Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

li

    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. L’INCA HNATION

1538

aux excitations et à l’attrait de la volupté, on tombe dans l’intempérance, c’est qu’on n’a pas voulu résister et s’affermir dans sa volonté première. Car un autre, pour qui cet attrait et ces excitations sont les mêmes, sait par raison secouer ces amorces engageantes et dissiper la passion. » De princ, III, i, 2-4.

La preuve du libre arbitre doit être cherchée d’abord dans le témoignage de la conscience : « Observons donc ce qui se passe en nous, et voyons s’il n’y aurait pas de l’impudence à dire que ce n’est pas nous-mêmes qui voulons, nous-mêmes qui mangeons, nous-mêmes qui nous promenons, nous-mêmes qui donnons notre acquiescement et qui acceptons n’importe quelle opinion, nous-mêmes qui en repoussons d’autres comme fausses. Il y a des propositions auxquelles jamais homme ne parviendra à croire, en accumulant les paroles et les preuves en apparence les plus plausibles. Ainsi il est impossible de penser sérieusement au sujet des choses humaines qu’il n’y a pas de libre arbitre. » De oralione, 6.

A la preuve expérimentale, Origène ajoute naturellement l’argument scripturaire.et il multiplie les citations de textes favorables au libre arbitre. Il n’ignore d’ailleurs pas que certains passages semblent contredire sa thèse. Moïse n’a-t-il pas écrit que Dieu endurcit le cœur du pharaon ? L’apôtre n’a-t-il pas dit que le potier dispose à son gré de l’argile pour faire de la même masse soit un vase d’honneur soit un vase d’ignominie et que nous n’avons pas davantage à demander compte à Dieu s’il se sert de nous comme il l’entend ? A ces objections, il oppose divers arguments qui n’ont pas tous la même valeur. C’est ainsi que, dans son commentaire sur l'épître aux Romains, il suppose que les passages difficiles sont placés, par saint Paul, dans la bouche d’un contradicteur, que ce sont des objections, auxquelles l’apôtre répond. In Rom., vii, 16, P. G., t. xiv, col. 1144. Cette échappatoire ne le retient pas longuement. Il préfère dire que notre condition actuelle d’endurcissement, de honte est causée par des mérites ou des démérites antérieurs : si le Seigneur a aimé Jacob et haï Ésaii dès leur naissance, c’est parce que ces deux hommes s'étaient rendus dignes d’amour ou de haine en une vie précédente. De princ, III, i, 20 ; I, vii, 4 ; III, iv, 5. Ailleurs encore, il s’efforce de concilier la liberté et la science de Dieu : « Notre libre arbitre ne fait rien sans la science de Dieu, et la science de Dieu ne nous pousse pas de force au bien sans notre libre coopération. En d’autres termes, notre libre arbitre ne fait pas de nous des vases d’honneur ou des vases d’ignominie, sans la science de Dieu qui se sert de notre libre arbitre comme il convient à sa nature, et la préparation des vases d’honneur ou des vases d’ignominie ne dépend pas de Dieu seul : il lui faut une matière apte, je veux dire notre volonté qui se porte librement au bien ou au mal. » De princ, III, i, 22.

Ici, se trouve clairement posé le problème de la coopération de l’homme et de Dieu. Nous le retrouverons un peu plus loin. A nous en tenir à l’action du libre arbitre, remarquons encore qu’Origène la déclare indépendante de notre constitution physique, tout aussi bien que de l’influence des astres et de l’action des démons. De princip., III, i, 5. Il n’ignore pas que les démons agissent sur nous et cherchent à nous perdre. Il sait même que les simples attribuent tous les péchés que commettent les hommes à ces puissances contraires qui assiègent et accablent l’esprit des coupables parce qu’elles sont plus fortes que nous dans ces combats invisibles. Mais il ne saurait admettre une pareille excuse : si le diable n’existait pas, seraiton en droit de penser qu’il n’y aurait plus de fautes ni de délits parmi les hommes ? est-ce le diable qui est cause que nous éprouvons la faim, la soif, les sollicitations physiques de l’amour ? ou bien ces germes de passion ne proviennent-ils pas plutôt de notre nature corporelle ? De princ, III, n ; In Rom., iv.

VIL Le péché originel. L’incarnation. La rédemption. —

Le mal a été introduit dans le monde par le mauvais usage que.'es esprits créés ont fait de leur liberté. Dieu avait fait le monde bon, et même après la chute, il reste encore dans l’univers assez d’harmonie et de beauté pour que celui-ci ne soit pas indigne de son créateur. De princ, I, i, fi ; II, ix, 6. Le péché originel. — Malgré tout, le mal existe. Nous serions tentés de croire d’après ce que nous avons déjà vii, qu’Origène ne cherche pas à expliquer autrement que par cette chute primitive des esprits les faiblesses natives de l’homme. Lorsqu’il a à expliquer la formule de Job : « Qui donc est pur de toute faute ? personne, pas même celui qui n’a encore vécu qu’un seul jour sur la terre, » il doit, semble-t-il, lui suffire de rappeler que la descente de cette âme sur la terre et son » inhumanisation », son incarnation, est une conséquence fatale de la chute commise dans l’univers spirituel. Et dans son commentaire sur l'épître aux Romains, il écrit en effet : Ecclesia ab aposlolis traditionem suscepit, eliam parvulis baptismum dore ; sciebanl enim illi, quibus myslerionim sécréta commissa sunt divinorum, quod essent in omnibus genuinir sordes peccaii, quæ per aquam et spiritum abtui debercnl, propler quas eliam corpus ipsum corpus peccaii nominatur non — ut pu tant aliqui eorum qui animarum transmigralionem in varia corpora inlroducunt — pro his quæ in alio corpore posita anima deliquerit, sed pro hoc ipso quod in corpore peccaii et corpore mortis atque humililatis efjecta sil. In Rom., v, 9. Mais, si la traduction de Ru fin est exacte, Origène ne rappelle les descentes successives des esprits que pour les écarter, et il se contente de déclarer que la tache ou la souillure effacée par le baptême n’est autre que l’union de l'âme et d’un corps pécheur et mortel.

Sans aucun doute, Origène est guidé par l’usage liturgique de l'Église. On baptise les enfants, tel est le fait qu’il s’agit d’expliquer. L'Église agirait-elle de la sorte, s’il n’y avait rien dans les enfants qui dût se rapporter au rachat et au pardon. In Leuit., boni, vin, 3. Et comme les enfants n’ont pas encore commis de faute personnelle, il reste qu’ils n’ont à laver qu’une souillure : Parvuli baplizantur in remissionem peccaiorum : quorum peccatorum ? vel quo lempore peccaverunt aut quomodo potest ulla lewacri in parvulis ratio subsistere, nisi juxla illum sensum : Nullus mundus a sorde, nec si unius diei quidem fuerit vita ejus super terram ? et quia per baptisim sacramentum nalivilatis sordes deponuntur propterea baplizantur et parvuli. In Luc, hom. xiv, P. G., t. xiii, col. 1334. La sordes nadvitalis provient de la naissance même : « Toute âme qui naît dans la chair est souillée d’une tache de péché et d’iniquité. » In Levit., hom. viii, 3.

D’autre part, Origène ne peut pas négliger les données scripturaires qui mettent en relation la faute d’Adam avec l'état présent de l’humanité. Il est essentiellement un bibliste, il faut le répéter, et le texte des Livres saints fournit la matière inépuisable de ses réflexions. Aussi, lorsqu’il rencontre, dans l'épître aux Romains, la formule : « Comme la mort est entrée dans le monde par le premier Adam, de même la vie y est entrée par le second, » Rom., v, 1, il commente : « Tous les hommes étaient dans les reins d’Adam lorsqu’il habitait encore le Paradis et tous les hommes en furent chassés avec lui et en lui, quand il en fut chassé, et par lui, la mort qui est venue de la prévarication a passé sur tous ceux qui étaient dans ses reins. » In Rom., v, 1.

Nous sommes ici, comme le remarque J. Tixeront, en face d’une théorie du péché originel qui est bien