Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/396

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

773

    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. LA.JUSTIFICATION

774

rium nisi quod est in nostra potestate. Occam, QuodL, VI, q. i. Mais le libre arbitre ne suffit pas à mériter la vie éternelle : aucun acte simplement moral ne force Dieu de nous la donner sous peine d’injustice. C’est l’erreur de Pelage d’avoir nié ce point : Pelagius posuit quod, si aliquis habet actum bonum ex génère, Deus necessitatur ad conferendum sibi vitam œternam, et non mère ex gratia sua, ita quod necessario foret injustus si sibi non tribucret vitam œternam. Occam, I Sent., dist. XVII, q. i, L. Ici paraît la transcendance de l’ordre du mérite par rapport à l’ordre moral : Dieu ne doit pas la vie éternelle à la moralité.

a. Les objets de l’amour divin.
Pour préciser le rapport qui s’établit entre Dieu et ses élus, embrassons du regard l’amour de Dieu pour les créatures, complacentia Dei respeetu creaturse : l’acte d’aimer est en soi un avec la volonté et l’essence divines, aussi nécessaire que Dieu même tant qu’il n’entre pas en rapport avec la réalité contingente de la créature. C’est pourquoi :

Dieu se complaît dans tout ce qu’il peut faire, vult posse esse bona quæcumque esse possunt, aussi nécessairement qu’en soi-même ; c’est la complacentia generalis ;

Dieu aime librement les choses qu’il crée ou créera, vult aliqua possibilia esse vel futura esse bona ; c’est la complacentia specialis ;

Dieu n’aime pas seulement, il préfère ; c’est ainsi qu’il veut librement non seulement que toute créature soit bonne, mais encore que l’une soit meilleure que l’autre, vult aliquid esse per/ectius alio : c’est la complacentia specialior ;

Dieu enfin veut donner à des créatures la perfection suprême dont une créature est capable ; l’amour de choix, complacentia specialissima, qui tombe sur ces créatures, respeetu alicujus perficiendi secundum perfectissinuim genus perfectionum accidentalium, c’est l’acte même par lequel Dieu les destine à la vie éternelle, si elles ne pèchent point, vult creaturæ rationali non ponenti obicem per peccatum conferre vitam œternam. Biel, Collect., i, dist. XVII, q. i, a. 1, n. 2, B.

Cet amour de choix, voilà l’acceptation divine, per animam esse gratam, caram vel acceptam Deo (quod pro eodem habetur) nihil aliud intelligo nisi eam esse in tali stalu, in quo (nisi per mortale peccatum delinquat) Deus vult ei dure vitam œternam. Biel, loc. cit., a. 1, A. L’acceptation est libre.

b. La liberté de l’acceptation.
Il y a des doctrines qui prétendent trouver hors de Dieu quelque chose qui nécessite l’acceptation.

C’est d’abord le pélagianisme, pour lequel Dieu est nécessité à donner la vie éternelle par ces actes bons dont le libre arbitre est naturellement capable.

C’est ensuite la doctrine de Pierre Auriol qu’Occam et Biel critiquent longuement, Occam, / Sent., dist. XVII, q. i ; III Sent., q. v ; Biel, Collect., i, dist. XVII, q. i : elle tient en trois thèses :

L’âme justifiée porte en soi une forme où Dieu se complait nécessairement au point de lui donner la vie éternelle, est aliqua forma creata quæ ex natura rei de necessitate cadit sub Dei complacentia et per eufus existenliam in anima… Occam, / Sent., dist. XVII, q. i, C.

Cette forme qui rend raison de l’acceptation divine, ne saurait la précéder, Ma forma qua ex r< tura rei redditur anima Deo grata non profluit ex divina acceptatione in anima. Ibid., D ;

Cette forme est un amour de Dieu que l’âme ne produit pas naturellement, mais que Dieu lui infuse, forma qua anima fit accepta est quædam Dei habitualis dilectio quæ ab ipso infunditur, nec ex puris naturalibus generatur. Ibid., E.

Dieu est ici nécessité à donner la vie éternelle, non par un acte que l’âme produit, naturellement, mais par un don qu’il lui fait d’abord, surnaturellement.

La doctrine nominaliste de la justification est essentiellement dirigée contre cette doctrine de Pierre Auriol, qu’Occam critique en se plaçant au point de vue de la toute-puissance divine.

La question n’est pas de savoir si, en fait, de potentia Dei ordinata, Dieu accepte une âme en qui il n’a point créé la grâce, infusé la charité. Il faut répondre » non à une tel’e question : nunquam salvabitur homo nec salvari potest nec unquam eliciet nec elicere poteril actum meritorium secundum leges a Deo ordinatas sine gratia creata. Et hoc teneo propler scripturam sacram et dicta sanctorum, Occam, QuodL, VI, q. i. Mais cet ordre que Dieu a établi, et qu’il nous révèje dans l’Écriture et la Tradition, n’est point nécessaire de nécessité absolue ; il est contingent comme tout le créé, quidquid Deus agit ad extra contingenter agit et non necessario. Ibid. Et, dès lors, Dieu pourrait, de potentia absoluta, destinera la vie éternelle une âme en qui il ne créerait point la grâce : on le montre en faisant jouer les mêmes principes qui établissent l’indépendance de la connaissance divine à l’égard de son objet :

La grâce créée en l’âme est une chose, la vie éternelle en est une autre ; Dieu pourrait donc réaliser l’une sans l’autre, Deus potest omne absolutum ab alio separare. Ibid.

Dieu sauve l’âme en s’aidant de la grâce qu’il met en elle ; il pourrait la sauver par sa seule puissance, sans aucune aide, quidquid Deus potest facere mediante secundo causa in génère causæ efficientis vel finis, potest immédiate per se, Ibid.

La nécessité de la grâce créée pour mériter la vie éternel le n’est que la nécessité d’un ordre établi par Dieu.

d) L’ordre de la grâce.
Les éléments primordiaux du mérite sont le libre arbitre et l’acceptation divine ; la charité infuse y est surajoutée. Le mérite paraît ainsi rencontre de la liberté humaine avec la liberté divine, dont nous allons dégager ici le sens :

a. La gratuité de l’acceptation. — Occam nous livre le sens de sa doctrine de l’acceptation dans un texte capital que nous citerons en entier :

Ideo dico qued ad hoc quod anima sit grata et accepta Deo, de potentia Dei absoluta nulla forma supernaturalis requiritur in anima et quacuir que posita in anima potest Deus de potentia sua absoluta illam non acceptare (contre Auriol ) ut sic semper contingenter et libère et misericordiler et ex gratia sua beatificat quemeumque ut ex puris naturalibus nemo possit mereri vitam œternam (contre Pelage), nec etiam ex quibuscumque donis collatis a Deo (contre Auriol ) nisi quia Deus contingenter, libère et misericorditer ordinavit quod habens talia dona possit mereri vitam œternam (c’est l’ordre que Dieu a établi et révélé), ut Deus per nullam rem possit necessitari ad conferendam cuicumque vitam œternam ; et sic etiam propria opinio maxime recedit ab errore Pelagii : ipse etiam Pelagius posuit quod, si aliquis habet actum bonum ex ger.cre, Dei s necessitatur ad conferendum sibi vitam aeternam et non mère ex gratia sua, ita quod necessario foret injustus si sibi non tribueret vitam œternam. Opinio autem prædicta, quamvis non ponat actum elicitum ex puris naturalibus sic necessitare Deum, ponit tamen aliquam supernaturalem formam creatam a Deo necessitare Deum. Ego autem pono quod nulla forma nec naturalis nec supernaturalis potest Deum sic necessitare, quin non includat contradictionem quod talis forma quæcumque prœvia beatitudini sit in anima et tamen quod Deus nunquam velit sibi conferre vitam œternam, imo ex mera gratia sua liberaliter dabit cuicumque dabit, quamvis de potentia ordinata aliter non posset facere propter leges voh ntarie et contingenter a Deo ordinatas, et sic loquuntur Sancti in ista materia, et ista opinio maxime recedit ab errore Pelagii, quæ ponit Deum sic non posse necessitari et non magis gratuitam et liberalem Dei acceptationem esse necessariem cuicumque. / Sent., dist. XVII, q. i, L, M ; cf. III Sent., q. v, L ; QuodL, VI, q. i, et Biel, Collect., i, dist. XVII, q. i, F.

La vie éternelle et une qualité de l’âme, quelle qu’elle soit, qui la précède, sont deux choses, qu’une toute-puissance peut séparer : ni un acte moralement