modo universalis… quanta est impossibilitas quod homo sit asinus, q. vii, S ; autant vaudrait identifier l’homme à l’âne, ou à l’âne et au bœuf tour à tour : eadem facilitate possem dicere quod homo secundum unum esse vel sub una consideratione vel intellectione est unus asinus, sub alia unus bos, et sub alia unus leo : quod est absurdum, ibid., R. L’absurdité du réalisme éclate.

L’universel devient extérieur au réel comme le mot l’est à la chose : Ideo dico quod universale non est in re nec realiter nec subjective, non plus quam hœc vox : homo quæ est una vera qualitas est in Socrate vel in illis quos significat ; hoc universale est pars singularis respectu cujus est universale non plus quam vox est pars sui significali, q. vii, T. L’universel n’est pas plus dans les choses que la parole ; on parle cependant des choses, on dit les mots des choses : de même façon, l’universel sera un signe : sicut tamen ipsa vox vere et sine omni distinctione prædicatur de suo significato, non pro se, sed pro suo significato, ita universale vere prædicatur de singulari suo, non pro se, sed pro singulari suo, ibid. Comme chez Abélard, la singularité du réel nous ramène à la seule universalité des signes. Et comme Abélard interprétait de cette façon Aristote, Porphyre etBoëce, Occam interprète la tradition aristotélicienne plus vaste qu’il connaît : Et ista est inlentio Philosophi et Commentaloris, imo omnium philosophorum recte sentienlium de universalibus, ibid.

4. L’individu

Embrassons du regard la route que nous avons suivie de la question iv à la question vu :

Un être, c’est un individu : unum numéro, singulare (question iv) ;

Toute partie d’un être est individuelle comme lui (question v) ;

L’être est individu par cela même qu’il est : l’individualité ne requiert pas d’explication ; la possibilité de l’universel vient de la convenance d’un individu avec l’autre : une ressemblance qui va de tout l’un à tout l’autre, sans en diviser aucun (question vi) ;

L’individualité de l’être exclut de lui toute universalité, même virtuelle ; l’universel n’est avec le réel que dans le rapport de signe à chose signifiée (question vu).

En ces questions iv-vn dont il tient’si fort les conclusions et où il s’oppose consciemment à tous les

autres docteurs, Occam découvre, en même temps que l’absurdité du réalisme, une métaphysique de l’individu. Nous tenons une position caractéristique de son nominalisme.

Nous ne pouvons demander à Abélard, dans les premiers moments de la scolaslique, cette perfection, cette abondance, cet excès même de technique que présentent, — après deux siècles, dont le xme, — les questions d’Occam de natura universalis. Mais, chez l’un comme chez l’autre, on voit s’affirmer, sur un problème posé par une logique des termes, signes des choses, une métaphysique de l’individu qui fait peut-être l’essentiel du nominalisme.

Le problème des distinctions.

Une dernière remarque sur nos questions v-vi nous fera saisir l’ampleur de cette métaphysique : comment elle peut s’appliquer à de nouveaux problèmes.

Occam ne traite pas de même façon toutes les distinctions : réelle, formelle, de raison : il écarte simplement la possibilité d’une distinction réelle entre l’universel et le singulier ; il déclare impossibles en soi, dans tous les cas, la distinction formelle et la distinction de raison. Le premier argument contre Scot commence ainsi : impossibile est in creaturis aliqua diffère formaliler. .., q. vi, E, — sur la réserve in creaturis, uniquement motivée par des raisons théologiques ; cf. infra, col. 778. A la question vii, K, où il est traité de la distinction de raison, Occam renvoie aux questions sur les attributs divins, sicut dictum est in quæstione de altributis, qui précèdent immédiatement les questions sur les universaux. Là, nous retrouvons les distinctions formelles et de raison ; cf. infra, col. 755 sq., dans toute une question sur la distinction de raison : Utrum aliquid reale posset distingui secundum ralionem ab aliquo reali, loc. cit., q. iii, A, et une argumentation contre la distinction formelle en général : Arguo per unum argumentum quod est œqualiler contra distinctionem vel non identitatem formalem ubicumque ponitur, q. i, D. Occam a eu conscience de la généralité du problème ; envisageons-le dans sa généralité.

1. Contre la distinction formelle.

La critique de la distinction formelle est une dans les questions i et vi, E, la première sur les attributs de Dieu, la seconde sur les universaux.

La distinction formelle existe ex natura rei, à part de l’intellect : ne mêlons pas nos concepts aux choses ; pensons à la seule réalité.

Toute distinction est une non-identité ; là où n’existe pas l’identité parfaite, il y a matière à deux contradictoires : ubicumque est aliqua distinctio vel non identitas, ibi possunt aliqua conlradictoria de illis verificari, q. i, D. Si a et b ne sont pas identiques, on peut toujours opposer : « a est identique à a », « b n’est pas identique à a ». Occam formule cela avec l’extrême rigueur qui lui est habituelle : si a et b non sunt idem omnibus modis, tune sunt istæ ambæ veræ : a est idem a omnibus modis, et : b non est idem a omnibus modis, ita quod : esse idem a omnibus modis, et : non esse idem a omnibus modis, verificantur de a et b, ibid. Les termes a et b des contradictoires sont les signes des choses de même nom, a et b, non identiques : les termes « homme », « âne », sont ainsi des signes des choses « homme », « âne ». La non-identité des choses emporte la contradiction entre les signes.

La réciproque est vraie : impossibile est conlradictoria verificari de quibuscumque, nisi illa, vel illa pro quibus supponunt, sint distinctæ res, ibid. Voici deux propositions dont les termes signifient la seule réalité, à part de l’esprit ; ces propositions se contredisent : il faut en conclure à la distinction dans la réalité des deux choses que signifient les sujets des propositions. En effet :

a) Si on refuse cette conclusion, on refuse de jamais