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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. LA SAINTE ÉCRITURE

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clie. mais nette et précise. Origène n’a nullement prétendu à l'éloquence ; il faut lui savoir gré de recourir aux procédés de la rhétorique seulement dans la mesure où aucun esprit cultivé, de son temps, ne pouvait s’en passer. Certaines parties de ses homélies nous ouvrent un jour sur l’histoire intérieure de l'Église au iiie siècle, et ne manquent pas de vie ni d’accent : dans quelques pages de ses traités dogmatiques, l'élévation <le la pensée communique au style même une fermeté et une grandeur qui ne sont pas sans beauté. » A. Puech, Hist. de la litlér. grecque chrétienne, t. ii, p. 437-438.

III. L'Écriture, la tradition et la philosophie dans la méthode d’Origène. — Lorsqu’on se trouve en présence d’une œuvre aussi considérable que celle d’Origène, la première question qui se pose est celle de la méthode selon laquelle il convient d’en aborder l'étude. Elle revient au fond à se demander ce qu’a prétendu faire l'écrivain dont on s’occupe, car il est évident qu’on ne comprendra bien ses ouvrages qu'à la condition de se placer au même point de vue qu’il a envisagé lui-même : et l’on ne traitera pas de la même manière un exégète qui cherche dans l'Écriture sainte la formule divinement inspirée de sa croyance ou un philosophe qui spécule librement sur les problèmes les plus complexes de la métaphysique.

Origène a été essentiellement un bibliste, et c’est là, semble-t-il, ce qui conditionne toute sa carrière scientifique. La Bible est au point de départ de sa pensée : tout enfant, il en lisait déjà les différents livres sous la conduite de son père ; jamais il n’a cessé de l'étudier et de l’expliquer. Il a passé de longues années à en établir le texte, à comparer entre elles les diverses traductions grecques et à noter leurs rapports avec l’original hébreu. Il s’est plu à chercher la signification des noms propres de l’Ancien et du Nouveau Testament et il a peut-être consigné le résultat de ses recherches dans un Onomaslicon. Lorsqu’il a prêché, et nous avons vu combien grand était le nombre de ses homélies, il a toujours expliqué la Bible à ses auditeurs de Césarée : nous ne connaissons pas un seul de ses sermons qui ne soit consacré à l’interprétation d’un passage de l'Écriture, et ce sont parfois des commentaires presque entiers des Livres saints qu’il a donnés sous forme de sermons. Lorsqu’il a écrit, il a le plus souvent commenté la Bible : deux seulement de ses grand ouvrages, le Contre Celse et le De principiis sont autre chose que des commentaires ; encore suffit-il d’ouvrir ces livres, tout de même que le De oratione ou l 'Exhortation au martyre, pour voir la place qu’y occupent les textes scripturaires ; certaines de leurs pages en sont complètement tissées.

On ne veut pas dire par là qu’Origène n’a pas fait preuve d’originalité, nous verrons au contraire qu’il a déployé, au service de l’exégèse, toutes les ressources d’un esprit extraordinairement prompt et audacieux. Mais il reste que sa pensée a été informée en quelque manière par les Écritures, qu’elle s’est toujours adaptée à elles, et que, jusque dans ses spéculations les plus aventureuses, elle a cherché à s’appuyer sur des autorités bibliques. On explique ainsi le caractère de ses raisonnements qui ne se développent pas à l’aise, s’ils ne sont pas consacrés à l’explication d’un texte, et même certaines de ses affirmations, ou tout au moins de ses recherches, qui trouvent leur point de départ en une citation mystérieuse et qui ne s’arrêtent pas avant d’en avoir proposé un commentaire.

L’n seul homme, dans l’antiquité chrétienne, pourrait être comparé à Origène pour l’ampleur de son érudition biblique : saint Jérôme. Encore saint Jérôme est-il inférieur à Origène qu’il traduit souvent, à qui il emprunte plus souvent encore, et dont il n’a jamais les splendides élans vers les cîmes.

1° Inspiration de l'Écriture. —

Ce qu’Origène respecte avant tout dans l'Écriture, c’est son origine divine. La Bible tout entière, Ancien et Nouveau Testament, vient de Dieu, et entre tous ses Livres éclate une merveilleuse harmonie : « Ceux qui ne savent pas reconnaître l’harmonie divine des Livres saints croient parfois sentir une dissonance entre l’Ancien Testament et le Nouveau, entre la Loi et les Prophètes, entre les Évangiles comparés les uns aux autres, entre Paul et ses collègues dans l’apostolat. Mais un homme exercé dans cette musique divine, sage en paroles et en œuvres, véritable David, aux mains habiles, selon l'étymologie de ce nom, saura exécuter cette symphonie, entendant à propos tantôt les cordes de la Loi, tantôt celles de l'Évangile qui résonnent à l’unisson, tantôt celles des prophètes ou celles des apôtres qui s’accordent également. Car toute l'Écriture est un divin instrument parfaitement réglé, dont les sons différents forment un merveilleux concert. » Philocalie, vi, 2, P. G., t. xiii, col. 832. Ceux contre lesquels lutte ici Origène sont les marcionites ; il n’est guère d’hérésie qu’il ait combattue avec plus d’acharnement que celle de Marcion ; et, nous le verrons, il s’agit beaucoup moins pour lui, lorsqu’il le fait, de prouver l’unité métaphysique de Dieu que de montrer l’harmonie des deux Testaments qui se réclament d’un seul et même auteur divin.

Que ces livres soient divins, en effet, voilà pour Origène une vérité à peu près évidente : du moins la démonstration de cette vérité se confond-elle avec la preuve de la divinité du christianisme : « En démontrant brièvement la divinité de Jésus par les prophéties qui le concernent, nous démontrons du même coup l’inspiration des Écritures contenant ces prophéties, comme aussi celle des écrits où sa vie terrestre et son enseignement sont rapportés avec tant de force et d’autorité qu’ils ont opéré la conversion des Gentils. L’inspiration des prophéties et le caractère spirituel de la Loi mosaïque ont éclaté à tous les regards à l’avènement de Jésus. Auparavant, il n'était guère possible de prouver avec évidence l’inspiration de l’Ancien Testament. Mais la venue du Messie a fait voir clairement à ceux qui pouvaient suspecter l’origine divine de la Loi et des Prophètes qu’ils ont été vraiment écrits sous l’influence de la grâce céleste. Bien plus, quiconque lira avec attention les paroles des prophètes se convaincra sans peine, à l’enthousiasme dont il sera rempli, que ces livres sont bien de Dieu et n’ont pas des hommes pour auteurs. La lumière dont resplendit la loi de Moïse était jadis couverte d’un voile ; à l’avènement de Jésus, le voile s’est écarté et les biens dont la lettre était la figure ont brillé à tous les regards. » De princ, IV, vi, P. G., t. xi, col. 352-363.

Origène ne s’intéresse guère à la psychologie du prophète ; tout au plus tient-il à faire remarquer que celui-ci n’est pas un de ces extatiques, semblables à ceux dont se glorifiait naguère le paganisme ou encore à ceux qu’exaltaient les adeptes de Montan. Depuis longtemps, l'Église admettait que le véritable prophète ne doit pas « parler en extase », selon la formule de Miltiade, et que l’inspiration est incompatible avec le désordre mental. Origène, lorsqu’il réfute les opinions de Celse, se trouve amené à insister sur ce point : « S’il est vraiment participant de l’Esprit de Dieu, il faut que l’homme inspiré tire de ses oracles plus de profit que ceux qui viennent le consulter… et qu’il ait toute sa lucidité d’intelligence précisément à l’heure où la divinité réside en lui. Les prophètes juifs, éclairés vraiment de l’Esprit de Dieu, comme nous le démontrons par les saintes Écritures, étaient les pre-