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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/195

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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. DIEU, LA TRINITÉ

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l'économie divine. Autant il était en quelque sorte naturel que le Père eût un Verbe pour accomplir l'œuvre de la création, autant le rôle du Saint-Esprit était difficile à tracer et à définir. Il n’est sans cloute pas exact d’affirmer que le Verbe a été imposé à Origène par ses opinions sur la transcendance de Dieu : c’est aussi dans l'Écriture et dans la tradition de l’glise qu’Origène a trouvé le Verbe, et nous aurons l’occasion de montrer que le Verbe dont il parle est bien celui qui s’est incarné en Jésus. Mais il reste que la philosophie s’accommode sans aucune peine du Verbe, instrument de la création et médiateur entre Dieu et le monde, tandis qu’elle n’a que faire de l’Esprit-Saint.

D’autre part, Origène s’efforce d’expliquer l'Écriture de son mieux, et il arrive que ses propres idées se sentent un peu à l'étroit dans les moules exégétiques où il doit les couler. Il n’y a donc pas à s'étonner des imprécisions qui se manifestent dans sa doctrine de la Trinité. De ces imprécisions, nous allons trouver de nouvelles preuves.

3° Le problème de la subordination des personnes divines.—

De très bonne heure, Origène a été accusé de subordonner le Fils au Père et le Saint-Esprit au Fils, de manière à établir entre les personnes divines une hiérarchie. Le reproche, formulé par saint Épiphane, Hæres., lxiv, 4, P. G., t. xli, coI. 1076, a été repris par saint Jérôme, Episl., cxxiv, ad Avil., 2, P. L., t. xxii, col. 1060, par Théophile d’Alexandrie, par Justinien, et, de nos jours, nombreux sont les historiens qui l’ont trouvé fondé.

Il faut, avant tout, citer un long passage du commentaire sur saint Jean qui est très caractéristique : Origène explique ici le premier verset de l'évangile, et il remarque que l'écrivain inspiré use d’une remarquable prudence en employant ou en omettant l’article devant le mot Dieu. « Il le place, déclare-t-il, lorsque le nom de Dieu est appliqué à l'être inengendré auteur de l’univers ; et le supprime lorsqu’il nomme le Verbe Dieu. Or, faites attention que, de même que, dans ce premier verset de l'évangéliste. Dieu, ô 0e6ç, diffère de un Dieu, 0e6ç, le Verbe, ô Aôyoç, diffère de un Verbe, Xôyoç ; car, de la même manière que le Dieu qui est au-dessus de tout est Dieu et non pas un Dieu, de même le Verbe, source de celui qui est dans toutes les natures raisonnables, est le Verbe absolument, tandis que le verbe particulier qui est en chacun de nous est improprement appelé du même nom que le Verbe premier. Par là on peut résoudre une difficulté troublante pour beaucoup de personnes qui se font honneur d’aimer Dieu et qui, craignant de proclamer deux dieux, et pour cette raison se jetant dans des opinions fausses et impies, ou bien nient que la personnalité, îS'.ÔTTjTa, du Fils soit autre que celle du Père, ou bien admettent sa personnalité distincte et rejettent sa divinité. Oui, doit-on leur répondre, Dieu est le Dieu en soi, otÙToŒoç ; c’est pourquoi le Seigneur dit dans la prière à son Père : afin qu’ils te connaissent, le seul vrai Dieu. Tout ce qui est au-delà de Dieu en soi a été fait Dieu par la participation de ce dernier, et serait plus exactement appelé un Dieu que Dieu :

7TÔCV Se TTOCpà TÔ (XÙtoOsOÇ, |ZETOJ(fj Tïjç êxsÈVOU GeOTTJTOÇ

6eo7roioi)(isvov, où^ ô 0e6ç, àXXà 6s6ç. « C’est à ce titre qu’est Dieu le premier-né de la création. Étant auprès de Dieu, il a le premier attiré à soi de la divinité ; c’est pourquoi il mérite plus d’honneur que les autres qui sont auprès de Dieu, et dont Dieu est le Dieu d’après ce mot : « Le Seigneur, Dieu des dieux, a parlé », puiqu’il leur a procuré d'être des dieux, en puisant abondamment en Dieu de quoi les déifier, et en leur communiquant cet avantage selon sa bonté. Le vrai Dieu c’est Dieu.

Mais ceux qui sont formés d’après lui ne sont que des dieux images d’un premier exemplaire. Or l’image archétype de ces images, c’est le Verbe qui est auprès de Dieu et qui, dans le principe, était un Dieu, parce qu’il était toujours demeurant auprès de Dieu et qu’il n’aurait pas eu ce privilège s’il n’avait pas été auprès de Dieu, ni ne serait resté un Dieu, s’il n’avait persisté dans la contemplation ininterrompue de la profondeur paternelle. » In Joan., ii, 2, P. (, ., t. xiv, col. 109.

Origène prévoit que ce langage rencontrera des contradicteurs, qu’il gênera en particulier tous ceux qui, entendant dire qu’il n’y a qu’un vrai Dieu, le Père, et qu’après lui il n’y a que des dieux, pouvaient craindre de voir le Verbe, le Monogène, rabaissé au niveau de tous ceux à qui l’on attribue, par appropriation, ce nom de dieux. Et il s’efforce de résoudre la difficulté : « Outre cette différence et cette supériorité, dit-il, que le Dieu Verbe est le principe d’où les autres dieux tirent leur divinité, il faut considérer que ce verbe, qui est en chacune des natures raison nables est dans le même rapport avec le Verbe qui était auprès de Dieu dès le principe, que le Dieu Verbe avec Dieu : ô yàp sv sxâarco X6yoç xcov Xoyixcov toùtov tôv Xôyov e)(ei 7tpoç -rôv èv àpxfj Aoyov Trpôç 0eôv, ôvra Aôyov 0e6v, ôv ô ©eôç Aôyoç rrpôç t6v 0zôv. Ce que le Père, qui est Dieu en soi ou vrai Dieu, est à l’image et aux images de l’image, le Verbe l’est aux verbes particuliers. L’un et l’autre ont le rang de principe ou de source : le Père, de source de la divinité, le Fils de source de la raison. » In Joan., ii, 3, P. G., t. xiv. col. 112.

Ces textes semblent très clairs. Ils ne sont pas les seuls. Sans doute, Origène attribue au Fils toutes les perfections concevables : vie, vérité, sagesse, mais au Père il reconnaît une perfection idéale supérieure à tout cela : « Le Christ est la vie, écrit-il, mais celui qui est plus grand que le Christ est plus grand que la vie. » In Joan., xiii, 3, 19. « Autant Dieu, le Père de la vérité, est plus grand et plus haut que la vérité, et étant Père de la sagesse, supérieur à la Sagesse et au-dessus d’elle, autant il dépasse la lumière véritable. » In Joan., ii, 23, 151. « Ne faut-il pas dire que le Monogène et le premier-né de toute créature est l’essence des essences et l’idée des idées et le principe, et que son Père est Dieu au-delà de tout cela ? » Contra Gels., VI, 64. « Ainsi le Père est transcendant par rapport à la vie, à la vérité, à l’essence, à la lumière, la seule appellation qui soit retenue comme convenant proprement au Père, c’est la bonté, mais aussi n’estelle pas attribuée proprement au Fils. » J. Lebreton, Le désaccord de la foi populaire et de la théologie savante, dans Rev. d’hist. ecclés., 1924, t. xx, p. 16. Ici encore les textes sont très clairs et très nombreux : « Le Père est bon, le Sauveur est l’image de sa bonté. » In Joan., vi, 57, 295. « Il est l’image de sa bonté et le reflet, non pas de Dieu, mais de sa gloire et de sa lumière éternelle, et la vapeur, non pas du Père, mais de sa puissance, et l'épanchement pur de sa gloire toute-puissante et le miroir de son énergie. » In Joan., xiii, 25, 151-153 ; cf. In Joan., xiii, 36, 234 ; xxviii, 6, 42 ; De princip., i, ii, 12.

Origène insiste sur ces idées qui lui sont chères, et le terme d’image qu’il emprunte à l'épître aux Colossiens est amplement commenté par lui. S’agit-il du titre de vérité, attribué au Verbe ? Rufln traduit ainsi le passage du De principiis, I, ii, 6, où est expliqué ce titre ; Imago ergo est invisibilis Dei PaIris salvator noster quantum ad ipsum quidem Palrem veritas. i/uantum autem ad nos quibus révélât Palrem imago est. Mais on peut douter de l’exactitude de cette traduction ; car, dans la lettre à Avitus, 2