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ORGUEIL — ORIENTALE (MESSE ;

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dation morale de l’orgueil, Billuart rapporte (t. viii, itiss. VII, a. 4, § 2), non sans les préciser et ordonner, les opinions de Silvius (Comm. in Sum. theol., IP-II iii, q n. xii, a. 5) et de Navairus (c. xiii, n° 8 ; cf. Tolet. De septem peccatis, c. iv), jugeant mortel l’orgueil pleinement délibéré des deux premières espèces ; dans les troisième et quatrième, l’orgueil ne semble être mortel que pour les matières de grande importance, comme si un ignorant prétendait à l’excellence de guérir les malades ou de plaider les procès, au grand dam du prochain ; ou dans le cas d’une singularité gravement méprisante du vulgaire. Une irrévérence grave à l’endroit de Dieu peut aussi se rencontrer en ces deux dernières espèces.

2. Saint Jean de la Croix a décrit les imperfections des débutants de la vie spirituelle — d’où se déduit la nécessité d’une purification — selon les sept péchés capitaux. Le premier en est l’orgueil. La nuit obscure de l’âme, t. I, c. n. La substance de l’exposé est empruntée à une expérience attentive, sûre et impitoyable des personnes de dévotion ; et l’on évoque devant ces pages les judicieuses et piquantes observations d’un Cassien ou d’un saint Grégoire signalées, plus haut. On a affaire ici avec de l’orgueil authentique, où l’homme recherche sa propre excellence en matière de dévotion et de vertus, par un travers que n’avaient pas manqué de dénoncer les anciens auteurs.

Bossuet présente une théologie de l’orgueil au cours de son Traité de la concupiscence. On y rencontre d’exactes définitions, et dans une langue admirable (v. g. : « L’orgueil dont nous parlons consiste dans une certaine fausse force, qui rend l’âme indocile et fière, ennemie de toute contrainte ; et qui, par un amour excessif de sa liberté, la fait aspirer à une espèce d’indépendance : ce qui est cause qu’elle trouve un certain plaisir particulier à désobéir, et que la défense l’irrite » c. xiv) ; on n’y doit point rechercher toutes les finesses des discernements techniques. Les parties de la doctrine qui prêtent le mieux à l’éloquence et à l’invective sont aussi les plus développées ; et Bossuet le fait avec une puissance étonnante de pénétration psychologique, mais une inclination prépondérante pour la sévérité morale. Dès lors, et bien qu’il ne dise rien que de juste, cet auteur propose une doctrine excessive, et qui n’exprime pas le sentiment authentique de la théologie chrétienne.

Pascal a pensé sur l’orgueil. Il a dénoncé ce péché comme l’un des excès où verse infailliblement notre nature, sans Jésus Christ, Pensées, éd. Brunschwig, 527 ; cꝟ. 524 ; comme une source de nos misères, 497 ; comme un caractère inévitable de la sagesse humaine, 460 ; comme le contre-poids de toutes nos misères, dont il n’est pas une où l’orgueil ne trouve son aliment, 153, 405-407 : fragments théologiques, au service du dessein majeur de l’Apologie.

3. Nos moralistes français n’ont pas manqué de décrire un vice aussi commun que l’orgueil. Le théologien doit prendre garde de ne pas dédaigner ces contributions, dont la valeur tient quelquefois à des origines chrétiennes, le plus souvent à la finesse et à la précision de l’observation humaine. La Rochefoucauld a consacré à l’orgueil un grand nombre de maximes, et l’on peut agréer la vérité de ces pensées particulières, sans reconnaître la valeur universelle et systématique que semble leur donner la rédaction. La distinction de l’orgueil, de la vanité, de l’amourpropre n’est pas toujours sûre chez cet écrivain. En revanche, il abonde sur la nature et davantage sur les effets de l’orgueil. Vauvenargues a corrigé en cette matière plusieurs maximes du Due. La Bruyère n’a qu’un mot sur l’orgueil. Mais Joubert : i traduit dans un vocabulaire délié plusieurs menues pensées relatives à ces choses morales.

Sur les mots : E. Littré, Dictionnaire de la lamine française, aux mots Excellent, Orgueil, Superbe ; Forcellini, Lexicon, Prato, aux mots Superbia, Superbio, Superbus ; A. Hermant, Xavier ou les entretiens sur la Grammaire française, c. Eraio, Paris, 1928, p. 143.

Pères et auteurs ecclésiastiques. — S. Augustin, De civilaleDeiJ. XIV, c. xiii, P. L., t. xli, col. 420-422 ; De natura et gratia, c. 29, P. L., t. xliv, col. 263 ; Enchiridion, c. xlv, P. L., t. XL, col. 254 ; Cassien, De cœnobiorum instituas, t. XII, P. L., t. xlix, col. 419 sq. ; Collaiio V, De oclo principalibus vitiis, ibid., col. 609 sq ; S. Benoit, Régula, c. vii, P. L., t. xlvi, col. 372 sq ; S. Grégoire le Grand, Moralia, l. XXIII, c. vi, xvii ; I. XXXI, c. xlv ; t. XXXIV, c. xxii-xxiii, P. L., t. lxxvi, passim ; S. Isidore, Etnmologite, x, P. L., t. lxxxii, col. 393 ; Sententio’, t. II, c. xxxviii, P. L., t. lxxxiii, col. 639-640 ; S. Bernard, De nradibus Iiumilitatis, P. L., t. ci.xxxii, col. 940 sq. ; Eadmer, Liber de sancti Anselmi simililudinibus, c. xxii sq., P. L., t. clix, col. 612 sq.

Théologiens. — S. Thomas d’Aquin.Qua’si’. disp. demalo, q. viii ; Sum. theol., I », q. lxiii, a. 1-3 ; II a -ÏI ffi, q. clxiic. i.xiii ; et les autres endroits cités dans l’article ; avec le commentaire de Cajetan ; Lessius, De justilia et jure, t. IV, c. iv, dubit. viu-x ; Navarrus, c. xiii, n. 8 ; Tolet, De septem peccatis, c. iv ; Silvius, Commentaria in Sum. theol., II » -Iiæ, q. clxii ; S. Alphonse de Ligori, Theoloma moralis. t. V, tract. De peccatis, c. 3, dub. 1, éd. Gaudé, t. ii, p. 752-753 ; et les manuels de théologie morale.

Divers. — S. Jean de la Croix, La nuit obscure de l’âme, t. I, c. n ; Bossuet, Traité de la concupiscence ; Pascal, Pensées ; La Rochefoucauld, Maximes, coll. des Grands écrivains de la France, t. i, max. 33-37, 173, 225, 228, 234, 239, 254, 267, 281, 285, 358, 450, 462, 463, 563, 568, 589, 601 ; Réflexions diverses, p. 345 (les corrections de Vauvenargues sont citées dans cette édition) ; I.a Bruyère, Les caractères, Des biens de fortune, coll. des Grands écrivains de la France, n° 57, t. i, p. 201 ; Joubert, Pensées, titre v, 89-97, et les autres ouvrages cités au cours de l’article.

Th. Deman.


ORIENTALE (MESSE). — Le but de cet article est exclusivement de décrire la messe, telle qu’elle est célébrée aujourd’hui dans les différentes liturgies orientales. On laissera donc aux publications spéciales relatives à la liturgie les questions parfois fort difficiles qui se rapportent à l’origine et au développement des diverses cérémonies et l’on n’insistera sur les rapprochements entre une liturgie et les voisines, que dans le cas où ces rapprochements sont tout à fait obvies. Pour ce qui est de l’état primitif des liturgies orientales, l’essentiel a été dit à art. Messe (dans la liturgie), t. x, col. 1345-1365. —


I. Généralités.
II. La messe dans le rit antiochien (col. 1440).
III. La messe dans le rit byzantin (col. 1465).
IV. La messe dans le rit alexandrin (col. 1476).
V. Conclusions (col. 1485).

I. Généralités. —

1° Différences avec les liturgies latines. —

Il ne nous appartient pas de soulever le. problème si intéressant et si débattu de la correspondance que pourraient avoir ces liturgies entre elles ; mais les divergences peuvent se ramener à deux points principaux : la composition de la liturgie, et les paroles de la consécration.

1. Le calendrier a guidé la composition des liturgies latines ; c’est pourquoi on trouve le temporal et le sanctoral, avec des parties qui varient d’un jour à l’autre. Outre les lectures, ce sont les oraisons, les préfaces, les secrètes ; ce sera l’omission du Gloria ou du Credo. Au contraire le canon est invariable, sauf quelques légères exceptions.

Dans les liturgies orientales, la composition de la messe est indépendante de la fête des saints ou du calendrier. — Il est vrai que dans quelques rits on trouve une hymne propre à la solennité, mais qui n’est pas obligatoire, et l’on peut se servir tous les jours