Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1435
1436
ORIENTALE (MESSE). GÉNÉRALITÉS


de l’hymne commune. — Aussi, dans les liturgies orientales, à l’exception des lectures, la messe des catéchumènes est invariable ; par contre l’anaphore — partie correspondant au canon de la messe romaine — l’anaphore varie. Le célébrant peut choisir, ad libitum, une des anaphores du rit. Toujours dans le même cadre et avec le même thème, les différentes parties de l’anaphore ont un développement plus ou moins grand. Le nombre des anaphores varie d’un rit à l’autre. La liturgie arménienne n’en a qu’une, alors que les jacobites en possèdent plus de cent.

2. Quoique toutes ces anaphores soient différentes, cependant le récit de la cène et les paroles de la consécration sont toujours empruntés à saint Paul, I Cor., xi, 23, in qua nocte tradebatur…, alors que les latins se sont servis de la formule : qui pridie quam pateretur… A la fin de la consécration du pain, on ajoute, en Orient, quod datur vobis in remissioncm peccatorum et in vitam œternam. Amen. Voilà le second point de divergence entre les deux liturgies. Ce sont là deux points distinctifs ; si l’on en tient compte, on peut sans trop de difficultés distinguer une liturgie orientale d’une occidentale. Si l’une des liturgies a perdu avec le temps la formule primitive en adoptant l’autre, cela ne change en rien sa nature : ainsi trouve-t-on dans quelques manuscrits de la liturgie mozarabe, la formule orientale, comme on trouve le pridie… dans les liturgies maronite, chaldéenne et syro-malabare ; cf. art. Mozarabe (Liturgie), t. x, col. 2540.

Nombre des liturgies orientales.

Ces caractères

communs aux liturgies orientales ne s’appliquent pourtant pas à une liturgie unique.

En effet, en Orient, on est en face de deux grandes familles liturgiques : la liturgie d’AntiocheJérusalem et celle d’Alexandrie, toutes deux antérieures au ive siècle. Chacune formera dans la suite plusieurs types de liturgies que nous appelons rit. (Cette transcription du mot rit sera même maintenue au pluriel pour établir une distinction entre rite, mot réservé dans cet article pour désigner les cérémonies liturgiques par exemple : les bénédictions, la messe, etc., et rit, type d’une famille liturgique : exemple : le rit arménien, persan…, etc.) Dans la liturgie d’Antioche on a actuellement trois rits syriaques : syriaque pur ou jacobite, maronite et nestorien ou persan. Cette même liturgie d’Antioche, avec une influence marquée de l'Église de Césarée de Çappadoce, donnera le rit byzantin pur. Quant au rit arménien il a subi la double influence de Césarée et d'Édesse.

La liturgie alexandrine, de son côté, n’a donné que deux rits : le rit copte et le rit éthiopien ou abyssin.

Chaque rit a subi, avec le temps, l’influence des rits voisins et quelquefois cette influence est réciproque. 3° La différence entre les rits orientaux.

Ce qui

diversifie un rit d’un autre, ce n’est pas la langue dans laquelle il est célébré. La même liturgie byzantine est célébrée en grec, slavon, arabe, roumain… en français et même en chinois. Elle le fut à un moment, en syriaque. Cf. un manuscrit en cette langue, à la bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban). Le rit n’est pas devenu pour cela, slave, arabe ou syriaque. Ni la liturgie de saint Jacques n’est devenue byzantine pour être rédigée en grec.

L’usage de se servir de deux langues existe dans quelques rils. Les Grecs de Syrie et d’Egypte se servent simultanément dans la même liturgie du grec et de l’arabe ; les maronites et les jacobites uniates, du syriaque et de l’arabe. Quant aux coptes, ils emploient le copte et l’arabe. On peut conclure qu’en Orient la question de la langue, dans la liturgie, n’a pas une importance aussi grande qu’en Occident et que les Orientaux se sont toujours accommodés à la langue du peuple.

La divergence réelle entre les liturgies eucharistiques consiste dans l’arrangement différent des actes, dans leur omission ou bien dans l’introduction de nouveaux actes. Quant au fond, c’est le développement spécial plus ou moins grand donné à telles ou telles prières, avec les mêmes parties essentielles à toute liturgie. 4° Origine des rits.

Pourquoi cette multiplicité

de rits, en Orient, alors qu’au ive siècle on n’avait que deux familles liturgiques : à Antioche et à Alexandrie ? Si nous parlons de la liturgie d’Antioche et de celle d’Alexandrie, il ne faut pas croire, pour cela, que toutes les Églises fdiales de l’une ou de l’autre métropole se servaient d’un texte identique ; à ce moment on n’avait pas les conceptions strictes de la liturgie, que nous avons, et l’on était plus ou moins libre de modifier les prières et les rites. Penser que les diverses communautés avaient un missel approuvé par le métropolitain et identique à celui de l'Église-mère, c’est prêter au ive siècle des conceptions toutes modernes. Cette époque touche à la période où la liturgie était encore improvisée.

La divergence est nettement marquée entre Antioche et Alexandrie, parce que ce sont deux métropoles indépendantes, ayant eu un passé liturgique à part, et — ne l’oublions pas — ayant eu deux écoles continuellement en lutte.

Ce qui amènera dans chaque famtlle la distinction de plusieurs rits, ce seront principalement les schismes qui ont déchiré pendant trois siècles l’Orient. C’est donc le fait qu’une « nation » a rompu ses rapports avec la nation voisine ou sa métropole ecclésiastique, par particularisme national, à l’occasion d’une condamnation fulminée par un concile. La question de l’origine n’est pourtant pas claire pour tous les rits. 5° Classement des rits orientaux.

1. La liturgie

d’Antioche. — a) Le rit persan. — L’anaphore de saint Jacques, qui est proprement celle d’Antioche, semble avoir été déjà en usage, dans le texte grec et peut-être syriaque, quand Nestorius fut condamné au Concile d'Éphèse (431). L'Église de Perse, dans le demi-siècle qui suivit, se trouva séparée de la catholicité ; mais cela n’amena qu’assez lentement la distinction entre rit antiochien pur et rit persan ou nestorien ; car c’est bien tard que l’on trouve l’anaphore des « Apôtres Addée et Maris » révisée par le catholicos Iso’yahb 111 (650), cf. Janin : Les Églises orientales et les rites orientaux, p. 533-534.

Ce rit existe encore en Perse et Mésopotamie, c’est pourquoi on le désigne sous le nom de nestorien, pt rsan, ou rit des Syriens orientaux. Le nom de chaldéen est réservé à la branche revenue à l’unité catholique, depuis Je xvie siècle (1553). Elle garde sa liturgie primitive. La liturgie persane a subi avec le temps l’influence byzantine.

On rencontre une autre branche, sur la côte malabare ; cette fois, c’est une influence romanisante qui s’est exercée sur ce rit, par les missionnaires latins ; le synode de Diamper (1599) accentua encore la latinisation de ce rit, qui a reçu le nom de Syro-malabare. Cf. art. Nestorienne (Église). Pour les corrections faites au rit malabare, voir Le Brun, Explication de la messe, t. iii, p. 451-467.

b) Le rit jacobite ou syriaque pur. — En Syrie, là branche restée fidèle au Concile d'Éphèse (431) était du rit syriaque pur : elle célébrait sa liturgie en grec, à Antioche, et en syriaque peut-être à Édesse et dans les petites localités. L’hérésie monophysite divisa à son tour cette branche catholique en deux groupes : les catholiques, partisans du concile de Chalcédoine (451) et de l’empereur, recevront le nom de « melkites », quant aux monophysites, ils seront nommés, en Syrie jacobites, probablement du nom de Jacques Baradai († 578). Ce dernier groupe se servira dorénavant de la