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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/57

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    1. NESTORIUS##


NESTORIUS. INTERVENTION DE ROME

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capitale, importunaient le pouvoir civil de leurs réclamations, et s’efforçaient de rallier à leur cause l’archevêque lui-même. Celui-ci demanda au pape, à plusieurs reprises, des explications sur leur affaire ; il semblait ne pas exclure absolument l’hypothèse d’une injuste condamnation. Voir p. 16C, 1. 12 : indignatio tua quæ contra eos forte probata est, et cf. Epist., ui, p. 170, 1. 17, non condolere (eis), si calumniam sustinent, durum et impium est. A coup sûr, continuait-il, il n’entendait pas remettre en question le jugement pontifical : il voulait seulement le connaître, avec ses considérants, pour se faire à lui-même une religion. De tels mots arrivant à Rome, où l’on avait eu tant de peine à liquider l’affaire pélagienne, ne pouvaient qu’impressionner fâcheusement. Que seraitce quand on apprendrait par Marius Mercator que Nestorius, insuffisamment renseigné sur le cas de Célestius lui avait envoyé un billet d’encouragement’? Epist., iv, Nestor., p. 172 ; Coll. palat., n. 35, A. C. O., i, 5, p. 65. Et les serinons prêches ensuite par lui contre les pélagiens n’atténueraient qu’insuffisamment cette regrettable impression. Ibid., n. 30-34, p. 60-05.

Et puis dans les lettres qu’il écrivait à Rome, l’archevêque insistait plus que de raison sur les combats menés par lui à Constantinople contre un apollinarisme qu’il décrivait assez confusément. Ce qu’on retiendrait, c’était une charge assez vive poussée par lui contre le Théolokos : (uirginem) enim theolocon vocantes non perhorrescunt, écrivait-il. Nestor., p. 167, 1. 5. A Rome l’on pensa qu’il n’y avait, dans cette appellation, rien de particulièrement « horrible », qu’elle était traditionnelle, que tout ce ramage mené contre elle pouvait provenir d’une théologie de l’incarnation mal assurée.

L’Occident avait connu, en effet, au cours des années précédentes une controverse théologique sur un sujet analogue. Si l’affaire de Léporius (voir ce mot, t. ix, col. 434) n’avait guère fait de bruit en dehors du midi de la Gaule et de l’Afrique, elle avait été suivie par un théologien qui possédait alors toute la confiance du Saint-Siège. Rome ne pouvait pas l’avoir entièrement ignorée, d’autant que Cassien avait trouvé le moyen de la bloquer avec la question pélagienne. Quand les premières rumeurs arrivèrent à Rome, sans doute au cours de 429, touchant les troubles de Constantinople, on décida de consulter le moine de Marseille. Sans doute on avait déjà connaissance du placard d’Eusèbe assimilant Nestorius à Paul de Samosate ; on avait peut-être des renseignements de Marius Mercator qui brouillait l’histoire de Pelage, celle de Théodore de Mopsueste, celle de Nestorius ; on avait enfin les ouvrages mêmes de ce dernier, car, pour que nul n’en ignorât, Nestorius avait pris soin d’envoyer au pape un recueil de ses homélies. Sur ce dernier point, voir la lettre de Célestin à Nestorius. Jaffé, Regesla, n. 374. C’est tout ce dossier qui dut être envoyé à Marseille, avec une lettre de l’archidiacre Léon, le futur pape. Cf. Ed. Schwartz, Konzilsiudien, i, Cassian und Nestorius, Strasbourg, 1914, p. 1-17.

2° Le rapport de Cassien. — C’est le titre qu’il conviendrait de donner, semble-t-il, au traité intitulé : De incarnatione Christi libri septem. Texte dans P. L., t. i., col. 9-272, et mieux dans le Corpus de Vienne, t. xvi j, p. 235-391. Mais quel singulier rapport ! Avec son tempérament de lutteur, le moine de Marseille comprend qu’on lui demande de descendre dans l’arène pour combattre une nouvelle hérésie et venger l’honneur du Christ outragé. Avec son âpreté de logicien, il entend qu’il s’agit d’établir la filiation entre cette aberration doctrinale et le pélagianisme qui préoccupe l’Occident, qui le préoccupe lui-même. Au lieu

donc de renseigner ceux qui le consultent sur les tenants et aboutissants des problèmes soulevés, le voilà qui s’applique avant tout à « rendre l’affaire bien criminelle ». Une cascade de sorites lui permet d’établir que la doctrine pélagienne n’est au fond qu’un adoptianisme qui s’ignore, que Léporius a dû aux influences pélagiennes les fâcheuses théories dont il a su heureusement se guérir, que la même idée se retrouve dans les homélies de Nestorius. Et voici comme, en deux traits, Cassien esquisse la pensée de l’archevêque de Constantinople : « Jésus-Christ, né de la Vierge, est un homme ordinaire (homo solilarius) ; ayant pris le chemin de la vertu, il a obtenu par sa vie pieuse et religieuse, par la sainteté de son existence que la majesté divine s’unît à lui ; sa dignité lui vient non pas de la splendeur de son origine, mais des mérites qu’il s’est acquis. Ce qu’il a mérité de devenir, les autres hommes peuvent aussi le mériter. » L. V, c. i, col. 95-96 ; cꝟ. t. VI, c. xiv, col. 171 B, où le parallélisme entre Nestorius et les pélagiens est poussé jusqu’au paradoxe.

Il vaudrait la peine d’insister sur la christologie que Cassien développe en opposition avec ce qu’il pense être l’idée de Nestorius ; on verrait que leur terminologie est sur certains points sensiblement identique, qu’en tout cas la pensée du moine marseillais est infiniment plus rapprochée de celle de Nestorius que des concepts cyrilliens. A coup sûr, si l’évêque d’Alexandrie avait eu entre les mains le De incarnatione de Cassien, il n’eût pas hésité à le classer parmi les productions de l’esprit « hestorien ». Fidèle en effet à la vieille terminologie occidentale, l’auteur n’hésite pas à désigner la nature humaine du Christ par le terme concret : homo assumptus, homo dominicus, homo unilus Deo, homo susceptus. Cf. col. 38 B, 39 A, 185 A, 236 B, etc. Et pour parler de l’union de cette nature avec le Verbe, il emploie sensiblement les mêmes expressions que Nestorius : Deus natus in homine, col. 39 A, 183 B, etc. ; homini Deus compassus, col. 185 A. Seulement il imagine que celui-ci ne fait descendre la divinité dans l’homme qu’au cours de la vie de Jésus, tu in baplismo lemplum Dei (Christum) esse faclum (asseris), col. 171C, tandis que, pour son propre compte, il admet que cette descente a eu lieu dès la conception du Sauveur ; p » ur un peu il avouerait qu’il n’y a entre les deux systèmes qu’une question de temps. Voir surtout 1. f, c. vi, col. 44 : Temporis ergo i nier nos forsitan puletur magis quam rei esse dislanlia, quia divinitatem quam nos cum Domino Jesu Christo nalam, lu poslea dicas infusam. Et il lui arrive d’exprimer l’idée de l’union entre les deux natures par l’unité de vertu et de majesté. Voir l.IV, c. viii, et la très curieuse note d’Alard Gazet au bas de la col. 84. Sans doute, fidèle ici encore à la terminologie occidentale, il rejette l’expression « deux personnes », col. 144 B, avec la même énergie que Nestorius met à rejeter celle de « deux fils » ; il parle de Vuna subslantia, col. 57 C : in una eademque substantia Deum et Jesum esse credamus ; de Yuna persona, col. 59 B : ubi vides inseparabilem penilus Christi ac Dei esse subslantiam, inseparabilem quoque agnosce esse persona.m. Mais ses idées sont loin d’être claires et ses définitions sont vacillantes ; il ne se défend ni contre l’absorption de la nature humaine dans la divinité, ni contre le monénergisme qui en est la conséquence, cꝟ. t. III, c. iii, où il s’agit, il est vrai, du Christ ressuscité. Loin de nous, l’idée de faire à Cassien un reproche de n’avoir pas anticipé les termes de la théologie postérieure ; mais la même indulgence dont il a besoin aujourd’hui, il aurait pu la mettre à examiner les écrits qui lui étaient soumis. Chez Cyrille, chez Cassien, comme chez Nestorius, la terminologie se cherchait, les pensées elles-mêmes étaient hési B1BLIOTHECA 1