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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/510

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ONTOLOGISME. LES PRECURSEURS


et des psychologistes. - De l’orthodoxie…, p. 5. Mais Fabre lui-même, quoi qu’en dise J. Sans-Fiel, n’est pas d’un autre avis : pour lui, l’ontologisme est un « système qui admet, dans l’âme humaine, une connaissance immédiate de Dieu », Réponse aux lettres d’un sensualiste contre l’ontologisme, p. v, Paris, 1864 ; « cette philosophie soutient, en effet, que l’intelligence proprement dite, l’intellect pur, a pour objet le souverain Être ; que l’âme humaine est, de la sorte, constituée intelligente par une connaissance immédiate, quoique souvent irréfléchie, de l’Absolu, de l’Infini ; et que nous voyons en Dieu les idées générales, éternelles et absolues, qui éclairent notre intelligence… Si les platoniciens chrétiens de notre temps ont donné un nom nouveau à cette théorie, c’est pour mieux mettre en relief cette connaissance immédiate de l’Être infini… », ibid., p. 12-13 ; et enfin : « pour enlever au sophiste néopéripatéticien [le P. Ramière J un vain prétexte d’ignorance, résumons encore l’Ontologisme dans cette proposition : l’Intellect humain atteint essentiellement et immédiatement l’Être infini lui-même (non pas tel qu’il est en lui-même ou nu-dedans de lui-même) et voit en Lui les essences métaphysiques ou idées universelles, éternelles et immuables, des choses créées… ». Ibid., p. 52, note.

Ubaghs, rendant compte dans la Revue catholique de Louvain, « l’organe principal de l’école ontologiste », d’un autre ouvrage de Fabre, la Défense de l’Onlologisme…, formule ainsi occasionnellement ce qu’il appelle les propositions capitales de l’ontologisme : « Saint Thomas enseigne la première proposition capitale de l’ontologisme : l’identité de toute vérité intelligible avec l’être infini ; mais il n’admet pas la seconde : la vue immédiate de la vérité ou de l’être infini, par l’esprit de l’homme. » Cité par la Revue du monde catholique, 1863, t. vii, p. 262, note 2.

Si de Belgique nous passons en Italie, voici la théorie du P. Gætano Milone, « savant ontologiste », qui serait aussi celle du P. Vercellone et du « célèbre abbé François Seni » : « L’intelligible n’est pas une chose créée, mais il exprime, rigoureusement parlant, tout ce que nous connaissons c’e Dieu et de la vérité (qui est Dieu) et de ses prérogatives de toute espèce… L’intelligible nous vient du dehors et il est essentiellement objectif : notre esprit, d’abord dans un état habituel (la mémoire), et ensuite dans un état actuel (l’intellect), voit l’intelligible et le voit immédiatement. Or nous avons dit que l’intelligible est incréé, qu’il est la vérité, qu’il est Dieu ; donc de la même manière que notre esprit voit l’intelligible, il voit Dieu immédiatement. » Cité par Zigliara, Œuvres philosophiques, tred. Murguc, t. iii, Lyon, 1881, p. 434-435. — On trouvera encore deux descriptions intéressantes de l’ontologisme dans les Annales de philosophie chréchrétienne, février 1852, p. 122-123, celle-ci tirée du Compendium philosophiee. auctore M… : et février 1854, p. 155, celle-ci extraite du Journal historique et littéraire de Liège.

On voit que le Saint-Office, dans son décret du 18 septembre 1861, ne trahissait pas, quoi qu’ils en aient dit, la pensée des ontologistes, quaad il formulait ainsi la première proposition qu’il leur attribuait : Immediala Dei cognilio, habilualis sallem, inlettectui humano essenlialis est. ila ut sine ea nihil cognoscere possit : siquidem est ipsum lumen intellecluale. Denzinger-Eannwart, n. 1659. — Formule que les cardinaux Riario Sforza, archevêque de Naples, et Jocchim Pecci, évêque de Pérouse, reprenaient en’l’abrégeant dans leur Poslulatum contre l’ontologisme présenté au concile du Vatican : « La connaissance de Dieu directe et immédiate est naturelle à l’homme. » Cf. Annales de phil. chrél., novembre 1873, p. 326.

N.B. — Zigliara remarque à juste titre « que Yinnéité

de l’idée de l’infini, comme Vapriorisme de la démonstration de l’existence de Dieu, sont choses très différentes de l’ontologisme, et qu’on n’est point partisan de l’ontologisme pour être partisan de l’innéité ou de l’aphorisme. » Op. cit., t. ii, p. 390, note. Et le P. Ramière, ayant défini l’ontologisme : « le système d’après lequel l’esprit humain voit Dieu immédiatement en lui-même et voit en lui toutes choses », Revue du monde catholique, 1862, t. iv, p. 9, note, insiste pour qu’on maintienne bien « en lui-même » dans la définition de l’ontologisme, parce que, dit-il, « c’est la seule formule qui exprime nettement la doctrine ontologique dans ce qu’elle nous paraît avoir de contraire à la tradition chrétienne. Voir Dieu en lui-même c’est le voir sans aucun intermédiaire, non par une idée, mais.dans son être, de manière que l’intelligence se termine à l’être même de Dieu et atteigne sa substance, quoique peut-être elle n’atteigne pas certains attributs de cette divine substance. La formule : connaître Dieu immédiatement ne rend pas du tout la même idée, puisque dans la langue scolastique une connaissance est immédiate dès qu’elle n’est pas le résultat d’un raisonnement, alors même que l’objet ne serait pas connu en lui-même, mais seulement dans son idée. » Ibid., 1864, t. x, p. 187, note.

IL La tradition ontologiste. — Pour se faire recevoir dans les écoles catholiques, l’ontologisme s’est naturellement présenté sous le patronage de la « tradition » ; il s’est créé une généalogie. C’est elle que nous voudrions étudier maintenant, d’après les écrits mêmes des ontologistes, sans rechercher s’ils ont eu raison ou tort de se réclamer de tel ou tel auteur. Parlant de Malebranche, qu’il considère et que tout le monde regarde comme le plus authentique des ontologistes, Gioberti déclare « qu’il continue la chaîne de la véritable science, et qu’il remonte, en se rattachant à saint Bonaventure, à saint Augustin et aux Alexandrins, jusqu’à Platon. » Introduction…, t. i, p. 137. Plus loin, il ajoute de nouveaux chaînons : « La doctrine des anciens et des nouveaux platoniciens, la doctrine de saint Augustin, de saint Anselme, de saint Bonaventure, de Gerson, de Ficin, de Thomassin, de Gerdil, il nous faudra donc la répudier sous peine d’être panthéistes ? » Ibid., t. ii, p. 423. Fabre nous révèle encore d’autres ancêtres de l’ontologisme : « J’ai exposé l’Onlologisme d’après les plus grands penseurs, d’après les plus savants docteurs de l’Église. J’ai répété ce que disent saint Augustin, saint Bonaventure, Henry de Gand, Denis le Chartreux, Bossuet, Fénelon, Leibniz, Gerdil. » Réponse…, p. 44. Un article de la Civiltà cattolica, reproduit par les Annales de phil. chrét., février 1854, p. 154, précise ainsi l’apport de quelques-uns des pères de l’ontologisme à cette doctrine : « Platon a rapporté l’origine de toute science à la contemplation de l’absolu ; les Arabes du Moyen Age ont eu recours à l’intellect unique et universel ; Marsile Ficin, venu à l’époque de la Renaissance, a renouvelé l’opinion platonique, en affirmant que nous avons toujours présente à l’esprit l’idée de Dieu, dans laquelle et par laquelle nous connaissons toutes choses, bien que nous n’en ayons aucune conscience ; Malebranche a imaginé voir dans saint Augustin la théorie de la vision en Dieu, et s’est vu suivi en ce point par Thomassin et par Fénelon ; Gerdil, dans le siècle dernier, a soutenu dans sa jeunesse la théorie de Malebranche, mais il a paru ensuite la répudier dans un âge plus mûr ; de notre temps Victor Cousin, avec le troupeau de ses éclectiques, nous propose la même doctrine sous l’étiquette de Raison impersonnelle ; et, ce qui semblerait incroyable, il a trouvé des échos ou des copistes dans l’abbé Maret en France, et d^ns quelques professeurs catholiques de Louvain, en Belgique. »